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SAINT BASILE D'ANCYRE,

PRÊTRE ET MARTYR'.- Année 362.

BASILE étoit prêtre de l'église d'Ancyre, métropole de la Galatie, dans le temps qu'elle avoit pour évêque Marcel, qui fut exilé par Constance en 336, à cause de son attachement à la foi de Nicée". Il menoit une vie sainte et irréprochable, se montrant digne des plus grands hommes qui l'avoient formé à la pratique des vertus chrétiennes. Son assiduité à prêcher la parole de Dieu produisit de merveilleux fruits parmi les fidèles d'Ancyre. Un arien qui portoit son nom, ayant voulu dogmatiser dans cette ville, il fit entendre sa voix avec le zèle et l'intrépidité d'un prophète : il ne cessoit de crier au peuple d'éviter les piéges qu'on lui tendoit, et de rester inviolablement attaché à la doctrine catholique. Les ariens, qui le regardoient comme le plus dangereux ennemi de leur secte, lui défendirent, en 360, de tenir des assemblées; mais il n'eut aucun égard à cette injuste défense, et continua toujours de combattre l'erreur, même en présence de l'empereur Constance.

Pendant que Julien l'apostat travailloit à rétablir l'idolâtrie sur 'Tiré de ses actes, publiés par Henschénius et par D. Ruinart. Voyez Tillemont, t. VII, p. 375.

⚫ Marcel composa un traité contre l'arianisme, qu'Eusèbe de Césarée et tous les ariens condamnèrent comme renfermant les erreurs de Sabellius; mais c'étoit une calomnie de leur part : on sait que ces hérétiques accusoient les pasteurs orthodoxes de sabellianisme. On ne peut tirer aucun avantage de ce que saint Hilaire, saint Basile, saint Chrysostôme, Sulpice Sévère, ont imputé cette hérésie à Marcel; ils avoient été trompés par les clameurs des ariens. Le pape Jules, auquel l'évêque d'Ancyre en avoit appelé, le reconnut pour catholique, et déclara en 341, que la doctrine contenue dans son livre contre les ariens étoit conforme à celle de l'Eglise. Le concile de Sardique, tenu en 347, fit la même déclaration, comme nous l'apprenons de saint Hilaire, fragm. 3, p. 1308, 1311, et de saint Athanase, Apol. contra arianos, p. 165. Ce fut d'après une nouvelle calomnie des ariens, que saint Hilairecrut que saint Athanase avoit à la fin abandonné et condamné Marcel. Qu'on lise les ouvrages du second, et l'on sera forcé de convenir qu'il ne cessa jamais de défendre l'innocence de l'évêque d'Ancyre. Ce point a été démontré par Montfaucon, t. 2, Collec. Patr.Cependant Marcel ayant été informé sur la fin de sa vie, c'est-à-dire en 572, que saint Basile avoit donné à saint Athanase des soupçons sur sa catholicité, il lui envoya une profession de foi, dans laquelle il condamnoit expressément le sabellianisme. Cet acte a été publié par Montfaucon, loc. cit. Si cette profession de foi eût été connue du P. Petau, et des autres savants qui ont pensé comme lui, ils auroient sans doute justifié Marcel de l'accusation de sabellianisme, et auroient donné un sens favorable aux expressions ambiguës qui peuvent se trouver dans son livre contre les ariens. Nous n'avons plus ce livre, qui avoit été composé dans le dessein de réfuter un ouvrage du sophiste Astérius surnommé l'avocat des ariens.

les ruines du christianisme, Basile couroit par toute la ville, afin d'exhorter les fidèles à combattre courageusement pour la cause de Dieu, et à ne point se souiller par les cérémonies abominables des païens. Ceux-ci, outrés de sa sainte hardiesse, se jetèrent sur lui, et le conduisirent devant le proconsul Saturnin. Ils l'accusèrent d'avoir renversé les autels, d'avoir détourné le peuple du culte des dieux, et d'avoir tenu des discours indécents contre l'empereur et sa religion. Alors Saturnin lui demanda s'il ne regardoit pas comme véritable la religion établie par le prince : << La croyez-vous telle vous-même, répondit le saint? Car enfin >> un homme raisonnable peut-il se persuader que des statues >> muettes soient des Dieux? » Le proconsul, irrité de cette réponse, le fit étendre sur le chevalet, et lui dit, tandis qu'on le tourmentoit: «< Connoissez-vous à présent jusqu'où va le pouvoir » de l'empereur, par le châtiment qu'il fait subir à ceux qui lui >> désobéissent? L'expérience vous l'apprendra. Obéissez au prince, >> sacrifiez aux dieux. » Le martyr ayant persisté à dire qu'il ne sacrifieroit jamais, le proconsul l'envoya en prison, et informa l'empereur de tout ce qui s'étoit passé.

