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époque se porte vers tout ce qui tient aux études économiques. La société cherche, de nos jours, à retrouver, à comparer les titres de son activité et de son intelligence, à faire, pour ainsi dire, l'inventaire de tout ce qui compose la richesse de son génie et de sa force. Aussi chaque nation a l'histoire de son commerce. En France, un grand nombre de nos villes principales, Marseille, Lyon, Rouen, Nantes, ont également la leur; il faut prendre part à ce mouvement élevé. Pourquoi le port important de Bordeaux resterait-il silencieux au milieu de cette noble émulation?... Bordeaux, l'une des villes les plus célèbres du grand commerce maritime!... celle peut-être où les relations du nouveau monde ont trouvé, dans le XVIIIe siècle, l'impulsion la plus active et produit les plus immenses résultats !...

Il n'est donc pas possible que ce soit le défaut d'intérêt du livre que nous publions qui ait arrêté jusqu'ici les hommes spéciaux; ne serait-ce pas plutôt les difficultés nombreuses du travail, le temps qu'il exige et la nécessité de lui donner les proportions qu'il paraît réclamer? Cette réflexion nous a plus d'une fois intimidé; nous ne nous sommes pas découragé cependant; nous avons marché, sincèrement convaincu qu'il faut savoir se dévouer à un travail d'intérêt général, dût-on ne produire qu'un simple document imparfait, qu'une réunion de matériaux consciencieusement préparée.

On a le droit de nous demander quelles sont les opinions et la pensée dominante de cet ouvrage; peu de mots suffiront à cet égard.

La richesse du commerce sera toujours en raison directe de la modération des tarifs et de la liberté des transactions internationales; c'est là maintenant une

vérité absolue pour tous les esprits droits et non prévenus. On peut discuter sur des détails, réclamer des ménagements pour les conséquences anciennes d'une mauvaise direction; mais le temps et l'expérience ont parlé on ne peut plus contester le principe; le nouveau traité de commerce qui le consacre sera l'un des actes les plus féconds de notre époque. Comment l'historien du commerce de Bordeaux pourrait-il avoir un autre sentiment?—Notre port n'a-t-il pas été le défenseur le plus vigoureux de cette doctrine économique qui va changer la face du commerce et sera désormais la base des rapports du monde?- Ne devons-nous pas en trouver la démonstration dans toutes les parties du tableau que nous essayons d'esquisser?

C'est donc à ce point de vue que nous nous sommes trouvé naturellement placé pour étudier et écrire l'histoire du commerce de Bordeaux; toutefois, il faut le dire, nous discutons rarement, et cela doit être. L'histoire n'est, selon nous, qu'un rapport fidèle dont l'objet est de préparer, mais non d'imposer un jugement. Le récit calme a été notre tâche; nous sommes d'ailleurs certain de n'avoir manqué ni de modération ni d'impartialité envers toutes les opinions.

Ajoutons une explication bien simple quant au plan de notre travail :

Il est facile de reconnaître du premier coup d'œil que Bordeaux a pour base de son commerce trois éléments principaux les riches produits de son sol, qui en ont fait de tout temps un des plus grands marchés de l'Europe; sa position géographique reconnue depuis dixhuit siècles comme l'étape la plus heureusement située pour les rapports commerciaux du levant et du couchant;

OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES.

- le mouvement considérable d'entrepôt, de commission et de revente, conséquence forcée de ses relations maritimes. L'histoire du commerce de notre ville est donc principalement le récit de la marche et des péripéties de ces trois éléments à travers les siècles.

Nous avons essayé d'être toujours clair et précis. Considérant surtout le commerce de Bordeaux dans les actes et les événements principaux de son existence, plutôt que dans la statistique complète de son mouvement, nous évitons les détails inutiles et les notes nuisibles à la clarté, sans méconnaître néanmoins l'obligation d'indiquer nos preuves.

Toutefois, quelques points de notre travail nous ont paru nécessiter la communication de plusieurs documents d'une certaine étendue le récit ne peut pas toujours remplacer les chiffres; en matière historique surtout, il est bien des circonstances où l'analyse ne pourrait faire sentir qu'imparfaitement la nature et l'importance d'un texte; les commerçants trouveront probablement dans ces travaux anciens un intérêt et des rapports que nous aurions pu n'y pas apercevoir.

Au milieu de cette étude longue et difficile, l'espoir d'obtenir l'approbation du commerce nous a soutenu. « Ce n'est pas seulement par goût, dit un auteur célèbre, c'est par devoir, c'est par besoin, que tous les citoyens doivent accueillir, provoquer même la promulgation des connaissances, soit théoriques, soit pratiques, sur le

commerce. »

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Les premières opérations de commerce sur le fleuve la Gironde et ses affluents paraissent antérieures à la fondation de Bordeaux. On lit, en effet, dans les Commentaires de César, que le jeune Brutus eut le commandement de la flotte romaine et des vaisseaux gaulois qu'on avait fait venir des ports Santones (1) (Saintonge) avec ordre de s'avancer au plus tôt contre les Vénètes; d'où il faut conclure qu'il y avait déjà dans ces quartiers de la Gaule un commerce maritime que devaient alimenter les riches produits

(1) Brutum adolescentem classi Gallicisque navibus, quas ex Pictonibus et Santonis, reliquisque pacatis regionibus convenire jusserat, præficit; et quum primum posset, in Venetos proficisci jubet.

(Cæsaris Commentaria, De Bello gallico, liv. III.)

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