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distinguent nettement la piraterie du droit interne de celle du droit des gens (V. convention d'extradition Etats-Unis et France, 6 janvier 1909, art. 2, 13° a). La piraterie interne se distingue sous deux rapports de la piraterie internationale : 1° Tandis que les pirates internationaux peuvent être poursuivis et jugés par tout Etat quelconque, les pirates du droit interne ne peuvent être punis que conformément aux lois et aux traités qui les qualifient de la sorte, en tant que citoyens des Etats dont ces lois dépendent ou que ces traités obligent, dans les lieux qui font partie de leur juridiction et par les tribunaux qui leur appartiennent. 2° Les faits qui constituent la piraterie du droit des gens présentent un caractère identique pour tous les Etats; ceux qui forment la piraterie légale ou conventionnelle, que certains appellent aussi quasi-piraterie, varient au contraire avec chaque pays tous les Etats n'assimilent pas les mêmes faits à la piraterie.

Donnons quelques exemples de lois intérieures qui considèrent comme des pirates des individus qui ne sont pas tels suivant le droit international. La loi française du 10 avril 1825 a déclaré (art. 1, 2, 3 et 4) que seront poursuivis et jugés comme pirates : 1 tout individu faisant partie de l'équipage d'un navire ou bâtiment de mer quelconque, armé et naviguant sans être ou avoir été muni pour le voyage de passeport, rôle d'équipage, commissions ou autres actes constatant la légitimité de l'expédition ; 2° tout commandant d'un navire ou bâtiment de mer armé et porteur de commissions délivrées par deux ou plusieurs puissances ou Etats différents; 3° tout individu faisant partie de l'équipage d'un navire ou bâtiment de mer français, lequel commettrait à main armée des actes de déprédation et de violence, soit envers des navires français ou des navires d'une puissance avec 'aquelle la France ne serait pas en état de guerre, soit envers les équipages ou chargements de ces navires; 4° tout individu faisant partie de l'équipage d'un navire ou bâtiment de mer étranger, lequel, hors l'état de guerre, et sans être pourvu de lettres de marque ou de commissions régulières, commettrait les dits actes envers des navires français, leurs équipages ou chargements; 5 le capitaine et les officiers de tout navire ou bâtiment de mer quelconque qui aurait commis des actes d'hostilité sous un pavillon autre que celui de l'Etat dont il aurait commission ; 6 tout Français ou naturalisé français, qui, sans l'autorisation du roi, prendrait commission d'une puissance étrangère pour commander un navire ou bâtiment de mer armé en course; 7° tout Français ou naturalisé français qui, ayant obtenu, même avec l'autorisation du roi, commission d'une puissance étrangère pour

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commander un navire ou bâtiment de guerre armé, commettrait des actes d'hostilité envers des navires français, leurs équipages ou chargements; 8° tout individu faisant partie de l'équipage d'un navire ou bâtiment de guerre français qui, par fraude ou violence envers le capitaine ou commandant, s'emparerait dudit bâtiment; 9° tout individu faisant partie de l'équipage d'un navire ou bâtiment de mer français qui le livrerait à des pirates ou à l'ennemi. Le droit anglais considère notamment comme un pirate tout sujet britannique qui donne aide ou assistance sur mer aux ennemis du roi ou qui se livre sur la haute mer au transport des esclaves (1). La Grande-Bretagne a proposé en 1822, au congrès de Vérone, d'assimiler la traite des noirs à la piraterie ; mais la France repoussa cette assimilation. Un act du congrès des Etats-Unis de 1820 a de même déclaré que la traite constituait une piraterie. Cette doctrine a encore été reconnue en 1841 par l'Autriche, la Prusse et la Ruskie. Une ordonnance de l'Espagne de 1801 a établi qu'on doit tenir pour pirate tout navire muni d'une fausse patente ou qui n'en a aucune, celui qui combat sous un autre pavillon que le sien, qui s'arme en course sans licence de son gouvernement ou qui, sans y avoir été autorisé, reçoit patente d'un autre Etat, même allié de l'Espagne. Un décret espagnol du 20 juillet 1873 a déclaré pirates les insurgés et les navires de l'Etat retenus par eux. Un décret du gouvernement du Brésil du 10 octobre 1893 qualifia de pirates les navires de guerre soulevés contre le gouvernement du maréchal Peixoto. Au début de la guerre de Sécession, le président Lincoln décréta le 16 avril 1861 que les insurgés sudistes devaient être traités en pirates, et, le 21 novembre 1863, M. Seward, secrétaire d'Etat, soutint qu'il fallait considérer comme pirates les navires commissionnés par un parti insurgé tant que celui-ci ne détient aucun port. Le code pénal du Pérou a assimilé à la piraterie l'exécution d'un jugement de bannissement qui n'a pas été prononcé par un tribunal régulier. — L'Autriche a demandé qu'on traitât comme piraterie la destruction des câbles télégraphiques internationaux. Dans un certain nombre de traités (France et EtatsUnis, 6 février 1778, art. 23; Danemark et Gênes, 30 juillet 1789, art. 12; Etats-Unis et Suède, 3 avril 1783, art. 23 et 4 juillet 1827, art. 17; Etats-Unis et Grande-Bretagne, 19 novembre 1794, art. 21 et 31 décembre 1806, art. 15; Etats-Unis et Prusse, 10 septembre 1785, art. 20, 11 juillet 1799 et 1" mai 1828, art. 12; Etats-Unis et Espagne, 20 octobre 1795, art. 14 et 22 février 1819, art. 12; Etats-Unis et Centre Amérique, 5 décembre 1825, art. 24), on a