Julien approuva la conduite que Saturnin avoit tenue: il fit partir en même temps Elpidius et Pégase, pour qu'ils examinassent l'affaire sur les lieux. Ces deux commissaires étoient des apostats. En passant à Nicomédie, ils prirent avec eux Asclepius, prêtre d'Esculape, qui d'ailleurs étoit un fort méchant homme. Ils arrivèrent tous trois à Ancyre.

Cependant Basile ne cessoit de glorifier Dieu dans sa prison. Pégase alla l'y trouver dans l'espérance de le gagner à force de promesses; mais il revint bientôt chez le proconsul avec la confusion de s'être entendu reprocher généreusement son apostasie. Les commissaires ayant demandé qu'on fit comparoître le saint devant eux, Saturnin l'envoya chercher. Lorsqu'il fut arrivé, on l'étendit de nouveau sur le chevalet, et on l'y tourmenta avec encore plus de cruauté que la première fois ; il fut ensuite chargé de chaînes pesantes, et reconduit en prison.

Sur ces entrefaites, Julien partit de Constantinople pour aller à Antioche, dans le dessein de se préparer à la guerre de Perse. Etant à Calcédoine, il prit la route de Pessinonte, ville de Galatie, afin de sacrifier à Cybèle qui y avoit un temple fameux : il y fit décapiter un chrétien qui n'avoit pas voulu renoncer à sa religion. Lorsqu'il fut arrivé à Ancyre, on lui présenta Basile. A peine le vit-il en sa présence, qu'il lui dit, en affectant l'air d'un homme ému de compassion : « Basile, j'ai quelque connoissance

» de vos mystères; je puis vous assurer que celui en qui vous >>> mettez votre confiance est mort sous le gouverneur Pilate, et >> qu'on ne le compte plus parmi les vivants. Je ne suis point dans >> l'erreur, répondit Basile : c'est vous, Seigneur, qui y êtes, vous >> qui avez renoncé Jésus-Christ dans le temps même qu'il vous don>> noit l'empire; mais je vous déclare qu'il vous l'ôtera dans peu >> avec la vie. Il renversera votre trône, comme vous avez renversé >>ses autels; et parce que vous avez violé cette loi sainte que vous » avez tant de fois annoncée au peuple ', et que vous l'avez foulée >>> aux pieds, votre corps sera aussi foulé aux pieds, et restera sans » sépulture. Je voulois te sauver, reprit Julien ; mais puisque tu >> rejettes mes conseils, et que tu oses même m'outrager, je te >> traiterai comme tu le mérites: ainsi j'ordonne qu'on lève cha» que jour sept morceaux de ta peau, jusqu'à ce qu'il n'en reste >> plus. » Il commit en même temps à cette exécution le comte Frumentin, capitaine de ses gardes.

Basile, après avoir souffert les premières incisions avec une patience admirable, demanda à parler à l'empereur. Frumentin, croyant qu'il vouloit enfin se rendre et sacrifier, alla lui-même informer Julien de la demande du saint. L'empereur le fit venir dans le temple d'Esculape, où il le pressa de sacrifier avec les autres : mais Basile répondit qu'il n'adoreroit jamais des idoles sourdes et aveugles. Il prend en même temps un des morceaux de chair qu'on lui avoit coupés ce jour-là, et le jette au visage de Julien *. Le prince entra dans une fureur extraordinaire. Pour Frumentin, comme il craignoit qu'on ne le rendit responsable de ce qui venoit d'arriver, il résolut de venger d'une manière éclatante l'outrage fait à son maître. Etant donc monté sur son tribunal, i il ordonna de redoubler les tourments du martyr. On lui fit des incisions si profondes, qu'on lui voyoit les entrailles. Les spectateurs, touchés de compassion, ne purent retenir leurs larmes. Basile prioit pendant tout ce temps-là, et ne poussoit pas un soupir. On le renvoya en prison lorsque le soir fut venu.

Le lendemain, Julien partit pour Antioche sans vouloir voir Frumentin. Le comte, qui craignoit pour sa fortune, résolut de faire les derniers efforts pour vaincre le martyr, ou du moins pour assouvir sa fureur; mais il lui fut impossible d'ébranler la

'Julien avoit exercé dans l'Eglise l'office de lecteur.

