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moins mentalement, sanctifioit toutes leurs actions extérieures. Vers la fin du jour, ils rentroient dans le monastère pour vaquer à la lecture et à la prière vocale. Du pain et des racines, dont le sel étoit le seul assaisonnement, faisoient toute leur nourriture, et ils n'avoient d'autre boisson que de l'eau mêlée avec un peu de lait. Après leur repas, ils passoient trois heures en oraison; ils donnoient ensuite quelque temps au sommeil. Ils se levoient au chant du coq, et se remettoient à prier jusqu'à ce que le moment du travail fût arrivé. Leurs vêtements étoient grossiers, et faits de peaux de bêtes. Quand quelqu'un demandoit à être reçu dans le monastère, il demeuroit dix jours à la porte, et pendant ce temps-là on l'éprouvoit par des paroles rudes, par des refus réitérés et par des travaux pénibles, afin de l'accoutumer à mourir à lui-même. S'il souffroit cette épreuve avec constance et avec humilité, il étoit admis dans la maison. Quant à ses biens, il les laissoit dans le monde, la règle du monastère défendant de rien recevoir pour l'entrée dans la religion. Tous les frères étoient obligés de faire connoître leur intérieur à l'abbé, et de lui découvrir leurs pensées et leurs tentations les plus secrètes.

Le pélagianisme s'étant montré une seconde fois dans la GrandeBretagne, les évêques, pour le déraciner entièrement, s'assemblèrent en 512, ou plutôt en 519, à Brevy dans le Cardiganshire. Saint David fut invité à se trouver au synode. Il y parut avec éclat, et confondit l'hérésie par la force réunie de son savoir, de son éloquence et de ses miracles'. Saint Dubrice, archevêque de Caerléon, profita de cette circonstance pour lui résigner le gouvernement de son église. David, alarmé de la proposition qui lui en fut faite, fondit en larmes, et protesta qu'il ne se chargeroit jamais d'un fardeau si au-dessus de ses forces. En vain on allégua les raisons les plus pressantes pour l'y déterminer, jamais il ne se fût rendu, si les pères du concile ne lui eussent ordonné expressément d'acquiescer au choix de Dubrice. Il obtint cependant de transférer le siége de Caerléon, ville alors très-peuplée, à Ménévie, aujourd'hui Saint-David, lieu retiré et solitaire3. Peu de temps après, il assembla un synode à Victoria, où les actes du synode précédent furent confirmés. On y fit aussi plusieurs canons de discipline, auxquels l'Eglise romaine imprima depuis le sceau de son approbation. C'étoit dans ces deux synodes que les Voyez Wilkins, Conc. t. I.

1

On båtit dans la suite une église à l'endroit où s'étoit tenu le concile, et on l'appela Llan-Devy-Brevy, c'est-à-dire, l'église de David près la rivière de Brevy. 3 Ce lieu étoit presque entièrement séparé de l'île. Il y a aujourd'hui une communication par le Havre de Milfort.

églises de la Grande-Bretagne puisoient autrefois des règles de conduite.

Cependant la réputation de notre saint augmentoit de jour en jour il étoit tout à la fois l'ornement et le modèle des pasteurs de son siècle. Il possédoit le talent de la parole dans un degré éminent; mais son éloquence avoit encore bien moins d'efficace que la force de ses exemples; aussi a-t-il été regardé de tout temps comme une des plus brillantes lumières de l'église britannique. Il fut, par la fondation de ses divers monastères, le père spirituel d'un grand nombre de saints qui illustrèrent l'Angleterre et l'Irlande, leur patrie. Enfin, après un épiscopat long et laborieux, il mourut en paix vers l'an 544, dans un âge fort avancé. Saint Kentigern vit des anges porter son âme dans le ciel. Son corps fut enterré dans l'église de Saint-André, qui depuis a pris le nom de Saint-David, ainsi que la ville et le diocèse de Ménévie. Auprès de cette église sont plusieurs chapelles, où la dévotion attiroit autrefois un grand concours de peuple. La principale est celle de sainte Nun, mère de notre saint. Une autre est dédiée sous l'invocation de saint Lily, surnommé Gwas-Dewy, c'est-à-dire l'homme de saint David, parce qu'il étoit un de ses plus chers disciples. Il y est honoré le trois mars. Quant à sainte Nun, qui avoit formé à la perfection plusieurs femmes retirées du monde, elle est honorée le deux du même mois. Anciennement les Gallois méridionaux fêtoient les trois premiers jours de mars, en l'honneur de saint David, de sainte Nun et de saint Lily; on ne fête plus aujourd'hui que le premier dans tout le pays de Galles. En 962, les reliques de notre saint furent solennellement transférées à Glastenbury avec une partie de celles de saint Etienne, premier martyr'.

