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HISTOIRE DE DIX ANS.

CHAPITRE XXXI.

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Politique extérieure. - Question des forteresses belges; la France humiliée par l'Angleterre. Résistance fondée de Guillaume au traité des 24 articles. — Politique de l'Angleterre, de la Russie, de la Prusse et de l'Autriche Échange des ratifications; ratifications sous réserve; indignation des Belges. - Étrange et honteuse complication d'intrigues. La France s'armant pour faire prévaloir un traité dirigé contre elle. Les ministres du 11 octobre en opposition avec le roi; mot de M. de Talleyrand. — L'armée française à la frontière; perfidie du cabinet de Saint-James; mot du duc de Wellington. Le maréchal Gérard fait un voyage à Paris; il offre sa démission; pourquoi; causes secrètes de son retour au quartier général. — Convention du 22 octobre. Les Français entrent en Belgique. Exclusion injurieuse dont la diplomatie frappe les Belges; motifs de cette exclusion, tous puisés dans la haine des puissances contre nous. cabinet des Tuileries consent à l'exclusion des Belges et les menace; malheurs qui en résultent. Siége et prise d'Anvers. - Admirable conduite de l'armée française; service important rendu à la France par le maréchal Gérard. sumé de l'histoire de la conférence.

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- Ré

Déchirée au dedans, la France était devenue | bert Peel ayant interpellé le ministère anglais au dehors le jouet de la diplomatie. Aidée de sur la question des forteresses belges, lord M. de Talleyrand, la conférence de Londres Palmerston répondit en propres termes : « La poursuivait contre nous l'œuvre de défiance et » négociation à intervenir n'aura lieu qu'ende haine qui, depuis deux ans, absorbait toute» tre les quatre puissances et la Belgique. La son activité. Pour reprendre le fil de ces fu- » FRANCE EN EST EXCLUE. »> nestes intrigues, il importe de remonter un peu le cours des événements.

Ainsi, la France allait être exclue brutalement d'un traité qui touchait son honneur! Ainsi, on l'avait admise dans le conseil amphictyonique des souverains, tant qu'il s'était agi de favoriser les vues des grandes monarchies européennes; et maintenant qu'il s'agissait de son intérêt le plus cher, de son orgueil blessé, on la repoussait; et M. de Talleyrand, au nom du gouvernement français, se résignait à subir cet outrage, le plus sanglant de tous !

Le 23 juillet 1831, le roi des Français, en ouvrant la session, avait annoncé aux chambres, du ton de l'orgueil satisfait, que la conférence de Londres consentait à la démolition des forteresses élevées, par suite des traités de 1815, dans le royaume des Pays-Bas, pour humilier et contenir la France. C'était une heureuse nouvelle : les ministres en prirent occasion de vanter l'excellence de leur politique; les feuilles de la cour s'applaudirent de cette Lord Palmerston avait dit vrai le 14 déréparation accordée à notre honneur; et la na- cembre 1831, les plénipotentiaires des cours tion put avoir un moment de fierté... Elle ne d'Autriche, de la Grande-Bretagne, de Prusse connaissait pas le fond des choses. et de Russie signèrent une convention définiDans la séance du 28 juillet 1831, sir Ro- tive dont l'article 1er portait: « En conséquence

2. LOUIS BLANC.

1*

» des changements que l'indépendance et la | qu'en effet, ce traité n'était dirigé ni contre la Hollande, ni contre la Belgique : il était dirigé contre la France. Ne pouvant rayer de l'histoire les révolutions de juillet et de septembre, les monarchies européennes avaient voulu faire revivre, sous une autre forme, la pensée qui présida en 1815 à la formation du royaume des Pays-Bas; et c'était pour nous opposer, au nord, une double barrière, qu'après avoir proclamé la neutralité belge, elles accordaient au roi de Hollande, non-seulement une partie du Luxembourg et la rive gauche de l'Escaut, mais encore une partie du Limbourg et Maestricht, en un mot un établissement solide le long de la Meuse.

