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bre 1783 entre les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, suivant une ligne fixée au milieu des lacs et des rivières. Mais, des doutes s'étant élevés sur ce qu'il fallait entendre exactement par le milieu de ces lacs et rivières, le traité de Gand du 24 décembre 1814 décida, pour les faire disparaître, de charger une commission mixte de préciser la frontière d'eau « conformément au véritable sens du traité de 1783 » (art. 6 et 7). Une ligne équidistante des deux rives devait avoir en certains cas pour conséquence de diviser de nombreuses îles, souvent étroites, et de placer le chenal des lacs et des rivières exclusivement chez l'un des deux riverains, grave inconvénient à une époque où la liberté de navigation n'était pas encore posée pour les fleuves; dès lors, la commission mixte, par décision du 18 juin 1822, prit comme criterium de la frontière, pour la section des lacs Ontario, Erié et Huron, l'exact milieu des lacs et des rivières, et, à défaut d'entente entre les commissaires en ce qui concerne la section du lac Supérieur, les deux gouvernements, par un traité du 9 août 1842, adoptèrent comme principe de détermination pour cette section le milieu du chenal (1). Jusqu'à la ligne ainsi établie, les grands lacs limites sont respectivement sous la juridiction de la GrandeBretagne et des Etats-Unis. Une plus complète définition et démarcation de la frontière d'eau entre les Etats-Unis et le Canada a été encore l'objet de conventions postérieures du 11 avril 1908 et du 11 janvier 1909 (2). - En vertu des traités qu'ils ont conclus entre eux les 19 novembre 1794, 9 août 1842 et 8 mai 1871, les EtatsUnis et la Grande-Bretagne ont un droit égal de navigation sur toutes les parties des lacs frontières; aucun autre Etat n'a le droit d'y naviguer à moins qu'il n'ait obtenu ce droit par un traité signé avec l'une ou l'autre des deux puissances riveraines. Ce droit de navigation au profit des pays riverains leur a été également reconnu par la convention du 11 janvier 1909. Mais le droit commun de navigation ne doit pas comprendre la navigation au cabotage. Par les traités de 1871 et de 1909 les EtatsUnis ont accordé aussi aux habitants et aux navires du Canada le droit de naviguer sur le lac Michigan. En matière de pêche, les Etats riverains ont un droit exclusif dans les parties des eaux

(1) V. de Lapradelle et Politis, Recueil des arbitrages internationaux, t. I, pp. 311 et s., 318 et s. Moore, International arbitrations, t. I, ch. V et VI. Sur les grands lacs, V. encore Hershey, Essentials of international public law, pp. 204 et 208, notes. Hunt, How great lakes became « high seas and their status viewed from the standpoint of international law, A. J., 1910, pp. 285 et s. Hyde, International law, t. I, pp. 268, 287, 315-317, 320-321, note et t. II, pp. 31-32 note. et s.

(2) V. A. J., 1910, p. 668.

Moore, Digest, t. I, pp. 670

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des lacs qui leur appartiennent. C'est ce qui résulte notamment d'un traité du 11 avril 1908. Le traité du 11 janvier 1909 a réservé aux Etats-Unis et au Canada le droit d'user et de distraire à leur profit, d'une manière temporaire ou permanente, toutes les eaux se trouvant de chaque côté de leur frontière respective. Mais il y est stipulé qu'à cet égard aucune des deux parties ne pourra rien faire dans ses eaux frontières qui soit susceptible de porter atteinte au niveau, au courant et à la pureté des eaux frontières de l'autre. Le même traité a institué une commission mixte de six membres (trois nommés par chaque partie) pour connaître de tout ce qui a trait à l'usage des eaux et à leur distraction. Toutes ces dispositions semblent bien faire obstacle à ce qu'on puisse considérer les grands lacs comme des portions de la haute mer. La cour suprême des Etats-Unis en a cependant jugé autrement en 1893, dans une affaire United States e. Rodgers relative à des actes criminels commis à bord d'un navire américain naviguant dans les eaux voisines du Canada en effet, a dit le juge Field, représentant l'opinion de la cour, « les grands lacs possèdent tous les caractères d'une mer. Ils ont une grande étendue en longueur comme en largeur. Ils sont navigables pour les plus grands navires de commerce. On ne peut distinguer des objets d'un rivage à l'autre. Ils séparent des Etats et constituent la frontière de nations indépendantes. Ils finissent par se déverser dans l'océan. Le fait que leurs eaux sont douces et ne sont pas sujettes à marée ne saurait affecter leur caractère essentiel de mer : car bien des mers sont sans marée et les eaux de quelques-unes ne sont que très légèrement salées ». Mais cette décision n'a pas été prise à l'unanimité les juges Gray et Brown se déclarèrent d'un

avis contraire (1).

