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France, s'il se trouve sur son territoire et même avant son retour en France, s'il s'agit d'un crime attentatoire à la sûreté de l'Etat, et que tout étranger qui se rend coupable à l'étranger d'un acte compromettant la sûreté de la France peut faire l'objet de la part de celle-ci d'une réclamation d'extradition (art. 5 et 7, code d'instruction criminelle).

6253. La conception d'après laquelle la mer littorale ne fait pas partie du territoire de la nation riveraine doit en principe faire écarter le droit de juridiction civile tout aussi bien que le droit de juridiction criminelle de cette nation : réputės se trouver en pleine mer, les navires de commerce étrangers doivent dans la mer territoriale être en règle générale soumis aux lois et aux juridictions de leur propre Etat. Ici. comme en manière criminelle, ce n'est qu'au cas où les intérêts essentiels du pays côtier seraient en cause qu'un droit d'intervention pourrait lui être reconnu.

On est ainsi conduit à décider que les lois et la juridiction de l'Etat riverain doivent demeurer absolument étrangères à tous les actes de l'état civil ou autres passés ou reçus à bord des navires de commerce se trouvant dans les eaux adjacentes. Il faut de même déclarer le droit de cet Etat sans influence sur la nationalité des enfants naissant à bord des navires en question : ces enfants sont, comme en pleine mer, censés nés sur le territoire de l'Etat dont le navire porte le pavillon. Comme en pleine mer également, les navires de commerce doivent être à l'abri de toute saisie. La saisie implique en effet l'intervention des officiers publics, et, au besoin, de la force armée du pays qui la pratique, et cette intervention n'est pas possible en dehors du territoire de re pays. C'est à des solutions contraires que, sur tous ces points, on devrait aboutir si on faisait rentrer la mer territoriale dans le domaine maritime de l'Etat riverain.

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Quel est le tribunal compétent et quelle est la loi applicable pour le règlement des contestations qui peuvent se produire au sujet d'un abordage dans les eaux territoriales ? Puisque les eaux territoriales doivent être, d'après nous, considérées comme une partie de la mer libre. il faut appliquer aux collisions réalisées dans ces eaux les rè gles admises en ce qui concerne celles qui ont lieu sur la haute mer (n° 609).Mais,on l'a vu,sur la mer territoriale,l'Etat riverain possède pour la protection de ses intérêts des droits qu'il n'a pas en pleine mer. Ce fait ne doit-il pas lui permettre d'intervenir, par ses lois et par ses tribunaux, pour le règlement des abordages? On l'a soutenu. Pour prétendre que les tribunaux de l'Etat côtier doivent avoir compétence pour connaître des collisions survenues dans ses eaux littorales, on a fait remarquer que cet Etat a un puissant intérêt

à ce que les bâtiments de commerce de toutes les nations puissent naviguer dans ces eaux en toute sécurité (1). Nous ne contestons. pas l'existence de cet intérêt de l'Etat riverain; mais il ne faut pas oublier non plus que l'intérêt général de toutes les autres nations est aussi grand que celui tout particulier de l'Etat côtier, et la répression de l'abordage ne sera pas moins bien assurée par la nation à laquelle appartient le navire abordeur, défendeur dans une contestation en matière d'abordage, que par l'Etat riverain lui-même. Si l'Etat riverain a un intérêt évident à ce qu'il ne se produise pas d'abordage dans ses eaux territoriales, tous les Etats ont un intérêt non moins évident à ce que leurs navires ne soient pas abordés. En 1888, à la session de Lausanne de l'Institut de droit international, M Lyon-Caen proposa de n'établir aucune distinction entre la mer littorale et la haute mer, mais sa proposition fut rejetée sous le prétexte que la mer littorale est sous la souveraineté d'un riverain et, dans son projet de règlement des conflits de lois en matière d'abordages maritimes du 4 septembre 1888 (art. 1), l'Institut a soumis les collisions dans les eaux territoriales, à la compétence et à la loi de l'Etat côtier (2). Lorsqu'un abordage se produit dans les eaux territoriales, l'action de l'Etat riverain ne doit pas toutefois être toujours nécessairement écartée; elle peut s'exercer dans une certaine mesure en vertu des pouvoirs de police qu'il possède dans cette portion de la mer, cet Etat a le droit de faire et d'imposer aux navires étrangers qui y circulent des règlements de navigation, notamment pour prévenir les abordages; s'il est établi qu'une collision a eu pour cause la violation de ces règlements par le navire abordeur, les autorités judiciaires du pays qui les a établis pourront intervenir pour poursuivre contre le navire abordeur la répression de cette violation: il s'agit alors, en effet, de sanctionner un des droits qui appartiennent sans conteste à l'Etat riverain.

§ 4.

Des franchises spéciales accordées à certaines catégories de navires (3). 625*. Les navires de guerre et les navires de commerce ne sont pas les seuls navires qui puissent être employés dans les relations maritimes. A côté des navires de guerre, qui appartien

(1) V. Jarry, Crimes et délits commis en mer à bord des navires de commerce en temps de paix, 1890, p. 286. Teissier, Condition des navires dans

les rapports internationaux, 1886.