On ne peut aimer Dieu sans se sentir vivement embrasé du désir de le louer et de célébrer ses perfections infinies. L'âme trouve dans cet exercice des charmes ineffables; elle y goûte à longs traits combien le Seigneur est doux pour ceux qui le servent avec fidélité; elle y soupire après l'heureux moment où rien ne sera plus capable d'arrêter les ardeurs de ses transports: par-là, elle nourrit, fortifie ses bonnes habitudes, et attire sur elle les grâces les plus abondantes. Saint David en fit l'épreuve dans la solitude, et au milieu des fonctions de l'épiscopat. Nous lisons dans les maximes de saint Etienne de Grandmont, qu'un de ses disciples lui ayant demandé pourquoi les écrivains sacrés exhor

Nous apprenons ceci de Jean de Glastenbury. Voyez son histoire de Glastenbury, publiée par Hearne en 1726, p. 150.

toient si fréquemment à louer et à bénir Dieu, vu qu'étant infini, les hommages de ses créatures ne pouvoient lui procurer aucun accroissement de gloire, ce grand saint lui fit cette réponse : « L'Ecriture ne nous prescrit rien que par rapport à notre salut. >> Lorsqu'elle dit, louez Dieu, bénissez Dieu, ce n'est que pour >> l'avantage et le bien de l'homme, parce qu'il doit lui seul re» tirer tout le fruit que peuvent produire ces devoirs qu'il est » obligé de rendre à Dieu; car toutes les fois qu'un homme dit » avec un cœur pur et pénétré des sentiments d'une véritable » piété : Dieu soit loué, Dieu soit béni, le Seigneur lui répond à >> l'heure même: Elles sont pour vous les bénédictions et les louanges » que vous me donnez. On comprendra facilement cette vérité, si » l'on considère que l'homme ne sauroit bénir Dieu, que Dieu >> ne le bénisse le premier, et ne le prévienne de sa grâce. D'où » il suit que toute bénédiction venant de Dieu comme de son » unique source, l'homme ne fait que la lui rendre après l'avoir » reçue de lui; de sorte qu'en bénissant Dieu continuellement, il » accumule sur lui-même les bénédictions divines, qui sont au>> tant de nouveaux accroissements de charité dans son âme'. »>

SAINT AUBIN,

ÉVÊQUE D'ANGER'S'. - Année 549.

SAINT AUBIN Sortoit d'une famille noble et ancienne, qui s'étoit établie dans la Bretagne, mais qui étoit originaire d'Angleterre3. Il montra dès sa jeunesse beaucoup d'inclination pour la vertu, et beaucoup de ferveur dans tous les exercices de la religion. On le voyoit, dans un âge où l'on n'a communément de goût que pour les plaisirs, travailler sans relâche à détacher son cœur des choses créées, pour en consacrer à Dieu toutes les affections. Ce fut pour rendre ce détachement plus entier, qu'il se retira dans le monastère de Cincillac, nommé ensuite Tintillant, aux environs d'Angers: il y vécut en homme qui aspiroit uniquement à la perfection. Il portoit au plus haut degré l'amour de la prière, des veilles et de la mortification des sens. Son obéissance n'avoit point

'Maximes de saint Etienne de Grandmont, c. 105, p. 228. Item, 1. Sentent. S. Steph. Grand. c. 105, p. 103.

2 Tiré de sa vie, par Fortunat, évêque de Poitiers; et de Grégoire de Tours, 1. de glor. Confess c. 96. Voyez aussi les notes d'Henschénius sur la vie du même saint.

3 Voyez l'Itinéraire de Léland, publié par Hearne, t. III, p. 4.

de bornes; sa volonté étoit toujours subordonnée à celle de ses supérieurs, ou plutôt il n'en avoit point. Tous les frères ne le regardoient qu'avec respect; aussi l'élurent-ils pour les gouverner après la mort de leur abbé, arrivée en 504. Le saint avoit alors trente-cinq ans. Ses exemples et ses leçons ranimèrent la ferveur des âmes tièdes, et confirmèrent dans les voies de la perfection celles qui y marchoient.