Afin de prévenir les conflits qui pourraient naître sur les grands lacs, ceux-ci ont été, sinon neutralisés, tout au moins soumis à un régime de limitation des armements. Par un échange de notes des 28 et 29 avril 1817, un accord fut conclu entre les Etats-Unis et la Grande-Bretagne qui limita de la façon suivante le nombre des vaisseaux que chaque partie peut avoir sur ces lacs sur le lac Ontario un bâtiment de guerre de 100 tonneaux au maximum, armé d'une seule pièce de 18; sur chacun des lacs supérieurs deux bâtiments du même déplacement et de même armement; enfin sur le lac Champlain un seul bâtiment identique aux autres. Ce traité est encore en vigueur aujourd'hui ; mais il y a été en fait dérogé à diverses époques par chacune des parties sans que l'autre élevât aucune opposition sérieuse :

(1) V. Brown Scott, Cases on international law, p. 222. 1910, pp. 297-298. Moore, Digest, § 136, t. I, p. 670.

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ainsi, en 1837-1838, lors du soulèvement des « patriotes canadiens», les forces navales anglaises furent temporairement augmentées; et, en 1844, les Etats-Unis mirent en service sur le lac Erié le vapeur Michigan dont les dimensions (498 tonneaux) et l'armement (deux canons de 32) dépassaient ceux fixés par l'accord; les Américains ont, d'autre part, prétendu que la construction de bâtiments de guerre devait être autorisée sur les lacs canadiens, à la condition que ces bâtiments n'y fussent pas stationnés, et que la simple traversée des lacs par des navires de guerre n'était pas en contradiction avec les traités. Le gouvernement de Washington dénonça le traité de 1817 le 25 novembre 1864; mais, la situation s'étant modifiée avant que le délai de six mois fixé par la convention ne fût écoulé, la dénonciation fut révoquée (1).

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520. D'une manière générale, le domaine fluvial d'un Etat se compose de tous les cours d'eau qui l'arrosent, quelles que soient leur étendue et leur nature. Ces cours d'eau peuvent être, au point de vue géographique, de plusieurs espèces différen

(1) V. Moore, op. cit., § 143, t. I, p. 691. Comp. Wehberg, La limitation des armements, R. D. I. P., 2e série, t. III, p. 504.

(2) V. Bergès, Du régime de navigation des fleuves internationaux, 1902. Carathéodory, Du droit international des grands cours d'eau, 1861: Das Stromgebietsrecht und die internationale Flusschiffahrt, 1887. Carlomagno, El derecho fluvial international, 1913. Cremer van den Bergh, Historia novarum legum de fluminum communium navigatione, 1835. Criscuolo, La sovranità degli Stati sulle acque, 1886. - Engelhardt, Du régime conventionnel des fleuves internationaux, 1879; Histoire du droit fluvial conventionnel, 1889; Régime des fleuves internationaux, R. D. I., t. XIII, p. 187; Le droit fluvial conventionnel et le traité de Londres de 1883, R. D. I., t. XVI, p. 360; De l'application du principe de la neutralité aux fleuves internationaux, R. D. I., t. XVIII, p. 159; Communauté fluviale conventionnelle, Revue d'histoire diplomatique, 1888, n° 4; La liberté de la navigation fluviale, R. D. I., t. XI, p. 363; Discussion des derniers actes conventionnels relatifs au régime des fleures internationaux, R. D. I., t. XIII, p. 187. Van Eysinga, Evolution du droit fluvial international du Congrès de Vienne au traité de Versailles, 1815-1919, 1920; Les fleuves et canaux internationaux, Bibliotheca Visseriana, t. II, 1924, p. 123. Hostie, Le rôle de la Société des Nations en matière de communications et de transit, R. D. I., 3e série, t. II, p. 83; Notes sur le statut relatif au régime des voies navigables d'intérêt international, R. D. I., 3e série, t. II, p. 532. Huber, Contribution à la théorie de la souveraineté territoriale sur les fleuves frontières, Zeitschrift für Völkerrecht und Bundesstaatsrecht, 1906, pp. 29-159; Internationales Wasserrecht, 1911. Hyde, Notes on rivers and navigation in international law, A. J., 1910, p. 145. Jacomoni, Il regime dei fiumi dichiarati internationale del trattato di Versailles, R. I.. 1921, p. 542. Kaekenbeeck, International rivers, 1918. Kazansky, Les cours d'eau conventionels (en russe), 1895. Lederle, Das Recht der internationalen Gewässer unter besonderer Berücksichtigung Euro

