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douanière. Tenus de respecter la souveraineté de l'Etat dont ils longent le territoire, les navires de guerre étrangers seront enfin, vis-à-vis de ce territoire comme à l'égard des membres représentatifs de leur Etat qu'ils renconrent, dans l'obligation de se plier aux règles du cérémonial maritime en usage sur la mer.

623*. - Tels sont les principaux aspects du régime auquel doivent être soumis dans la mer territoriale les navires de guerre étrangers. Ce sont les principes que consacrent en général les auteurs, même ceux qui se refusent à voir dans cette mer une portion du domaine du riverain (1). L'Institut de droit international, qui ne l'a pas non plus assimilée complètement au territoire, déclare expressément dans l'article 7 de ses règles de 1894 que « les navires qui traversent les eaux territoriales se confor meront aux règlements spéciaux édictés par l'Etat riverain dans l'intérêt et pour la sécurité de la navigation et pour la police maritime »>. Fidèles à l'idée que le pays côtier est souverain des eaux territoriales, les Etats, dans leurs décrets et leurs ordonnances, soumettent généralement au même régime les navires de guerre étrangers se trouvant dans ces eaux et ceux admis dans les ports et les rades: mais en définitive les règles qu'ils proclament à leur sujet ne diffèrent pas sensiblement de celles que nous avons admises. Citon's notamment en ce sens l'article 8 du décret français du 21 mai 1913 qui, spécialement complet, contient les dispositions suivantes : « Les bâtiments de guerre étrangers qui relâchent dans un port ou dans les eaux territoriales sont tenus de respecter les lois fiscales et les lois et règlements sur la police sanitaire. Ils sont tenus également de déférer à tous les règlements du port. Il est interdit aux bâtiments de guerre étrangers se trouvant dans les eaux territoriales de faire des relevés de terrain et des sondages ou d'y faire, sans en avoir obtenu l'autorisation, des exercices de débarquement ou de tir. Aucun travail sous-marin, exécuté avec ou sans scaphandrier, ne pourra être effectué sans que l'autorité maritime en ait été avisée préals blement. Les embarcations qui circuleront dans les ports et les eaux territoriales ne pourront être armées. Aucun bâtiment de guerre étranger ne poura mettre à exécution une sentence de mort dans les eaux territoriales ». On rencontre des dispositions semblables dans les règlements de la plupart des Etats (V. règlements belge de 1901, art. 6 et 7; roumain de 1912, art. 5 et 7; néerlandais de 1909, art. 10 et 11; austro-hongrois, art. 9 et 18; italien de 1906, art. 7, 9, 10 et 14; russe de 1914, art. 9).

6233.

Qu'adviendra-t-il si un bâtiment de guerre étranger ne

(1) V. Imbart-Latour, op. cit., pp. 207 et s.

se conforme pas dans les eaux territoriales aux règles qu'il a le devoir d'observer ? L'autorité maritime ou militaire locale, étant donné le caractère du bâtiment, n'aura pas le droit de prendre contre lui une sanction répressive; elle attirera simplement l'attention de l'officier commandant sur la contravention commise et l'invitera formellement à respecter les règlements; si cette démarche échoue, elle pourra obliger le bâtiment de guerre étranger à quitter immédiatement les eaux territoriales. Telle est la solution que consacre, dans son article 10, le règlement français de 1913, semblable d'ailleurs à beaucoup d'autres (V. notamment règlement néerlandais de 1909, art. 12). Le décret italien du 24 mai 1906 dispose simplement qu'en cas de refus d'obtempérer aux observations de l'autorité locale, celle-ci devra protester formellement et en référer télégraphiquement aux autorités supérieures, ministre de la guerre ou ministre de la marine (art. 15). Ce n'est pas, notons-le, tout au moins dans notre opinion, à raison de son droit de souveraineté sur ces eaux, mais c'est uniquement en vertu de son droit de défense que l'Etat riverain a le droit d'agir de la

sorte.