2 Cette action est assurément extraordinaire : mais Dieu qui parle par ses martyrs, agit aussi par eux; il ne nous appartient pas de lui demander raison de ce qu'il fait. Voilà le dénouement des difficultés que l'on peut trouver quelquefois dans les actes des martyrs.

constance du saint. « Vous savez, lui dit Basile, combien de mor>> ceaux de chair on a enlevés de dessus mon corps: regardez mes » épaules et mes côtés, et dites-moi s'il y paroît. Sachez que Jé» sus-Christ m'a guéri cette nuit. Vous pouvez le mander à Julien >> votre maître, afin qu'il apprenne quel est le pouvoir du Dieu >> qu'il a renoncé. Il a renversé les autels sous lesquels il trouva » la vie lorsque Constance le cherchoit pour le mettre à mort: >> mais Dieu m'a découvert que la tyrannie seroit bientôt éteinte » avec son auteur. » Frumentin, ne se contenant plus de rage, le fit coucher sur le ventre, afin qu'on lui enfonçât dans le dos des pointes de fer toutes rouges. Le saint expira dans cet horrible supplice le 29 juin 362. Les Grecs et les Latins l'honorent le 22

mars.

La charité qui triomphoit dans le cœur des martyrs leur faisoit regarder comme rien tout ce qu'ils souffroient pour le nom de Jésus-Christ. Ils pensoient fréquemment à ces paroles du Cantique des cantiques : Quand un homme auroit donné pour Dieu toutes les richesses qu'il possède, il les mépriseroit comme s'il n'avoit rien donné. Si Dieu exige de l'homme qui l'aime le sacrifice de ses biens, de ses amis, de ses proches, de sa vie même, celui-ci le fait avec joie, en s'écriant avec le prophète roi : Que désiré-je, dans le ciel et sur la terre, sinon vous, ô mon Dieu! vous êtes mon partage pour l'éternité. S'il est sans consolation, si son âme désolée languit dans la sécheresse, il se réjouit de porter sa croix, dès là que son âme est unie intimement à Dieu. O mon Dieu et mon tout, dit-il alors, je possède tout en vous possédant ! Ayant votre amour, je ne puis manquer d'être riche et souverainement heureux. Ce langage, il le tient dans toutes ses épreuves, il va plus loin: il aime ses épreuves, parce qu'elles lui fournissent l'occasion de s'attacher plus fortement à Dieu, et de lui donner des preuves non équivoques de sa fidélité et de sa soumission. Si la divine charité produit de tels effets dans les âmes où elle règne, que penser de tant de chrétiens qui ne veulent rien souffrir, que le nom seul de croix effraie, qui fuient toute contrainte, et que le moindre assujétissement aux règles déconcerte? Encore une fois, de pareils chrétiens peuvent-ils se flatter d'aimer Dieu ? Que seroit-ce donc si, comme les martyrs, ils se trouvoient dans le cas de sceller de leur sang la foi qu'ils professent?

SAINT PAUL,

APOTRE, ET PREMIER ÉVÊQUE DE NARBONNE.

Nous apprenons de saint Grégoire de Tours, que saint Paul fut envoyé de Rome pour prêcher l'Evangile dans les Gaules au commencement ou au milieu du troisième siècle; peut-être y vint-il avec saint Saturnin de Toulouse. Il eut beaucoup à souffrir pour le nom de Jésus-Christ. Il ne termina cependant point sa vie par le martyre. Prudence dit que le nom de ce saint a rendu illustre la ville de Narbonne.

Voyez saint Grégoire de Tours, Hist. Franc. l. 1, c. 28, et Prudence, hymn. 4.

SAINTE LÉE,

VEUVE.

LÉE étoit une dame romaine, qui, après la mort de son mari, embrassa les austérités de la pénitence. Elle portoit le cilice, passoit la plus grande partie de la nuit en prières, et s'exerçoit continuellement à la pratique de l'humilité. Elle mourut en 384, et son nom se trouve en ce jour dans le martyrologe romain. Saint Jérôme fait une très-belle comparaison entre la mort de sainte Lée, et celle d'un païen nommé Prétextat, qui fut enlevé du monde dans la même année, après avoir été créé consul. Prétextat, dit ce Père, se trouve aujourd'hui dépouillé de tous ses biens, de tous ses honneurs, et est plongé dans des ténèbres d'horreur et d'effroi; mais Lée, que le monde méprisoit, et dont la manière de vivre étoit traitée de folie, règne présentement avec Jésus-Christ, et s'enivre dans ce torrent de délices que Dieu promet à ses élus.

Voyez saint Jérôme, ep. 20 (olim 24) ad Marcellam, t. IV, p. 51, edit. Ben.

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