tes. Il y en a dont le parcours est en entier sur le territoire d'un seul Etat on les appelle des cours d'eau nationaux. Mais il en est d'autres qui séparent ou qui traversent le territoire de deux ou de plusieurs Etats: on donne à ces derniers le nom de cours d'eau internationaux ; c'est la définition traditionnelle, qui procède des articles 1 et 2 du règlement du 24 mars 1815 concernant la libre navigation des rivières et 108 et 109 de l'acte final de Vienne du 9 juin 1815. Une autre distinction peut être faite entre les cours d'eau en tenant compte de leur importance comme voies navigables c'est celle qu'a établie en 1921 la convention de Barcelone sur le régime des voies navigables. A cet égard, en effet, cette convention a envisagé des cours d'eau qui sont d'intérêt international et des cours d'eau qui ne sont pas d'intérêt international les cours d'eau séparant ou traversant plusieurs Etats sont toujours considérés comme d'intérêt international; des cours d'eau coulant à l'intérieur d'un même Etat peuvent avoir ou non ce caractère, selon que leur navigation présente un intérêt plus ou moins grand. La dénomination de fleuve est reconnue spécialement aux cours d'eau qui se rendent directement à la mer ; ceux qui y conduisent par l'intermédiaire des fleuves sont appelés des rivières. On appelle affluents les cours d'eau qui se jettent dans un autre. Ces divers cours d'eau sont dits navigables ou non-navigables selon que des navires et des bateaux peuvent ou non y circuler. On peut distinguer dans tout cours d'eau trois parties distinctes le lit, c'est-à-dire la partie terrestre qui en forme le fond; le cours ou l'eau courante qui à proprement parler le constitue; enfin les rives ou les bords.

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pas, 1920. Lopez, Regimen internacional de los rios navegables, 1905. Ogilvie, International waterways, 1920 (ouvrage précieux au point de vue documentaire) (a).- Orban, Etude de droit fluvial international, 1896.- Poinsard Droit international conventionnel, 1894, pp. 89 et s. Reitzenstein, Das Recht der Staaten an gemeinsamen Flüssen, 1911. Rettich, Prisenrecht und Flusschiffahrt, 1892. Schmitt, Das Recht der Schiffahrt auf internationalen Flüssen, 1909. Schulthess, Das internationale Wasserrecht, 1915. · Vallotton, Du régime juridique des cours d'eau internationaux de l'Europe centrale, R. D. I., 2o série, t. XV, p. 271; La Suisse et le droit de libre navigation sur les fleuves internationaux, 1914. Vernesco, Des fleuves en droit international, 1888. Ch. de Visscher, Le droit international des communications, 1924, pp. 29 et s. Vrij, Nederlands rol in het recht der internationale rivieren, 1920. Wehberg, Die Fortbildung des Flusschiffahrtsrecht im Versailler Friedensvertrage, 1919. Wurm, Fünf Briefe über die Freiheit der Flusschiffahrt.

(a) On trouve dans cet ouvrage la liste de toutes les conventions, avec l'indication de leur objet, relatives, aux différents cours d'eau de l'Europe, de l'Amérique du Nord, de l'Amérique du Sud, de l'Afrique et de l'Asie (pp. 180-380).

Quels sont exactement les droits qui, en ce qui concerne les cours d'eau, appartiennent aux Etats? Il convient, pour examiner cette question, de se placer, en envisageant séparément les cours d'eau dits nationaux et les cours d'eau dénommés internationaux, successivement au point de vue des théories et des principes et au point de vue de la pratique et du droit conventionnel des Etats. On indiquera ensuite la situation conventionnelle faite aux principaux fleuves du monde.

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521. Les cours d'eau nationaux sont ceux qui coulent sur le territoire d'un seul Etat. On les oppose à ceux qui séparent ou traversent deux ou plusieurs Etats et qui pour ce motif sont dits cours d'eau internationaux. Faut-il considérer comme nationaux ou au contraire comme internationaux les cours d'eau qui intéressent des Etats composés, c'est-à-dire des Etats constituant une union personnelle, une union réelle, une confédération d'Etats, un Etat fédéral ? Il nous semble qu'il faut ici distinguer les Etats. composés qui, comme l'union personnelle et la confédération d'Etats, forment, au point de vue extérieur, des personnalités distinctes (n° 1662 et 1691) et ceux qui, comme l'union réelle et l'Etat fédéral, ne sont qu'une seule personnalité (n°* 167 et 172): doivent être déclarés internationaux les fleuves qui desservent les Etats composés de la première espèce et nationaux ceux qui sépa rent ou traversent les Etats composés de la seconde catégorie ; pour les Etats étrangers, le territoire sur lequel coulent ces derniers fleuves équivaut en effet au territoire d'un seul et même Etat. A la suite de changements territoriaux dans la configuration des Etats, un fleuve international peut devenir fleuve national et inversement un fleuve national devenir fleuve international. Ainsi, en Europe, l'unité allemande et l'unité italienne ont eu pour conséquence de transformer en fleuves nationaux le Weser en Allemagne et le Pô en Italie; l'Escaut, à un certain moment de l'histoire, sous Napoléon Ier, fut entièrement sous la domination française; en sens contraire, après la grande guerre de 19141919, la dissolution de l'empire Austro-Hongrois a fait des fleuves internationaux de cours d'eau qui jusqu'alors étaient purement nationaux, comme le Drave et la Morava. De même, en Amérique, par la réunion de la Louisiane et de la Floride aux Etats-Unis, le Mississipi est devenu pour ceux-ci un fleuve entièrement national521'.- Les cours d'eau nationaux font-ils réellement partie du domaine de l'Etat sur le sol duquel ils coulent ?

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