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Une b) Pouvoir de juridiction de l'Etat riverain. infraction est commise à bord d'un navire de guerre étranger passant ou séjournant dans la mer territoriale : à quels tribunaux sera-t-elle déférée ? Si on estime que la mer territoriale fait partie du domaine du pays qui la longe, il faut considérer que l'infraction a été commise sur le territoire de ce pays. Mais si on pense qu'elle n'est qu'une portion de la pleine mer, on doit admettre qu'elle a été accomplie sur la mer libre. Et alors, le navire devra être traité, selon les cas, comme s'il s'était trouvé réellement soit dans le port ou la rade d'un Etat tiers, soit en haute mer. Ce sont donc les règes relatives aux navires de guerre en pleine mer (n° 607 et s.) ou aux navires de guerre dans les ports et les rades (no 6141 et s.) qu'il conviendra de lui étendre. Est-ce à dire cependant qu'au point de vue du droit de juridiction une solution différente devra, avec l'une ou l'autre conception, être appliquée au bâtiment de guerre ? En aucune manière. Car ici une considération spéciale doit intervenir qui a une importance primordiale. Cette considération se rapporte à la situation spéciale du navire de guerre. Celui-ci représente la force publique de l'Etat dont il porte le pavillon et, comme tel, il doit, en quelque lieu qu'il se trouve, échapper à la juridiction d'un Etat étranger. Ainsi, que la mer territoriale d'un Etat soit son territoire ou une partie de la mer libre, les crimes et délits commis à bord d'un navire de guerre étranger qui la traverse ou y stationne doivent être en dehors de la juridiction de l'Etat riverain et tomber uniquement sous celle du pavillon du navire. Cette solution devrait

également s'imposer si on reconnaissait aux navires de guerre un privilège d'exterritorialité ou de territorialité, puisque dans ce cas l'infraction serait censée avoir été commise non pas dans la mer territoriale ou en mer libre, mais sur le territoire même de l'Etat auquel le navire appartient.

623. La mer territoriale étant une portion de la mer libre, et le navire de guerre une représentation de l'Etat dont il bat pavillon, c'est toutes sortes d'infractions, qu'elles soient commises par le navire lui-même ou à son bord, entre hommes de l'équipage ou entre personnes étrangères à celui-ci, que nous estimons de la compétence des tribunaux du navire la souveraineté de l'Etat de son pavillon est, en effet, pour un bâtiment de guerre et sur la pleine mer, la seule admissible. Donc, non seulement les infractions purement displinaires, mais aussi tous crimes et délits quelconques, dussent-ils produire leur effet chez l'Etat riverain. Une seule exception à cette règle la juridiction du pays côtier aura compétence si, par un appel du bord ou une livraison du requérant, le navire de guerre renonce à la juridiction de son propre Etat.

6239. L'exemption de la juridiction de l'Etat riverain doit. pour une raison identique, exister au profit des navires de guerre en matière civile aussi bien qu'en matière pénale.

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623. Si, au point de vue de la connaissance des infractions commises par ou sur un navire de guerre, et au point de vue du règlement des contestations civiles intéressant un semblable na vire, il est finalement indifférent de décider que les eaux territoriales rentrent ou non dans le territoire du pays côtier, la question de la nature de ces eaux a, au contraire, à d'autres égards, son importance. Elle a, d'abord, de l'importance pour décider de la nationalité des enfants qui voient le jour à bord d'un navire de guerre. Il faudra les considérer comme nés sous la souveraineté de l'Etat du navire, si celui-ci doit être réputé se trouver en mer libre, puisque c'est la seule souveraineté qui puisse être en cause. Mais, à moins de reconnaître - ce qu'on ne doit pas faire — le privilège d'exterritorialité ou de territorialité des navires de guer re, c'est à une autre conclusion qu'on doit aboutir dans le système qui assimile la mer territoriale au territoire de l'Etat littoral: le navire de guerre se trouvant alors sur le territoire de cet Etat, c'est sur ce territoire que les enfants sont en définitive venus au monde. De même, la forme des actes passés sur le navire de guerre devra, en vertu de la règle locus regit actum, être, suivant la même distinction touchant la nature de la mer territoriale, celle prescrite par les lois de l'Etat du navire ou celle établie par les lois de l'Etat côtier Qu'on n'objecte pas à ces solutions qu'on ne prend pas cependant égard à la nature des eaux côtières pour la