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(1) V. Stephen, Digest of the criminal law, art. 104-117.

assimilé à des pirates les membres d'un navire neutre qui reçoivent de leur Etat des commissions ou lettres de marque pour agir hostilement contre une nation belligérante ou pour inquiéter le commerce et les propriétés de ses sujets ou citoyens. Rappelons que le traité de Washington du 6 février 1922 entre les Etats-Unis, l'Empire britannique, la France, l'Italie et le Japon a assimilé à un pirate celui qui viole les règles du droit international relatives à l'attaque, à la saisie et à la destruction en temps de guerre des navires de commerce par des navires de surface ou par des sous-marins (n° 483).

483 **.

Un crime ou un délit quelconque ne devient-il pas un acte de piraterie selon la portée du droit des gens dès lors qu'il est traité comme tel dans la pratique par tous les Etats civilisés ? On l'a soutenu (1). Mais nous croyons cette solution inexacte. Ce qui fait d'un crime ou d'un délit un acte de piraterie internationale, c'est en effet uniquement sa nature propre. Comme le dit très justement Pradier-Fodéré, « quand bien même tous les Etats civilisés se seraient accordés par une convention générale pour donner à tel délit le caractère d'un acte de piraterie selon la portée du droit des gens, ce délit n'en serait pas moins un acte de piraterie suivant le droit international conventionnel, s'il n'a pas le caractère qui constitue essentiellement la piraterie suivant le droit international universel » (2).

483. On ne doit pas comprendre dans la notion de piraterie la faculté qui, au Moyen-Age, sous la dénomination de droit d'épave, était accordée à l'Etat ou aux habitants du littoral de s'emparer par occupation des objets provenant des naufrages, comme s'ils étaient des produits de l'océan. La coutume fut même étendue, en certaines localités, aux naufragés qui étaient, ou mis à mort, ou réduits en esclavage, à moins qu'ils ne payassent rançon. Les babitants des côtes allaient même jusqu'à provoquer des naufrages, en allumant des signaux trompeurs.- Sous sa forme la plus douce, le droit d'épave se bornait à la réclamation, par le propriétaire du sol, d'une sorte de taxe sur les navires échoués à la côte comme réparation des dommages causés au littoral par le naufrage.

Contre cette spoliation des naufragés, le concile de Latran de 1199 édicta l'excommunication. Les rôles d'Oléron prononcèrent des peines sévères, ainsi que l'ordonnance de Charles-Quint de 1532. En vain, le pillage continua.

Quelques Etats firent délivrer à leurs sujets des lettres les affranchissant du droit d'épave. Les Villes Hanséatiques agirent

(1) V. Travers-Twiss, Le droit des gens, 1889, chap. X, n° 205, t. II, $409. (2) Pradier-Fodéré, op. cit., t. V, n° 2502, p. 824 et note 1.

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Au xvr siècle, commença

ainsi à l'égard du Danemark. s'établir fort lentement un usage plus conforme aux notions de communauté internationale.

De nos jours, tous les Etats civilisés considèrent le droit d'épave comme une pratique honteuse. En cas de naufrage et de danger de mer, les habitants du littoral, les autorités sont tenus de prêter assistance, de procéder au sauvetage des navires et des cargaisons, sauf à réclamer la rémunération du service rendu. Le fisc ne participe plus à la rançon des objets sauvés. Il n'a plus droit qu'aux objets échoués dont les propriétaires restent inconnus.

Un grand nombre de traités ont cherché à prévenir les traite-ments arbitraires parfois infligés aux étrangers, en assurant aux naufragés, sujets des contractants, aide et protection réciproques et en les assimilant aux nationaux en ce qui concerne le droit de sauvetage (convention entre France et Angleterre du 29 octobre 1889).

