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que; mais il n'y a guère de remède à ce mal-là, parce que les puissances le négligent.

>> Quelques vaisseaux français vont à Cadix échanger leurs sucres avec des huiles qu'ils emportent en France; mais les huiles de Languedoc et d'ailleurs, quoique de qualité inférieure à celles d'Espagne, font qu'on n'en tire pas beaucoup de Cadix ou d'Espagne, où elles ont fait tomber presque ce com

merce.

>> Pour revenir à la cherté des sucres dans les îles, il semble que l'abondance devrait les tenir à un prix plus bas. Cette abondance vient: 1° de la fertilité et du nombre des terres plantées en cannes; 2° de ce que la culture faite par les nègres n'y coûte pas beaucoup, leur nourriture étant de peu de valeur. Ainsi, quand le sucre brut n'y serait qu'à 6 ou 7 liv. le quintal, au lieu de 15 liv., et les autres à proportion, les propriétaires y trouveraient largement leur compte; au lieu qu'à 10 ou 15 liv., le sucre brut revient ici, avec les frais et le coulage, à 22 liv., dont à peine en retire-t-on 18 liv.; les autres sucres sont à 30 p. 100 plus cher qu'on n'en peut tirer ici et chez l'étranger, et, en quelque lieu qu'on le porte, on en peut tirer le même prix. Les sucres sont donc trop chers par rapport aux marchandises qu'on apporte aux îles.

>> OBSERVATIONS SUR LE COMMERCE DES ILES.

» 1o Ce commerce des îles attire les négociants depuis que la compagnie des Indes a pris ce qu'il y

avait de meilleur dans le commerce général; de là vient que la province de Guyenne se tourne presque entièrement vers l'Amérique et qu'elle y envoie un si grand nombre de vaisseaux; mais comme tous ont la même vue sur les mêmes denrées, il arrive souvent que les marchands se trompent et se croisent les uns les autres; de là le désordre du négoce et les chutes trop fréquentes des négociants.

» 2o On s'est plaint quelque temps des entrepôts qu'on faisait dans les îles, en contrebande, ce qui frustrait les armateurs de la vente de leurs farines, de leur boeuf salé et des autres marchandises; mais aujourd'hui les armateurs en portent assez pour faire tomber les entrepôts, puisque, pour dix à douze vaisseaux qui allaient ci-devant aux îles, il en va aujourd'hui plus de cent quarante des bords de la Garonne.

» 3o Quant aux contrebandes, la chambre de commerce de Bordeaux a envoyé à M. de Maupas un mémoire assez détaillé contre ceux qui ne tiennent pas la main à les empêcher; mais ce mémoire, pour être trop découvert, ne fut pas du goût du supérieur des îles, et il est difficile d'empêcher les contrebandes si elles sont favorisées.

» 4° Une autre plainte des armateurs est contre les commissaires de la marine, qui leur ôtent la liberté de choisir leurs officiers et leurs pilotins, et qui veu lent leur en donner d'inconnus; d'où il suit que le commerçant n'ose leur confier son bien, et n'est plus disposé à faire élever ses enfants pour la marine, et

perd toute confiance. Le commissaire de la marine devrait se tenir dans les termes de l'ordonnance et laisser les négociants agir librement.

>> DES MANUFACTURES ÉTRANGÈRES.

>> On a remarqué qu'il n'y a que la province de Guyenne à qui on peut permettre l'entrée des manufactures d'Angleterre, ce qui lui procurerait un plus grand débit de ses vins; mais comme ces manufactures, entrées par les ports de la Guyenne, iraient dans les autres provinces de France en ruiner les manufactures, on ne peut bien en permettre l'entrée ni l'usage. On sait que pour le général du royaume, les manufactures anglaises gagnaient sur nos denrées 22 millions de livres. Pour régler cet excès et parvenir à une égalité de commerce, il fut arrêté, par un article du traité de paix d'Utrecht, que les puissances respectives feraient des assemblées; elles furent faites à Paris et à Londres; mais on n'y convint de rien, et on rejeta les propositions de part et d'autre les Anglais ne voulurent pas permettre la sortie de leurs laines en rames; les Français ne voulurent pas recevoir les draps d'Angleterre.

» DE LA COMPAGNIE DES INDES.

>> La compagnie des Indes peut seule soutenir tout le commerce des Indes en France; elle est assez puissante pour fournir au royaume tout ce qui lui est nécessaire, sans crainte de tomber par les faillites ou les pertes; mais il est vrai que depuis ce grand

établissement le commerce s'énerve et languit; il ne paraît pas convenable au bien général qu'un certain nombre de marchands fassent tout le profit du commerce à l'exclusion d'un nombre infini d'autres qui n'osent rien entreprendre.

» DE L'ARGENT NÉCESSAIRE A LA PROVINCE DE GUYENNE POUR LA CULTURE DES TERRES ET LE COMMERCE.

En Hollande, où il n'y a point de denrées à vendre, la sortie de l'argent est permise comme une marchandise; cet État a d'autres moyens pour faire venir de l'argent le crédit de sa banque, qui surpasse peut-être la valeur intrinsèque ou le nombre réel des matières; mais en France, nous avons beaucoup de denrées produites par nos terres, et nous avons à vendre toutes les denrées excédant la consommation; il faut donc de l'argent pour les acheter toutes, afin que les propriétaires puissent continuer la culture de leurs terres, bâtir des maisons, entre-. tenir leurs factures, avoir des habits et leur nourriture, élever leurs enfants, payer les subsides et les charges; il s'ensuit que dans un État plein de denrées qu'il produit, l'argent doit être en proportion avec les denrées. De cette proportion, il suit que l'abondance ou la disette des denrées doit faire hausser ou baisser le prix de l'argent, et que c'est l'abondance ou la disette d'argent qui feront baisser ou hausser le prix des denrées : la règle est vraie. Pour juger à présent de la quantité d'argent nécessaire à la province, il n'y a qu'à prendre, comme terme de

comparaison, la denrée la plus abondante, et se rendre compte de la valeur et des frais de culture. On charge chaque année, dans notre port, 50,000 tonneaux de vin, lesquels, à 100 liv. par tonneau, l'un portant l'autre, produisent 5,000,000 de liv. Chaque tonneau a coûté, pour la culture et les barriques, 50 liv.; le produit des frais est de 2,500,000 liv., et les droits de bureau, à 20 liv. par tonneau, 1,000,000.

>> Il est consommé dans le pays, pour le moins, un égal nombre de tonneaux de vins qui se vendent en détail 5,000,000, et qui coûtent, pour la culture et les barriques, 2,500,000 liv.; d'où il suit que, pour la récolte totale, 5,000,000 sont avancés pour la culture et les tonneaux, et 10,000,000 pour l'achat des vins.

» Ajoutons le prix des eaux-de-vie, qui ont consommé beaucoup de vin, ainsi que nous avons vu dans le premier article, et le prix des autres denrées; le tout monte bien encore à 5,000,000 de livres, dont il faut distraire les prix de culture, qui doivent s'élever à 2,500,000 liv. environ. En résultat, le prix total des denrées étant de 15,000,000, et les frais avancés de 7,500,000 liv., on voit qu'il faut, pour la vente des denrées et l'avance des frais, un capital de 22,500,000 liv. dans la province de Guyenne.

>> On dira qu'il y a assez d'argent, mais qu'il ne circule pas parce qu'il est tout entre les mains des receveurs du domaine, qui le font valoir par lettres dont ils retirent de gros bénéfices. Ils sont les mai

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