(2) V. Annuaire de l'Institut, t. X, pp. 148, 150 et s.

(3) V. Bisschop, Immunity of States in maritime law, British year book of international law, 1922-1923, p. 159. V. aussi Ibid, 1923-1924, p. 130. Bredal, Berlingieri, Koch, Löfgren et Matsumami, Rapports sur l'immu

nent à l'Etat et qui ont un but militaire, il y a en effet des navires qui, dépendant de l'Etat, sont chargés de services publics ou d'atilité publique qui n'ont pas un objet militaire ou sont employés i

t. XXX, p. 20.

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nité des navires d'Etat en Norvège, en Italie, au Danemark, en Suède et a Japon, Bulletins n° 50, 52 et 54 du Comité maritime international. - Feins, Die völkerrechtliche Stellung der Staatsschiffe, 1922 et Staatschiffe, Hansea tische Rechtszeitschrift, 15 avril 1922. Gothard Brandis, Note sous tri bunal hanséatique, 30 avril 1921, affaire West-Chatala. V. Revue interna tionale du droit maritime, t. XXXIV, p. 233. Guillibert, De l'insasier bilité dans les rapports internationaux des navires affectés au service postal, J. I. P., t. XII, p. 554. Laski, The responsability of the State in England, Harward law Review, t. XXXII, p. 447. Lord, Admiralty claims against the government. Maguire, States liability for tort, Harward law Review, Mc Nair, On judicial recognition of States and govern ments and the immunity of public ships, British year book of internations! law, 1921-1922, p. 57. Mittelstein, Hanseltische Rechtszeitschrift, 1922 p. 63. Nielsen, The lack of uniformity in the law and practice of Stater with regard to merchant vessels, A. J., 1919, p. 12. Renard, La condi tion juridique des navires appartenant à l'Etat et l'immunité des Etats a point de vue du droit maritime: étude de droit allemand, Revue internationale du droit maritime, t. XXXIV, P. 471. Ripert, La condition jaridique des navires appartenant à l'Etat et l'immunité des Etats au point di vue du droit maritime: étude de droit français, Revue internationale di droit maritime, t. XXXIV, p. 1. Rolland, Saisie d'un vaisseau d'Etat dese les eaux étrangères, exterritorialité, R. D. I. P., t. XII, p. 143. Roscoe, La condition juridique des navires appartenant à l'Etat et l'immunité du Etats au point de vue du droit maritime: étude de droit anglais, Revie internationale du droit maritime, t. XXXIV, p. 24. Siesse, La condition juridique des navires appartenant à l'Etat et l'immunité des Etats au point de vue du droit maritime: étude de droit américain, Revue internationale de droit maritime, t. XXXIV, p. 47. De Stael-Holstein, L'immunité des navires d'Etat, R. D. I., 3a série, t. IV, p. 489. — Van Slooten, Immunité de navires d'Etat, Bulletin de l'Institut intermédiaire international, janvier 1924, p. 2. Walton, State immunity in the laws of England, France, Italy and Belgium, Journal of comparative legislation and international law, octobre 1920, p. 252. Weston, Actions against the property of sovereign. Harward law Review, t. XXXII, p. 266. Wkitla Stinson, The requ tioned and the government-owned ships, Michigan law Review, t. II P. 421. De Witte Hamer, L'exterritorialité des vaisseaux d'Etat, R. D. I. 2e série, t. VI, p. 290. Comp. Anzilotti, L'ecenzione degli Stati stransen della giurisdizione, R. I., 1910, p. 477. Fouques, International law, § 283. p. 351, note 18. Gabba. De la compétence des tribunaux à l'égard du souverains des Etats étrangers, J. I. P., t. XX, p. 180; t. XVI, p. 538. t. XVII, p. 27. Hall, International law, § 55. Hyde, op. cit., t. I S$ 256 et 257. Lawrence, Disputed questions of modern international law. $ 107. Læning, Die Gerichtbarkeit über fremde Staaten und Souveränt,

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1903. Oppenheim, op. cit., t. I, § 450 et note 3. la compétence civile à l'égard des Etats étrangers. n° 157 et s., 258 et s. et R. D. I., 3a série, t. V, p. 436. - Rolland. De in correspondance postale et télégraphique dans les relations internationdes, 1901, pp. 308 et s. Ch. de Visscher, Les gouvernements étrangers justice, R. D. I., 3e série, t. III, pp. 140 et 300. Westlake, Trité de droit international privé, trad. franç., p. 320; International law, t. I. pp. 154 et 254. Wheaton, Elements of international law, 5e édit., p. 161 Wilson et Tucker, International law, 5e édit., 1919, pp. 125 e: s.

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des fins commerciales, et, à côté des navires de commerce, qui appartiennent à des particuliers et sont affectés à des opérations purement commerciales, il existe des navires privés qui, nolisés ou réquisitionnés par l'Etat, sont destinés à réaliser des fins militaires ou ont pour objet de satisfaire à des services publics ou d'utilité publique. Les bâtiments de ces diverses catégories doiventils être assimilés aux navires de guerre ou aux navires de commerce? Peuvent-ils ou non bénéficier des prérogatives qui à plusieurs points de vue sont accordées aux premiers et refusées aux seconds ? Une situation intermédiaire ne doit-elle pas tout au moins être faite à certains d'entre eux ?

