Images de page
PDF
ePub

MARTHE ET MARIE:

III.

Et il arriva, comme ils s'en allaient, qu'il entra dans une bourgade; et une femme nommée Marthe le reçut dans sa maison ; et elle avait une sœur nommée Marie, qui, se tenant assise aux pieds de Jésus, écoutait sa parole. Mais Marthe était distraite par divers soins, et, étant venue à Jésus, elle dit: Seigneur, ne te souciestu point que ma sœur me laisse servir toute seule ? Dis-lui donc qu'elle m'aide de son côté. Et Jésus répondant lui dit: Marthe, Marthe, tu t'inquiètes et tu t'agites pour beaucoup de choses : mais une seule chose est nécessaire, et Marie a choisi la bonne part, qui ne lui sera point ótée. Luc x. v. 38-42.

[ocr errors]

C'est à Béthanie, bourgade située dans les environs de Jérusalem, que se passa la scène si remarquable et si instructive dont nous venons de vous lire le récit. Il y avait là une famille bien connue par l'histoire évangélique, savoir celle de Lazare et de ses deux sœurs, Marthe et Marie. Personne d'entre nous n'ignore à quel

point notre divin maître était attaché à ces trois personnes et combien il se plaisait à venir de temps en temps se reposer, au milieu d'elles, des fatigues et des ennuis de sa vie. Mais pourtant, mes frères, ne croyons pas que, dans ce petit cercle où le fils de l'homme semblait devoir exercer tant d'influence, il ne trouvât que des sujets de joie et d'approbation. Si tous les membres de cette famille à qui il témoignait tant de bienveillance étaient pleins de respect et d'affection pour sa personne, ils n'étaient pas tous, au moins dans les commencements, également pénétrés de l'esprit de sa doctrine. Le docteur de grâce et de vérité avait dès lors un grave et important ministère à remplir dans cette maison; il avait à faire à chacun la part de censures ou d'éloges qui lui revenait; et cette double fonction, il s'en acquitte aujourd'hui avec cette franchise et cette charité dont la réunion formait un des principaux traits de son caractère.

Bien des siècles se sont écoulés, mes frères, depuis que ces choses se passaient dans un recoin obscur de la Judée : néanmoins elles n'ont encore rien perdu de leur importance et de leur intérêt. Tout est ici véritablement ancien et nouveau; tout se rapporte, non pas seulement à certains temps, mais à tous les temps de l'humanité. Marthe et Marie, telles qu'elles se font connaître à nous aujourd'hui, nous représentent deux classes de personnes qui existent encore comme elles existeront toujours sur la terre, et par-là même le jugement que le Sauveur porte de ces deux femmes s'applique aussi tout naturellement aux deux classes de personnes dont elles sont en quelque sorte l'image.

Suivez-nous, mes frères, dans l'explication de notre texte, et nous espérons que ces idées ne tarderont pas à devenir sensibles pour vous. L'esprit de ce bon Jésus qui enseignait autrefois dans la maison de Béthanie repose, selon sa promesse, sur cette assemblée qui s'est formée en son nom. Puissions-nous tous nous en apercevoir aux effets que produira en nous sa parole! Ainsi soit-il !

[ocr errors]

La visite de Jésus-Christ à la famille de Béthanie était une faveur dont tous les membres de cette famille ne pouvaient manquer de sentir vivement le prix. On croit voir les deux sœurs, au défaut du frère, qui n'est pas nommé et qui peut-être était absent, accourir avec un égal empressement à la rencontre de cet auguste ami qui venait chercher auprès d'elles un peu de ce calme et de ce repos qu'il ne trouvait presque nulle part ici-bas: mais tout le reste de leur conduite envers lui établit entre ces deux femmes une différence qui ne pouvait guère être plus prononcée. Tout occupée du bien-être matériel de son hôte en qui elle ne voit probablement encore que le plus aimable et le plus excellent de tous les hommes, Marthe ne songe qu'à lui faire un bon accueil dans le sens ordinaire du mot; elle se met aussitôt en mouvement pour que rien ne manque à ce repas hospitalier où il ne dédaignera pas de s'asseoir mais elle trouve dans ce travail auquel elle se livre toute la satisfaction dont elle a besoin ; et la pensée de profiter pour son instruction et son édification

du séjour que notre maître fait chez elle, ne lui vient seulement pas. Marie, au contraire, semble avoir discerné la gloire du Fils de Dieu à travers l'humilité et la pauvreté du fils de l'homme; pieusement recueillie aux pieds de Jésus, elle se nourrit de sa parole; tous les autres soins le cèdent même chez elle à celui-là : et les soucis du ménage, les préparatifs du repas, elle les abandonne à sa sœur, sans qu'il paraisse lui venir un seul moment à l'esprit de s'en mêler. On ne peut nier, mes frères, qu'en général il n'y ait beaucoup de légèreté et même de témérité à prononcer sur l'état moral d'une personne d'après deux ou trois traits de sa vie : mais lorsque ces traits sont aussi caractéristiques et aussi frappants que dans le cas actuel, le jugement dont ils sont la base peut inspirer quelque confiance. Marthe et Marie se peignent réellement ici elles-mêmes, et en faisant attention à leur conduite, on peut se représenter leur caractère presque aussi bien que si on les avait personnellement connues. L'une était, sans aucun doute, essentiellement portée à l'action, l'autre à la réflexion; l'une se complaisait dans les affaires de la terre, l'autre se sentait entraînée par tous ses penchants vers les choses du ciel.

Les personnes qu'on peut comparer à Marthe ne sont certainement pas rares, mes bien-aimés frères, et nous en pouvons voir beaucoup autour de nous. Ce qui domine chez ces caractères-là, comme chez la sœur de Lazare, c'est une activité extérieure qui ne se fatigue et ne se relâche point. Leur genre de vie est assez pénible peut-être, leurs occupations sont nombreuses et assujettissantes mais ne les en plaignons pas trop.

Ils aiment l'agitation ou tout au moins le mouvement des affaires; ils y trouvent autant de jouissances que que d'autres à l'oisiveté. C'est en conséquence un vrai plaisir que de les suivre d'un peu près dans l'emploi de leurs journées: aucun moment n'est perdu, et lors même qu'ils se reposent de l'ouvrage du jour, ils pensent déjà à celui du lendemain. Aussi l'œuvre de leur vocation temporelle se fait-elle avec célérité et exactitude. Jamais ils ne marchandent avec les devoirs qui y sont attachés jamais ils ne permettent que les travaux qu'elle leur impose souffrent aucun retard par leur faute. L'application et l'amour qu'ils apportent à leur tâche leur en allègent toutes les peines et leur en font vaincre toutes les difficultés. On voit clairement enfin qu'agir est leur penchant principal; on voit que c'est là leur vie comme c'était celle de Marthe, et que le triste bonheur du paresseux, «< un peu de dormir, un peu de sommeil, un peu les mains pliées pour être couché, » n'est nullement à leur usage. Il semble, au premier coup d'œil, mes frères, que les personnes chez qui ces dispositions et ces habitudes sont très-prononcées, ne doivent pas avoir beaucoup d'attention et de temps à donner aux besoins et aux misères du prochain; et cependant ne le reconnaîtrez-vous pas? on retrouve souvent chez ces mêmes personnes ce qu'il y avait de plus aimable et de plus intéressant chez Marthe. Oui, les caractères les plus actifs sont aussi très-ordinairement les plus officieux et les plus serviables. Leur activité même contribue à les rendre tels, et pour peu qu'ils soient animés par l'affection ou même simplement par la bienveillance, il ne peut pas leur coûter

« PrécédentContinuer »