Il y avoit vingt-cinq ans que saint Aubin gouvernoit son monastère, lorsqu'il fut élevé sur le siége épiscopal d'Angers par les suffrages réunis du clergé et du peuple. Il voulut s'opposer à son élection, mais on n'écouta point les raisons que lui suggéroit son humilité, et il fut obligé de se laisser ordonner. Il se mit à travailler aussitôt au rétablissement de la discipline ecclésiastique, qui avoit souffert de rudes atteintes en plusieurs points. Ses travaux continuels ne prirent rien sur ses austérités ni sur son recueillement. Respecté de tous, même des rois, il ne s'en prévalut jamais pour s'élever au-dessus des autres. Quoique favorisé du don des miracles, il ne s'en regardoit pas moins comme le dernier des hommes, et il souhaitoit que tout le monde eût de lui la même idée. Son extrême douceur ne l'empêchoit pas d'être ferme lorsqu'il s'agissoit de défendre la loi de Dieu, et de maintenir la sévérité de la discipline. Ce fut par ses soins que le concile tenu à Orléans en 538, remit en vigueur le trentième canon du concile d'Epaone, qui proscrivoit les mariages incestueux, assez communs dans ces temps-là'. Ce saint évêque mourut le 1er mars 549, à l'âge de quatre-vingt-un ans. En 536, son corps fut levé de terre, et enchâssé par saint Germain de Paris, en présence d'une assemblée d'évêques, du nombre desquels étoit Eutrope, successeur du saint. La plus grande partie de ses reliques est encore à Angers, dans la célèbre abbaye de Saint-Aubin, fondée par le roi Childebert. Il y a en France beaucoup de monastères, d'églises et de villages qui portent le nom de Saint-Aubin.

'Il s'agissoit de mariages contractés au premier et au second degré de consanguinité ou d'affinité

SAINT SWIDBERT OU SWIBERT,

ÉVÊQUE RÉGIONNAIRE ET APOTRE DE LA FRISE'. - Année 713.

SWIDBERT l'ancien naquit en Angleterre, et vécut quelque temps sous la conduite de saint Egbert, prêtre et moine, qu'il suivit en Irlande pour s'y perfectionner dans la pratique de toutes les vertus monastiques. Le zèle du salut des âmes étoit une des qualités qui caractérisoient le plus saint Egbert; et il seroit passé dans la BasseGermanie pour y prêcher la foi, si cela lui eût été possible. Il se sentoit percé d'une vive douleur, toutes les fois qu'il réfléchissoit sur le peu de succès qu'avoient eu les travaux apostoliques de Wigbert, qui le premier avoit pénétré dans la Frise, et sur les différents obstacles par lesquels Radbod, prince du pays, avoit traversé sa pieuse entreprise. Plein de toutes ces pensées, il résolut de tenter une seconde mission dans la Frise, espérant que Dieu se laisseroit à la fin toucher. Il y envoya donc douze missionnaires, du nombre desquels fut Swidbert. Ces ouvriers évangéliques, qui avoient saint Willibrord à leur tête, s'embarquèrent, en 690, pour se rendre au lieu de leur destination. Ils prirent terre à l'embouchure du Rhin, comme nous l'apprenons d'Alcuin, et allèrent à Utrecht, où ils commencèrent l'exercice de leur ministère. Ils furent puissamment soutenus par Pepin de Héristal, maire du palais de France, qui dix-huit mois auparavant s'étoit rendu maître d'une partie de la Frise, et avoit forcé Radbod 1 à payer un tribut annuel.

Notre saint exerça principalement son zèle dans la Frise citérieure, qui comprenoit alors la partie méridionale de la Hollande, la partie septentrionale du Brabant, et les pays de Gueldres et de Clèves Il eut la consolation de voir une multitude innombrable d'hommes abjurer le paganisme, et renoncer à leurs désordres. Le pape Serge Ier ayant sacré à Rome, en 696, saint Willibrord, archevêque d'Utrecht, on représenta de toutes parts à Swidbert qu'il devoit aussi se laisser ordonner évêque, afin d'être en état

'Tiré de Bède, Hist. l. 5, c. 10, 12, et de la Collection historique donnée par Henschénius sous le premier de mars. Voyez aussi le martyrologe romain, la Batavia sacra, et Fleury, l. 40.

Ce prince resta souverain de la partie septentrionale de la Frise. Dans le moyen age, la Frise s'étendoit depuis les embouchures du Rhin et de la Meuse, jusqu'au Danemarck et à l'ancienne Saxe.

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