484.

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En ce qui concerne le domaine terrestre, une double question se pose de quoi se compose ce domaine ? quelle peut en être l'étendue ?

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484'. Le domaine terrestre comprend le sol même, l'ensemble des propriétés privées appartenant aux sujets de l'Etat, les biens du domaine public que les fonctionnaires de l'Etat ont le devoir d'entretenir dans l'intérêt de la communauté des citoyens, tels que routes, canaux, chemins de fer, certains édifices publics, etc.

Parmi ces choses, les chemins de fer et les lignes télégraphiques occupent une importante place au point de vue des rapports

Fawcett, Ghirardini, La sovraHoldich, Political fron

(1) V. Adami, I confini di Stato nella legislazione internazionale, 1919. Barbagelata, Boundaries and Frontiers, 1911. Cavaglieri, Territori internazionali, R. I. 1906, p. 285; Frontiere, 1905, Enciclopedia juridica italiana. Cavaretta, Diritti sul territori altrui nel diritto internazionale contemporaneo, 1905. V. aussi Archivio giuridico, juillet-août 1904. — Del Bon, Proprieta territoriale negli Stati, 1867. Curzon of Kedleston, Frontiers, 1907. Donati, Stato e territorio, R. I., 1914, pp. 319 et 465; 1923, p. 349. Frontiers, 1918. Fricker, Vom Staatsgebiet, 1867. nita territoriale nel diritto internazionale, 1913. tiers and boundary making, 1916. Keul, Grenzstreitigkeiten, 1913. Landau, Die Territorien, 1854. Moulin, Le litige chilo-argentin et la déli mitation politique des frontières naturelles, 1902. Ortolan, Du domaine international, 1851. Radnitzki, Die rechtliche Natur des Staatsgebietes, Archiv für öffentl. Recht, 1906, p. 313. Schroeder, Grenzregulierung durch Staatsvertrage, 1891. Willoughby, Territories and dependencies of the United States, 1905. Wright, Territorial propinquity, A. J., 1918, p. 519.

internationaux. Le mode et les règles de leur exploitation intéressent, par voie de répercussion directe, les Etats limitrophes et les sujets de ces Etats. Pour activer le développement économique, pour accroître la prospérité commerciale de tous les pays en facilitant les échanges, les importations et les exportations, il importe de donner aux voies ferrées comme aux lignes télégraphiques une organisation internationale combinée avec leur organisation particulière et nationale, de les soumettre autant que possible à des législations semblables, assurant la régularité, l'économie et la célérité des transports. Nous retrouverons dans une autre partie les mesures adoptées dans ce but et constaterons le progrès accompli par une entente internationale de plus en plus générale.

Font partie du domaine terrestre (ou territoire) d'un Etat les continents, les îles qui se trouvent dans les fleuves ou dans les eaux territoriales, les colonies instituées dans des îles ou des continents d'une autre région du globe. Au xx siècle, le territoire de plusieurs Etats se compose d'un nombre plus ou moins grand de portions de la surface de la terre, séparées les unes des autres par des espaces plus ou moins considérables.

484. Les colonies sont des dépendances distinctes du sol de la mère-patrie; mais elles sont soumises à la juridiction, à la souveraineté de l'Etat et font juridiquement partie intégrante de son territoire. Elles sont subordonnées au pouvoir souverain de la métropole, quoiqu'elles puissent être organisées différemment et régies par des législations propres, spéciales et variées. L'Angleterre, la France, la Hollande, l'Italie, etc. ont des colonies d'espèces différentes. Au point de vue du droit international public, cette variété est indifférente. Une colonie est une annexe du territoire continental. Elle n'est qu'un des éléments du patrimoine de l'Etat. Elle n'a pas, vis-à-vis des autres Etats, une vie internationale indépendante.

En droit international public, les possessions terrestres d'un Etat, en quelque lieu du globe qu'elles soient situées, forment juridiquement un tout indivisible.

485.

Ce n'est pas seulement la surface du sol qui forme le domaine terrestre des Etats. Le sous-sol, à quelque profondeur que ce soit, en fait également partie. On considère qu'il ne forme pas un territoire spécial, mais une dépendance du territoire que constitue la surface de la terre. Il est soumis à la souveraineté de l'Etat souverain de la superficie. Le pouvoir sur le sous-sol a son importance pour l'établissement des lignes souterraines de télégraphie, de téléphonie ou de transport de force, pour l'exploitation des mines et carrières, pour la construction des tunnels.

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