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ce qui concerne les vingt dernieres années de fa Vie, fi l'on n'avoit pas eu d'autre fource où l'on pût puifer. Heureusement elle laissa par écrit l'hiftoire de fes Fondations; & ce fecours a fourni d'excellents matériaux pour le refte de fon Hiftoire, aux deux dernieres années près. Le Recueil bien précieux de fes Lettres, publié par le favant Evêque Palafox, n'a pas peu contribué auffi à completter le récit d'une fi belle Vie. Enfin travaux du P. Ribéra Jefuite, & celui de Didace Yepès, Evêque de Tarragone, Confeffeur de Philippe II, n'ont prefque rien laiffé à défirer für cet objet. Le premier, avantageufement connu par fes Commentaires fur les douze petits Prophetes, fur l'Epitre aux Hébreux, & fur l'Apocalypfe, avoit été longtemps fon Confeffeur. Il étoit fort en état d'écrire fa Vie, & il l'écrivit avec foin. Le fecond avoit eu part auffi à la confiance de Thérefe; car, outre qu'ils avoient fouvent converse ensemble ils avoient entretenu une correfpondance fuivie pendant quatorze ans. Nous avons encore fon Hiftoire de Sainte Therefe, compofée peu de temps après celle du P. Ribéra. Il feroit difficile de réunir plus de monuments propres à conftater les merveilles dont nous allons donner le précis. Tous ces Ouvrages font en Espagnol ; mais nous avons en notre Langue, trois traductions de la Vie de la Sainte écrite par elle-même. La premiere, qui parut en 1657, & qui eft la moins bonne, a le P. Cyprien pour Auteur. La feconde eft de M. Arnaud d'Andilly; elle fe reffent un peu de la vieilleffe de fon Auteur. Elle parut en 1670. L'Abbé Chanut en publia une beaucoup meilleure en 1691. M. de Villefore en a donné une de fa façon qui eft médiocre 2 vol. in-12. M. Abraham Woodhead traduifit en Anglois tous les Ouvrages

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de la Sainte, à l'exception de fes Lettres, en 1669.
On a auffi en la même langue, un Abrégé de la
Vie & des Fondations de Sainte Thérefe, par R.
C. Cet Abrégé fut imprimé en 1757.

L'An 1582.

I la Vie de Sainte Thérese fait les délices des ames pieuses, c'eft bien moins pour les OCTO. 15. graces extraordinaires dont elle contient le détail, que pour la beauté des maximes dont elle eft remplie. Ces maximes en effet offrent à la piété les voies les plus fures pour tendre à la perfection; tout y refpire l'amour de l'humilité & de l'abandon de foi-même; tout y ramene à la pratique de l'oraifon, & aux exercices de la vie intérieure.

Sainte Thérefe naquit à Avila, dans l'ancienne Caftille, le 28 Mars 1515. Son pere, Alphonfe Sanchez de Cepede, étoit un des bons Gentilshommes du pays ; & fa mere, Béatrix d'Ahumade, appartenoit auffi à une famille diftinguée. Alphonfe avoit déja eu trois enfants d'un premier mariage; Béatrix lui en donna neuf autres. Il eut en tout neuf garçons & trois filles, qu'il éleva dans les fentiments de la plus tendre piété."

» Mon pere, dit Sainte Thérefe (1), ai» moit beaucoup la lecture des bons Livres ; » il en avoit plufieurs en langue vulgaire, afin » que fes enfants puffent les lire ; & ma mere » fecondoit fes deffeins, en prenant foin de

(1) Chap. I de sa Vie.

» nous faire prier Dieu, en nous infpirant la OCTO, 15, dévotion à la Sainte Vierge & aux Saints; >> ce qui commença à m'y exciter dès l'âge » de fix ou fept ans. J'avois encore un grand » avantage, celui de ne voir jamais mes pa»rents eftimer ou favorifer autre chofe que » la vertu : ils en avoient l'un & l'autre beau>> coup. Mon pere étoit fort charitable en» vers les Pauvres, & plein de compaffion » pour les malades; il traitoit fes domesti»ques avec une bonté finguliere; jamais il » ne voulut d'Efclaves dans fa maifon. . . . Il » étoit d'une grande fincérité dans fes paro»les; jamais perfonne ne l'entendit jurer ni » médire; & pour l'honnêteté, il y étoit » exact au dernier point.

