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riquiers de n'empaquer aucun hareng en baril de Flandre venant des lieux susdits, à même peine que dessus et d'autre amende arbitraire.

>> Semblablement est défendu aux manants et habitants de la dite ville de non acheter aucuns harengs venant des lieux susdits, qui soient empaqués en barils de Flandre; ains chacune sorte de harengs sera empaquée en barils ou barriquots des lieux desquels les harengs seront portés. Et ne seront en autres barils ni en autre façon, sinon comme est accoutumé au pays duquel ont été transportés pour iceux revendre, à peine de 25 livres tournois d'amende, et autrement être punis à la discrétion des dits seigneurs.

» Est enjoint aux dits visiteurs et marchands que, » s'ils savent aucun qui falsifie et empaque de nuit » ou de jour aucun hareng et autre sorte de poisson au » préjudice et dommage des acheteurs, qu'ils l'aient » à révéler et faire savoir au prévôt de la dite ville, >> et en ce faisant auront pour leur salaire la tierce » partie de l'amende en laquelle seront condamnés >> les contrevenants aux dits statuts.

» Est ordonné que l'acheteur pourra prendre, si bon lui semble, à son choix, le poisson qui est dû aux dits visiteurs pour leur dit salaire, comptage et visite d'icelui poisson, en payant aux dits visiteurs, en argent, le dit poisson, selon la valeur de ce qu'il l'a acheté à cents ou à milliers; ou bien pourra laisser aux dits visiteurs le dit poisson à eux dû, à cause de ce, selon la taxe dessus déclarée.

>> Ceux qui contreviendront aux présents statuts,

outre les peines sus-déclarées, seront condamnés en amendes telles que seront arbitrées par les dits seigneurs.

» Le dénonciateur de ceux qui seront contrevenants aux dits statuts aura la tierce partie de l'amende en laquelle seront condamnés les contrevenants à iceux. »

Ces statuts renfermaient encore des dispositions particulières relatives à des employés nommés paquetiers du poisson salé : c'étaient des travailleurs commis par les jurats de la ville, et qui avaient le droit exclusif de préparer les balles ou les futailles de poisson salé, et d'y apposer leur marque.

Tous ces usages n'existent plus depuis près d'un siècle; le commerce du poisson salé, librement exercé, ne puise aujourd'hui ses règles que dans son intérêt bien entendu.

Toutefois, il est permis de dire que ces institutions présentaient, soit pour la bonne foi du commerce, soit même pour la salubrité publique, des garanties qui n'ont pas été remplacées, et dont l'absence se fait quelquefois sentir.

ARTICLE IV.

PRODUITS DE L'INDUSTRIE BORDELAISE,

Le commerce manufacturier était assez développé à Bordeaux dans le XVIe et le XVIIe siècle; on y voyait de nombreuses fabriques d'épingles, de parchemins, de maroquins, de draps communs, d'étoffes mélangées soie et laine, de tissus de luxe d'or

et d'argent, de toiles assez réputées; les armes, et notamment les lames d'épée de Bordeaux, étaient très-appréciées dans le commerce; tous ces produits se répandaient dans le midi de la France, en Espagne et dans quelques pays du Nord. La librairie et l'imprimerie prirent également dans notre ville un grand développement : un nommé Simon Millanges, qui avait été professeur distingué au collège de Guyenne, fonda à Bordeaux la première imprimerie importante, en 1572. « Il n'y avait avant lui, dit la Chronique bordelaise, p. 83, que quelques chétifs et ignorants imprimeurs. MM. les Jurats encouragèrent le dit Millanges, et lui donnèrent de beaux et amples priviléges. Il dressa une des plus belles imprimeries de France, travailla assidûment à la correction des livres et à avoir de beaux caractères, tant grecs que latins, de manière qu'il a été estimé l'un des premiers de son temps, et non en moindre réputation que Robert Estienne. Il a consommé ses années en cette honnête occupation, ayant attiré à Bordeaux le commerce de la librairie. »

Pour comprendre l'importance de l'industrie bordelaise à cette époque, il ne faut que lire dans Delurbe (1) les anciens statuts établis pour régler les corporations des arts et métiers; on y verra que l'industrie bordelaise était, comme celle de toutes les villes, soumise à un système de priviléges exclusifs qui devait en paralyser en partie l'activité. Turgot

(1) Delurbe, Anciens Statuts de Bordeaux.

explique de la manière suivante l'origine et les progrès des corporations (1): « Lorsque les villes commencèrent à s'affranchir de la servitude féodale et à se former en communes, la facilité de classer les citoyens par le moyen de leur profession introduisit cet usage inconnu jusqu'alors; les différentes professions devinrent ainsi comme autant de communautés particulières dont la communauté générale était composée. Les confréries religieuses, en resserrant encore les liens qui unissaient entre elles les personnes d'une même profession, leur donnèrent des occasions plus fréquentes de s'assembler, et de s'occuper, dans ces assemblées, de l'intérêt commun des membres de la société particulière, qu'elles poursuivirent avec une activité continue, au préjudice des intérêts de la société générale. Les communautés, une fois formées, rédigèrent des statuts; et sous différents prétextes de bien public, les firent autoriser par l'autorité. La base de ces statuts était d'abord d'exclure du droit d'exercer tel métier, quiconque n'était pas membre de la communauté. Leur esprit général, disait Turgot, est de restreindre, le plus qu'il est possible, le nombre des maîtres, de rendre l'acquisition de la maîtrise d'une difficulté presque insurmontable pour tout autre que pour les enfants des maîtres actuels. C'est vers ce but que sont dirigés la multiplicité des frais et des formalités de réception, les difficultés du chef-d'œuvre, toujours jugées arbitrairement, surtout

(1) Turgot, t. VIII, Préambule de l'édit de 1776.

la cherté et la longueur inutile des apprentissages, et la servitude prolongée du compagnonnage, institutions qui ont encore pour objet de faire jouir gratuitement les maîtres, pendant plusieurs années, du travail des aspirants. Les communautés s'occupèrent d'écarter de leur territoire les marchandises et les ouvrages des forains; elles s'appuyèrent sur le prétendu avantage de bannir du commerce des marchandises qu'elles supposaient être mal fabriquées. »

D'un autre côté, le Gouvernement s'accoutuma à se faire une ressource financière des taxes imposées sur les communautés et sur la multiplication des priviléges. Henri III, par son édit de décembre 1581, donna à cette institution l'étendue et la forme d'une loi générale; il établit les arts et métiers en corps et communautés dans toutes les villes et lieux du royaume; il assujétit à la maîtrise et à la jurande tous les artisans. L'édit d'avril 1597 en aggrava encore les dispositions en assujétissant tous les marchands à la même loi que les artisans.

Malgré les vices évidents de cette organisation, sa force résista pendant plusieurs siècles à tous les essais d'amélioration, et dura, comme nous le verrons, jusqu'à la grande révolution de 1789. Il est certain que, malgré les garanties et les avantages particuliers qui pouvaient en résulter, l'institution des corporations et des maîtrises, violant la liberté du commerce et de l'industrie, portait atteinte au droit naturel qu'a chacun de vivre du travail auquel l'appelle son aptitude ou sa position; elle contrariait, en outre, l'un

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