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l'un à l'autre, et qu'il se trouve n'être solvable, le dit courtier qui aura conduit le négoce, bargaigne ou marché, payera tant le principal qu'intérêts et dommages au marchand qui aura été déçu et trompé. >>

CHAPITRE VI.

DIX-HUITIÈME SIÈCLE.

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L'organisation du commerce de Bordeaux se perfectionne; mais la lutte des tarifs continue à retarder le progrès; heureusement le commerce des colonies grandit. — Bordeaux en devient l'entrepôt principal. Le goût des produits coloniaux se répand dans des proportions inespérées. La prospérité de notre port atteint le plus haut degré. Cependant cette fortune commerciale n'était en général que le résultat de circonstances exceptionnelles. Nos produits agricoles, richesse immuable et sûre, demeuraient toujours victimes de l'exagération des droits étrangers. Le gouvernement de Louis XVI reconnaît le mal et a le courage de le combattre. Le traité de 1786 fut un acte d'une grande valeur. Conçu toutefois avec hésitation et n'ayant pas pour base une réciprocité réelle, il ne put produire que des résultats peu décisifs. En ce moment, des embarras financiers forcent l'État à consulter la nation. Les idées de réformes sociales s'agitent et se répandent. De grands malheurs intérieurs entraînent enfin une guerre générale. Anéantissement du commerce de Bordeaux.

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§ Ier.

De 1700 à 1750.

Ce siècle présente le tableau presque permanent d'une lutte immense entre les deux grandes nations maritimes; chacune de ces puissances attaqua sa rivale, non-seulement par le fer, mais par tous les moyens pouvant entraîner l'affaiblissement et la ruine. Grâce au ciel, pendant que les passions irréfléchies tendaient à détruire, la nature s'efforçait de créer; après deux siècles d'enfance, l'immense continent

d'Amérique prenait sa part active dans le monde et changeait presque entièrement ses rapports commerciaux; c'est là le principal intérêt de l'exposé qui va suivre.

La paix de Ryswick, faite en 1697, avait rétabli la sécurité des mers et reconnu la propriété exclusive de la France sur la partie occidentale de Saint-Domingue. Le gouvernement de Louis XIV continuait à faire des efforts pour comprendre les véritables besoins commerciaux du pays. Un édit de 1700, signé du ministre Chamillard, réorganisa à Paris le conseil général du commerce, composé de six membres, et déclara que les villes de Bordeaux, Rouen, Marseille, Lyon, La Rochelle, Nantes, SaintMalo, Lille, Bayonne et Dunkerque enverraient chacune à Paris un député sédentaire pour représenter leurs intérêts et prendre part aux délibérations du conseil. Cette mesure on ne peut plus utile n'a cessé d'avoir son exécution qu'en 1790. Le député de Bordeaux recevait de la ville une indemnité annuelle fixée d'abord à 2,000 liv., puis portée à 9,000 liv., et enfin élevée à 12,000 liv. en 1720, époque de l'élection de M. E. Dubergier.

Malheureusement, cette paix de Ryswick ne fut qu'une courte suspension d'armes; la loi du vainqueur s'y faisait trop sentir; les Anglais n'avaient diminué aucun des droits excessifs imposés sur presque toutes nos marchandises et principalement sur nos vins. La guerre recommença en 1702, à l'occasion de la succession au trône d'Espagne. Les Anglais, créa

teurs de la coalition formidable qui se fit alors contre la France, avaient adopté depuis longtemps déjà ce principe politique, qui sera toujours la base première de leur conduite: Régner souverainement sur les mers, dominer tout le commerce maritime, amoindrir celui de la France, seule nation en Europe dont ils redoutent sérieusement la concurrence.

C'est dans ce but que fut conclu en 1705 le traité de Méthuen, entre l'Angleterre et le Portugal. Ce traité, dont les effets furent très-funestes au commerce de Bordeaux, se compose de deux articles principaux le premier donne au commerce anglais le droit d'introduire en Portugal tous les produits des manufactures britanniques; par le second, le gouvernement de la Grande-Bretagne prend l'engagement de recevoir toujours les vins de Portugal, en ne les soumettant qu'à un droit d'entrée inférieur d'un tiers à celui qui serait fixé à toutes les époques pour l'introduction des vins français. Cette convention, exécutée depuis plus d'un siècle, a répandu en Angleterre le goût des vins du Portugal et rendu la concurrence presque impossible pour les vins ordinaires de France.

Toutefois, au milieu des calamités de la guerre, le conseil central du commerce continuait ses travaux, et un de ses premiers soins avait été de provoquer la création de chambres de commerce dans les principales villes.

Le 26 mai 1705, le conseil d'État arrêta l'établissement de la chambre de commerce de Guyenne ;

cette décision, confirmée par lettres-patentes du roi, fut enregistrée au parlement de Bordeaux.

Ce titre fait partie intégrante de l'histoire qui nous occupe et doit être reproduit in extenso:

EXTRAIT DES REGISTRES DU CONSEIL D'ÉTAT.

» Le roi voulant faire jouir ses sujets des avantages que Sa Majesté a eu l'intention de leur procurer en établissant un conseil de commerce, suivant l'arrêt du Conseil du 29 juin 1700, Sa Majesté aurait estimé utile et convenable d'établir en chacune des villes de Lyon, Rouen, Bordeaux, Toulouse, Montpellier, La Rochelle, Nantes, Saint-Malo, Lille, Bayonne, des chambres particulières de commerce où les marchands-négociants des autres villes et provinces du royaume, pourraient adresser leurs mémoires contenant les propositions qu'ils auraient à faire, sur ce qui leur paraîtrait le plus propre à faciliter et augmenter le commerce ou les plaintes de ce qui peut y être contraire, pour être les dites propositions ou sujets de plaintes, discutés et examinés par celle des dites chambres particulières de commerce à laquelle les dits mémoires auraient été adressés et ensuite envoyés par les chambres particulières avec leurs avis au conseil de commerce, à l'effet de quoi Sa Majesté aurait ordonné, par arrêt de son conseil, du 30 août 1701 Que dans les dites villes de Rouen, Bordeaux, La Rochelle, Nantes, Saint-Malo et Bayonne, les marchands et négociants seraient assemblés devant les juges et consuls, pour examiner et délibérer de

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