De ce problème il est possible d'envisager plusieurs solutions en s'inspirant plus ou moins des caractères qui distinguent les navires de guerre et les navires de commerce. On peut, d'abord, soutenir qu'il ne faut assimiler à des navires de guerre que les bâtiments qui tout à la fois appartiennent à l'Etat et ont en vue l'accomplissement d'un service d'intérêt public. On peut encore, pour faire une semblable assimilation, s'attacher à la qualité du maître du navire, en faisant abstraction du service auquel ce dernier doit répondre. On peut, enfin, prendre en considération la nature du service auquel le navire est employé, sans avoir égard à la qualité de son possesseur. La première de ces conceptions ne semble pas avoir recueilli les suffrages des auteurs. C'est dans la réalité entre les deux autres qu'exclusivement ceux-ci se partagent. Certains, comme Cobbett, et Westlake (1), prennent pour criterium la qualité du propriétaire; mais la plupart se décident d'après la destination du navire ainsi font Despagnet-de Boeck, Ferguson, de Louter, Oppenheim, van Praag, Rivier, de Witt Hamer (comp. n° 5961) (2). La pratique des Etats est unanime à reconnaître que des navires doivent jouir des prérogatives des navires de guerre dès lors qu'ils sont possédés par un Etat. La thèse de la destination du navire nous paraît préférable : c'est le caractère public du service que le navire est appelé à remplir qui seul doit déterminer sa condition. A notre avis. il convient donc de formuler d'une manière générale les deux règles suivantes 1° Un navire appartenant à des particuliers bénéficie des privilèges du navire de guerre s'il est affecté à un service public. 2° Un navire appartenant à l'Etat ne jouit pas des immunités du navire de guerre s'il n'est pas affecté à un service pu

Westlake, op. cit., t. I, p. 255. 267. Ferguson, International

(1) V. Cobbett, op. cit., t. I, p. 259. (2) V. Despagnet-de- Boeck, op. cit., n° law, t. I, p. 438. De Louter, op. cit., t. I, p. 436. Oppenheim, op. cit.,

t. I, § 447. Van Praag, op. cit., n° 158.

Rivier, op. cit., t. I, p. 335.

De Witt Hamer, R. D. I., 2° série, t. VI, p. 290.

blic.

Mais, dans la doctrine de la destination du navire, unequestion se pose: un navire peut avoir une destination double, tout ensemble un but privé et un but public; auquel de ces deux buts faudra-t-il donner la préférence ? La solution la plus juste serait de ne reconnaître au navire les prérogatives du navire de guerre qu'autant que se trouve en cause son objet d'intérêt public. C'est un point toutefois qu'il sera souvent difficile d'établir en fait. Aussi a-t-on proposé de s'attacher à la destination principale du navire (1). Cette opinion n'est pas encore pleinement satisfaisante, car la question de savoir quelle est la destination principale d'un navire est elle-même fréquemment douteuse. Peut-être le mieux serait-il d'admettre l'assimilation au navire de guerre toutes les fois que le navire a, dans une mesure quelconque, une destination publique. Mais que faut-il entendre exactement par destination publique ? Pour décider si un navire doit ou non bénéficier des privilèges d'un navire de guerre, il faut, croyons-nous, se demander si, étant donné la destination du navire, la raison d'être qui explique ces privilèges existe ou non à son endroit pour être appliquées à l'un et à l'autre cas, les immunités doivent avoir un fondement identique. Il ne peut être en effet question d'assimiler deux choses que s'il y a entre elles un point de contact, et ce point de contact doit se rencontrer dans les motifs qui peuvent expliquer l'identité de leur condition. Or, pourquoi reconnaît-on au navire de guerre un certain nombre d'immunités ? Parce qu'il est l'expression du pouvoir souverain de l'Etat dont il porte le pavil lon; parce que, partie de sa force armée, il représente cet Etat dans une de ses fonctions fondamentales; parce qu'il est une fraction de l'Etat lui-même (n° 6181). On doit dès lors ne déclarer assimilés aux navires de guerre que les navires qui remplissent une fonction spécifique de l'Etat, qui sont affectés à un service dont l'Etat ne peut s'acquitter qu'en qualité d'Etat. Et ainsi, précisant le système de la destination, il ne saurait suffire de dire que le navire, propriété de l'Etat ou d'un particulier, est préposé à un service public quelconque ; il faut qu'il soit chargé d'un service rentrant dans les attributions essentielles de l'Etat, constituant de la part de celui qui l'exerce véritablement un acte de la puissance publique (n° 596). Cette distinction entre les fonctions essentielles et non essentielles de l'Etat est-elle toutefois réellement admissible? On l'a contesté. On a fait observer qu'une pareille distinction ne peut pas avoir la portée d'une vérité gé nérale et absolue, et que, si dans un Etat les gouvernants se char

(1) V. van Praag, op. cit., n° 158, p. 385.

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