répression des crimes et délits à bord d'un navire de guerre, quoique ici, comme dans cette hypothèse, le navire soit toujours une émanation de l'Etat dont il dépend. La situation n'est pas en effet identique dans les deux cas la répression des crimes et délits exige l'intervention d'une autorité; or un navire de guerre représente essentiellement la souveraineté d'un Etat et, en raison de ce caractère, il ne saurait, non plus que cette souveraineté ellemême, être soumis à une autorité étrangère ; c'est seulement à sa propre juridiction qu'il peut être déféré : on ne conçoit pas un Etat exerçant sa souveraineté sur un autre Etat, son égal, par l'intermédiaire de ses juges. L'indépendance de l'Etat n'est au contraire aucunement touchée parce qu'on applique aux enfants nés ou aux actes passés dans le territoire d'un Etat étranger, à bord d'un navire qui s'y trouve, les prescriptions en vigueur dans cet Etat pour ce qui a lieu sur son territoire un Etat dont les représentants viennent dans un autre Etat doit, comme les simples particuliers, respecter la souveraineté territoriale de ce dernier (1). 6238. Ne faut-il pas, en ce qui concerne le droit de juridiction de l'Etat riverain, distinguer entre les navires de guerre de passage dans la mer territoriale et ceux qui y séjournent ? L'exemption de la juridiction locale au profit des navires de guerre dans la mer territoriale a, dans notre opinion, pour raisons d'être à la fois le caractère spécial des navires militaires qui sont une fraction de la force publique de leur Etat et la nature de la mer littorale qui est une portion de la mer libre. Ces deux motifs sont tout aussi vrais lorsqu'il s'agit d'un navire de guerre qui séjourne que quand il est question d'un navire de guerre qui ne fait que traverser les eaux côtières. La solution doit être la même dans les deux cas. Dira-t-on que l'ordre public et le droit de conservation de l'Etat riverain se trouvent plus directement intéressés quand un navire s'arrête et séjourne que quand il passe simplement et que, dans ce cas, il doit dès lors acquérir vis-à-vis de lui un certain droit de juridiction? On peut répondre qu'on n'aperçoit vraiment pas quels dangers, dans les circonstances ordinaires, un navire de guerre peut faire courir à l'Etat voisin en stationnant dans sa mer territoriale. Nous avons reconnu aux navires de guerre un droit à entrer dans un port étranger sans reconnaître à l'Etat un droit de compétence judiciaire ; à plus forte raison faut-il leur conférer le pouvoir de stationner dans les eaux territoriales étrangères sans dépendre de la juridiction du pays côtier.

623°. L'Institut de droit international ne s'est pas occupé, dans son règlement de Paris de 1894, du droit de juridiction de

(1) Comp. de Louter, op. cit., t. I, p. 432.

l'Etat riverain sur les navires de guerre étrangers se trouvant dans la mer territoriale; il ne l'a envisagé qu'à l'égard des navires de commerce (art. 9). Il n'en a pas traité davantage dans ses résolutions de la Haye de 1898 celles-ci ont bien parlé du droit de juridiction de l'Etat territorial sur les navires de guerre étrangers, mais seulement sur les navires de guerre dans les ports. — Les arrêtés et règlements des Etats européens concernant l'admission et le traitement en temps de paix des navires de guerre étrangers dans les eaux territoriales et les ports ne disent rien non plus relativement à l'immunité de juridiction de ces navires. C'est vraisemblablement parce qu'il a paru à ces Etats qu'elle était suffisamment bien établie. En effet, en fait, d'après les usages internationaux, les navires de guerre jouissent dans les eaux étrangères d'une entière immunité de juridiction. L'article 9 du traité américain de Montevideo du 23 janvier 1889 dispose, au contraire, expressément que « les délits commis à bord des navires de guerre d'un Etat se trouvant dans les eaux territoriales d'une autre nation seront jugés et punis conformément aux lois de l'Etat auquel ces navires appartiennent »; mais il ajoute que « si, dans l'accomplissement des faits punissables ne sont intervenus que des individus n'appartenant pas au personnel du navire, le jugement et la condamnation auront lieu conformément aux lois de l'Etat dans les eaux territoriales duquel se trouve le navire ». Cette dernière stipulation ne saurait se concilier avec l'idée que la mer territoriale est une portion de la mer libre; elle implique nécessairement celle qu'elle constitue le territoire même de l'Etat riverain. On rencontre des dispositions à cet égard dans certaines législations internes américaines. L'immunité absolue de juridiction des navires de guerre dans les eaux territoriales est admise, en particulier, par le code pénal mexicain de 1871 (art. 189) et par le code de procédure criminelle du Chili de 1906.

§ 3.

- Navires de commerce dans les eaux juridictionnelles,
rades et ports étrangers.

624. Construits et équipés par des particuliers, non pas pour la défense d'un pays et la surveillance de ses côtes, mais dans un but strictement commercial, en vue d'intérêts purement privés, les navires de commerce n'ont pas de lien intime avec l'Etat dont ils dépendent. Ils portent sans doute son pavillon; mais ce pavillon est un pavillon spécial, différent de celui des navires de guerre, et son objet est uniquement d'établir extérieurement leur nationa lité. Ni le commandant, ni les gens de l'équipage d'un navire de commerce, qui sont à la nomination de l'armateur, ne représentent l'Etat aucun d'eux n'est investi de la plus infime parcelle de puis

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