» Ma mere étoit auffi très-vertueufe: quoi» qu'elle fût extrêmement belle, elle faifoit » fi peu de cas de fa beauté, qu'encore qu'elle » n'eût que trente-trois ans lorfqu'elle mou»rut, une perfonne fort âgée n'auroit pu vi» vre d'une maniere plus édifiante. Son hu

meur étoit extrêmement douce. Elle avoit » beaucoup d'efprit, mais fi peu de fanté » qu'elle eut de fréquentes maladies. Sa vie » fut traversée de grandes peines, & elle la » finit chrétiennement ». Sainte Thérefe n'avoit alors que douze ans,

Son cœur naturellement tendre, se prêta bientôt aux impreffions que les premiers objets y firent naître, La lecture des Vies des Saints l'enflamma fur-tout d'un zele bien audeffus de fon âge ; & peu s'en fallut que ce zele ne dégénérât en une espece d'enthoufiafme, comme elle le raconte elle-même avec fa candeur ordinaire.

» Quoique j'aimaffe fort tous mes freres,

» & j'en fuffe tendrement aimée, il y en OCTO. 15. que » avoit un cependant que j'aimois plus ten» drement que les autres. Il étoit à-peu-près » de mon âge, & nous lifions ensemble les » Vies des Saints. Il me parut, en penfant » au martyre que quelques-uns d'entre eux » ont fouffert pour l'amour de Dieu, qu'ils » avoient acheté à grand marché, le bonheur » de jouir éternellement de fa préfence; & » il me prit un défir ardent de mourir com» me eux : non que ce défir fût excité en moi » par l'impreffion de l'amour divin ; je n'avois » alors d'autre motif, que celui de hâter la » jouiffance d'une auffi grande félicité, que » celle dont je lifois qu'on jouiffoit dans le » Ciel. Mon frere entra dans les mêmes fen»timents, & nous délibérions enfemble fur » les moyens de fatisfaire cet ardent défir. » Nous n'en imaginâmes point de plus propre » à produire cet effet, que de paffer chez les » Maures, en demandant l'aumône, afin d'y » mourir par leurs mains. Et quoique nous » ne fuffions encore que des enfants il me » femble que Dieu nous donnoit affez de >courage pour exécuter cette réfolution, au » cas qu'il nous fût poffible d'en trouver l'oc» cafion. Notre plus grand embarras étoit de » quitter nos parents. Mais l'éternité de gloire » ou de tourments dont ces Livres nous fai

» foient la peinture, frappoit notre esprit d'un fi

étrange étonnement, que nous répétions à » plufieurs reprises: Pour toujours, pour tou,, jours; en forte que toute jeune que j'étois, Dieu me faifoit la grace, lorfque je pro,, nonçois ces paroles, d'imprimer dans mon

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,, cœur le défir d'entrer & de marcher dans le chemin de la vérité,,.

осто. 15. 99

Cette idée fermenta tellement dans la tête de ces deux enfants, qu'ils s'échapperent un jour de la maifont , pour paffer en effet chez les Maures. Ils prioient Dieu, chemin faifant, de les pénétrer de plus en plus, de fon faint amour, & d'agréer le facrifice de leur vie. Heureufement pour eux, ils furent rencontrés au fortir de la Ville, par un de leurs oncles, qui les ramena à leur mere, déja fort alarmée de leur évafion. On les gronda beaucoup l'un & l'autre ; & le frere ne manqua pas de jeter toute la faute fur fa fœur.

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Lorfque nous vîmes, mon frere & moi, ,, qu'il nous étoit impoffible de réuffir dans notre deffein de fouffrir le martyre, nous réfolûmes de vivre en Hermites; & nous travaillâmes à faire de petits Hermitages dans le jardin : mais les pierres que nous mettions pour cela les unes fur les autres tombant continuellement, faute de liaison ,, nous ne pûmes en venir à bout. Je ne faurois ,, penfer encore, fans en être 'bien touchée ,, que Dieu me faifoit dèflors, des graces dont j'ai fi peu profité

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Dès fon enfance, Thérefe avoit déja tant de goût pour la priere, qu'on la voyoit prefque toujours chercher la folitude, pour vaquer plus librement à ce faint exercice. Là, elle s'écrioit fouvent: Eternité, éternité! Souvent auffi, jetant de tendres regards fur le Sauveur converfant avec la Samaritaine, dont elle avoit un tableau dans fa chambre elle lui difoit du fond du coeur :,, Seigneur, don,, nez-moi de cette eau,, ; elle entendoit celle de la grace & du faint amour.

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