> neutralité de la Belgique ont apportés dans » la situation militaire de ce pays, ainsi que » dans les moyens dont il pourra disposer pour » sa défense, les hautes parties contractantes » conviennent de faire démolir, parmi les pla>ces fortes élevées, réparées ou étendues dans » la Belgique, depuis 1815, en tout ou en » partie, aux frais des cours d'Autriche, de la » Grande-Bretagne, de Prusse et de Russie, » celles dont l'entretien ne constituerait dés» ormais qu'une charge inutile. D'après ce » principe, tous les ouvrages de fortification » des places de Menin, Ath, Mons, Philippeville > et Marienbourg, seront démolis, dans les » délais fixés par les articles ci-dessous (1). » De sorte que cette démolition était décidée 1° parce qu'elle débarrassait les puissances d'une charge reconnue désormais inutile; 2o parce que le caractère de puissance indépendante et neutre attribué à la Belgique, suffisait évidemment à la sécurité de l'Europe liguée contre nous. Et pour qu'aucun doute ne restât dans les esprits sur le sens de cette convention, les ministres anglais eurent soin, dans le parlement, d'ajouter à l'injure du texte l'injure du commentaire. Jamais assurément, même sous Louis XV, la politique du gouvernement français n'avait été moins française. Il est vrai que plus tard, la fille aînée du ro Louis-Philippe épousa le roi Léopold !

Cependant, les démêlés entre la Hollande et la Belgique étaient toujours le principal sujet des préoccupations de la conférence. Elle n'ignorait pas que du dénoûment de cette longue querelle allait dépendre la paix générale.

On se rappelle le traité des 24 articles: il avait résolu les questions commerciale et financière en faveur de la Belgique, et la question territoriale en faveur de la Hollande. C'est

(1) Cette convention ne porte pas la signature de M. de Talleyrand, qui avait consenti à notre exclusion. Les signataires sont : MM. Palmerston, Esterhazy, Wessemberg, Bulow, Lieven, Matuszewicz, Goblet.

(2) Plus on réfléchit à l'insolence de cette combinaison, plus on s'étonne qu'elle ait obtenu l'adhésion de nos ministres, et la signature de notre ambassadeur. On le voit ce que nous avons dit de la médiocrité de M. de Talleyrand s'appuie sur les preuves les plus positives; car ces preuves sont des documents officiels. Nous mettons les défenseurs de

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La France, cette fois, n'était pas exclue des délibérations, elle se trouvait donc naturellement soumise à l'humiliation de garantir, conjointement avec les quatre grandes cours, l'exécution d'un traité qui avait pour but de la tenir en tutelle (2).

L'obligation lui en fut imposée par le traité du 15 novembre 1831 qui reproduisait les 24 articles, en les plaçant sous la garantie des cinq puissances signataires, et qui prescrivait que le traité serait ratifié dans le délai de deux mois.

Le traité des 24 articles donna lieu, dans ta chambre des représentants en Belgique, aux débats les plus passionnés. Il fut accepté, néanmoins, comme on accepte la loi du plus fort. Aussi la ratification de la Belgique fut-elle pure et simple. Il en fut de même des ratifications de la France et de l'Angleterre; mais, sur l'ordre formel du roi Guillaume, les plénipotentiaires hollandais à Londres protestèrent contre les décisions dictatoriales de la conférence.

Dans leur note du 14 décembre 1831, les plénipotentiaires hollandais, MM. Falck et Van Zuylen Van Nyevelt, commençaient par repro

M. de Talleyrand au défi de citer un seul des protocoles de la conférence de Londres qui n'ait été rédigé dans un esprit manifestement hostile à la France, et, par conséquent, aux idées de civilisation que la France représente. Si donc, on refuse de voir dans cette série de protocoles un irrécusable témoignage de l'incapacité de celui qui les a subis ou acceptés, il faut admettre que M. de Talleyrand s'est rendu coupable envers son pays d'une de ces trahisons que rend invraisemblables, sinon l'excès de leur bassesse, du moins l'excès de leur effronterie.

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