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DISCOURS

PRONONCÉ

A L'ACADÉMIE FRANÇAISE

Par l'AUTEUR, le jour de sa réception, à la place de M. DANCHET, le 4 avril 1748.

MESSIEURS,

Le sentiment est trop au-dessus des couleurs qu'on lui prête et de l'art qui veut le peindre, pour que je puisse me flatter de vous bien exprimer ma reconnoissance : tous les agrémens, toute la nouveauté, toute la richesse du discours ne sont que l'éloquence de l'esprit; il en est une plus persuasive, plus chère à ma sensibilité, et plus digne de vous justifier ici VOS bienfaits par leur usage, effacer des essais passagers par des travaux durables; voilà, MESSIEURS, le véritable hommage qui vous est dû, l'éloquence du cœur, vos droits et mes engagemens.

Pourrois-je former d'autres projets et d'autres vœux en entrant dans ce Temple de l'Eloquence, de la Poésie, de l'Histoire, de la Science des

:

Mœurs, et de tous les Arts consacrés à l'instruc tion et au plaisir de l'esprit humain? Temple immortel où les talens sont encouragés et récompensés, où la grandeur elle-même, non contente d'être associée aux talens, les partage et les embellit où enfin la critique, toujours aussi utile que sage, les éclaire et les perfectionne. A la vue. de ce lieu respectable et des noms célèbres que présentent vos Fastes, rapproché des modèles et des secours, mes premiers sentimens, après la reconnoissance, ne doivent-ils pas être ceux de la plus noble émulation, et tous mes regards ne s'arrêtent ils pas nécessairement sur les exemples illustres qui m'apprennent l'emploi du tems sur la nécessité de se rendre utile à son siècle, et sur la gloire d'apprendre à la postérité qu'on a vécu ?

Tels furent, Messieurs, et les principes et les exemples de l'homme estimable que vous venez de perdre; toute sa vie fut appliquée, remplie, et digne de ses modèles : né avec un esprit facile et fécond, un talent heureux pour la Poésie, une ame faite pour saisir et peindre les idées élevées et les sentimens nobles, un jugement toujours maître du talent, Monsieur Danchet avoit joint à ces dons de la Nature tous les secours de l'art, toute la culture de l'étude et de la réflexion, les richesses des Muses d'Athènes et de Rome, et

tous les nouveaux trésors dont le Parnasse de l'Eu rope est enrichi depuis la fin des siècles barbares, et la naissance des Lettres; instruit, formé par les oracles de la Poésie, rempli de leurs beautés, animé de leur esprit, il mérita de parler leur langue, et de partager leurs lauriers.

Je ne m'arrêterai point à caractériser ses diffé fens Ecrits, ni rappeller le succès des Tyndarides, des Cyrus, de Nitétis, couronné plusieurs fois sur la Scène tragique, et le rang distingué qu'Hésione, Tancrède et les Fètes Vénitiennes tiendront toujours sur la Scène Lyrique; c'est aux Ouvrages à parler de leur Auteur; tout autre témoignage est suspect ou superflu. Mais il est un tribut plus cher que je puis payer à la mémoire de M. Danchet avec toute l'autorité du témoignage public, et avec cette satisfaction du cœur qui accompagne la vérité; un tribut dont je ne dois rien omettre pour sa gloire et celle des talens même; un titre plus honorable que les succès et que le frivole mérite de n'avoir que de l'esprit ; un éloge fait pour intéresser également et celui qui le donne et ceux qui l'écoutent : avantage bien rare pour la louange!

Ce n'est pas seulement, Messieurs, à l'idée générale d'une franchise respectable, d'une probité sans nuages et d'une conduite sans variations,

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