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çaise l'entreprit également sous Louis XIII. Tous les princes autorisèrent ce négoce, sous le prétexte que les noirs, n'étant pas chrétiens, ne pouvaient préten – dre à la liberté.

La traite des noirs se faisait par voie d'échange direct. On portait à la côte d'Afrique du vin, de l'eau-de-vie, des liqueurs, des toiles, des armes, de la quincaillerie, mercerie et verroterie, du ferblanc, de la poudre à feu, du corail et des parures communes; on entreposait aussi à Bordeaux, pour ce commerce, des toiles de coton des Indes, blanches, bleues, rayées, ainsi que celles dites indiennes, des cristaux en grains, des miroirs d'Allemagne, des pipes à fumer de Hollande, des couteaux flamands, des chaudières et toutes sortes d'ustensiles de cuivre. Lorsque les esclaves abondaient sur la côte, ce négoce présentait des avantages immenses; mais souvent aussi la traite était longue, difficile; quelquefois, pendant la traversée d'Afrique aux îles, des maladies contagieuses et même des révoltes sanglantes ruinaient entièrement l'opération. En général, un bel esclave grand et robuste revenait à 600 liv. et se vendait 2,000 liv. ; le prix des femmes était inférieur de 30 p. 100; celui des enfants variait suivant leur âge et suivait pour le sexe la même proportion.

Quelques maisons de Bordeaux armèrent pour la traite; mais il faut reconnaître toutefois que le goût et les capitaux de notre port ne se portèrent jamais avec empressement vers ce genre d'expédition. En 1717, il n'y eut à Bordeaux qu'un seul

armement pour la côte de Guinée, le Saint-JeanBaptiste, de 70 tonneaux et 12 hommes d'équipage; on en comptait trois seulement en 1740, et quinze environ de 1764 à 1791. L'importance de la traite était double dans le port de Nantes.

Un acte de législation, bien important encore pour le commerce de Bordeaux, eut lieu au mois d'avril 1717; nous voulons parler du règlement définitif sur le commerce des colonies françaises.

La compagnie privilégiée des Indes-Occidentales avait été supprimée par édit de 1674. D'autres édits de 1674, 1677 et 1701, avaient exempté de tous droits de sortie et autres généralement quelconques les denrées et marchandises françaises destinées pour les colonies. Enfin, des arrêts antérieurs de 1670 et 1671 avaient accordé la faculté d'entreposer dans les ports du royaume les marchandises provenant des dites colonies.

Toutefois, ces mesures législatives étaient restées sans exécution régulière; l'obstination illégale des adjudicataires des fermes avait souvent fait naître les plaintes du commerce; à Bordeaux, notamment, le droit d'entrepôt était refusé, tandis qu'il recevait à Nantes l'exécution la plus large. Ce fut dans cette situation que le régent, voulant enfin faire droit par une décision définitive aux réclamations très-vives qui s'élevaient de toutes parts, signa les lettrespatentes d'avril 1717; qui furent enregistrées au parlement de Bordeaux, le 31 juillet de la même année.

L'article 1er porte que les armements des vaisseaux destinés pour les îles et colonies françaises seront faits dans les ports de Calais, Dieppe, le Havre, Rouen, Honfleur, Saint-Malo, Morlaix, Brest, Nantes, La Rochelle, Bordeaux, Bayonne et Cette.

D'après l'article 3, toutes les denrées et marchandises, soit du crû ou de la fabrique du royaume, même la vaisselle d'argent ou autres ouvrages d'orfévrerie, les vins et eaux-de-vie de Guyenne ou autres provinces, destinés pour être transportés aux îles et colonies françaises, sont déclarés exempts de tous droits de sortie et d'entrée, à l'exception de ceux dépendant de la ferme générale des aides et domaines.

L'article 19 est conçu en ces termes :

« Les marchandises ci-après spécifiées, provenant des îles et colonies françaises et destinées pour être consommées dans le royaume, paieront à l'avenir pour droits d'entrée dans les ports désignés,

>> Savoir Les moscouades ou sucres bruts, 2 liv. 10 sous le cent pesant, dont 33 sous 4 deniers au fermier du domaine d'Occident et 16 sous 8 deniers au fermier général des cinq grosses fermes.

» Les sucres terrés ou cassonades, 8 liv. le cent pesant, dont 2 liv. au fermier du domaine d'Occident et 6 liv. au fermier général des cinq grosses fermes.

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L'indigo, 100 sous le cent pesant.

>> Le gingembre, 15 sous le cent pesant.

» Le coton en laine, 30 sous le cent pesant.

» Le rocou, 2 liv. 10 sous le cent pesant. » La casse, 1 liv. le cent pesant.

» Le cacao, 10 liv. le cent pesant.

» L'écaille de tortue, 7 liv. le cent pesant.

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» Les cuirs secs et en poil, 5 sous la pièce. La totalité des droits sur les dites neuf dernières espèces de marchandises devait être levée au profit du fermier général des cinq grosses fermes.

Enfin, les articles 15 et 30 règlent le droit d'entrepôt et font cesser toute équivoque à cet égard.

Le premier déclare que toutes les marchandises et denrées de toutes sortes du crû des îles et colonies françaises pourront, à leur arrivée, être entreposées dans les ports dénommés; au moyen de quoi, lorsqu'elles sortiront de l'entrepôt pour être transportées en pays étrangers, elles jouiront de l'exemption des droits d'entrée et de sortie, même de ceux appartenant au fermier du domaine d'Occident, à la réserve des 3 p. 100 auxquels elles seront seulement sujettes.

Le second de ces articles établit que les magasins servant à l'entrepôt des marchandises et denrées du royaume destinées pour les colonies et de celles dites coloniales, seront choisis par les négociants, à leurs frais, et fermés à trois clefs différentes, dont l'une sera remise au commis du fermier des cinq grosses fermes, l'autre au commis du fermier d'Occident, et la troisième entre les mains de celui qui sera préposé à cet effet par les négociants.

Grâce à ces mesures, les affaires prirent un nouveau développement.

Jetons maintenant un coup d'œil attentif sur leur chiffre et leur nature.

Le premier tableau complet du commerce maritime de Bordeaux qui se trouve dans les archives de la chambre de commerce, est de 1717.

L'exportation s'y élève dans son ensemble à une valeur de 8,044,181 liv., savoir :

1° Pour l'Angleterre, 1,386,797, sur lesquelles 3,500 barriques eau-de-vie à 65 liv. la barrique, et 6,000 tonneaux de vin de 105 à 180 liv. le tonneau.

2o Pour la Hollande, 4,489,236 liv., où sont compris 34,075 tonneaux de vin à 18, 28 et 30 écus le tonneau, et 1,920 barriques d'eau-de-vie à 60 liv. la barrique.

3o Pour le Nord, comprenant les villes anséatiques, le Danemarck et toute la Baltique, 828,857 liv., dont 1,920 barriques eau-de-vie à 60 liv. la barrique, et 6,500 tonneaux de vin de 28 à 30 écus.

4° Pour l'Espagne, le commerce maritime était à peu près nul avec cette nation: un seul caboteur avait paru devant Bordeaux en 1717, apportant une cargaison d'huile et repartant sur lest avec 4 barriques d'eau-de-vie et 15 tonneaux de vin.

5o Pour les îles françaises d'Amérique, 1,337,655 livres, où nous devons remarquer 2,703 barils farine à 15 liv. le baril; 9,322 boisseaux farine à 7 liv. 10 sous le boisseau; 1,041 barriques eaude-vie à 55 liv. la barrique; 4,125 tonneaux de vin de 80 à 100 liv. le tonneau. On voit dans cet état

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