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comme nous l'avons vu; ils étaient immenses au moment dont nous nous occupons, et s'étendaient depuis la Hollande jusqu'à Archangel, au fond de la mer Blanche; il n'y avait pas de ville maritime, dans toute cette vaste étendue, où le commerce des Bordelais n'eût pénétré; notre place y expédiait, pendant six mois de l'année, des vins, des eaux-de-vie, des cafés, des sucres, des indigos, des prunes, des liqueurs, des fruits confits de toute espèce. Cette exportation s'élevait, année commune, à une valeur de 75,000,000 de livres, qui nous était payée en blé, seigle, fer, cuivre, plomb, quincaillerie, laines, cire, chanvre, goudron, merrain, planches, mâtures, bois de construction, suif, et le solde en numéraire ou lettres de change sur la Hollande, sur Hambourg, sur Londres ou sur d'autres places étrangères.

>> ILES DE FRANCE ET DE LA RÉUNION, INDES.

» Depuis 1767, époque où le commerce des Indes était redevenu libre, les armateurs de Bordeaux avaient commencé à s'adonner à ce commerce, et il serait devenu très-considérable; mais il fut à peu près abandonné par notre place, en 1786, lorsque le privilége exclusif de ce commerce lointain fut accordé de nouveau à une compagnie.

>> ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE.

» Depuis l'indépendance de l'Amérique anglaise, la ville de Bordeaux avait établi des liaisons de commerce avec les États-Unis; elle y trouvait un

débouché de ses vins, de ses eaux-de-vie, de ses prunes, de ses liqueurs et de ses confits; ce pays était déjà un entrepôt considérable des fabriques de France; nous recevions en échange des riz, des tabacs, des cotons, des merrains et des farines. Cette navigation devint florissante, et continua à l'être pendant les premières années de la guerre. Ces rapports nous procuraient même l'avantage de faire avec sécurité un commerce indirect avec nos colonies; nos navires ne faisaient, en effet, que toucher à New- York, à Boston, à Charleston, à Baltimore, à Philadelphie, où ils changeaient leurs expéditions; et de là, faisant route pour nos colonies, ils en revenaient avec une cargaison de retour, se rendaient dans les mêmes ports des Étas-Unis, et y prenaient de nouvelles expéditions pour les ports de France. Malheureusement, cette situation ne put durer après la déclaration de guerre faite par la France aux Anglais en 1793; plusieurs de nos corsaires coururent sur les Américains et leur firent beaucoup de prises, ce qui donna lieu à de nombreuses réclamations; les gouvernements ne purent s'entendre, et il en résulta une proclamation, par laquelle le président des ÉtatsUnis défendit de délivrer des expéditions, pour aucun port de France, à dater du 1er juillet 1798.

>> VINS.

» On peut évaluer à 200,000 tonneaux ce qui se recueillait de vin, en 1790, dans la sénéchaussée de Bordeaux. En voici à peu près la distribution :

30,000 tonneaux pour les colonies, la côte d'Afrique, les îles de France et de la Réunion, et l'Inde,

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5,000 tonneaux, évaporation et houillage dans les chais.

200,000 tonneaux.

» Ces 200,000 tonneaux étaient recueillis sur 40,000 journaux, ou environ 13,300 hectares.

» Les premiers crûs se vendaient alors de 1,600 à 2,400 liv.; les deuxièmes, de 1,300 à 2,100 liv.; les troisièmes, de 900 à 1,400 liv.; les quatrièmes; de 600 à 850 liv.; les vins ordinaires Médoc, de 400 à 500 liv.; les Queyries et Montferrand, de 300 à 450 liv.; les palus ordinaires, de 200 à 280 et 300 liv.; les bas crûs, tels que Saint-Macaire, de 150 à 160 liv.; les petits vins rouges de côtes, de

450 à 200 et 250 liv.; les petits vins blancs, de 450 à 180 et 200 liv.

>> BLÉS ET FARINES.

» Bordeaux expédiait tous les ans aux colonies françaises de 180,000 à 200,000 barils de farine, pesant chacun, net, 175 liv.; ces farines étaient connues sous le nom de minots. Les minoteries les plus renommées à cette époque étaient celles de Nérac, Moissac, Tonneins et Montauban.

» L'exportation des farines nécessitait un remplacement de matière, car Bordeaux, ne récoltant pour ainsi dire pas de blé, ne pouvait s'en procurer que dans les départements voisins, c'est-à-dire que dans les ci-devant provinces de l'Agenais, du Condomois et du Quercy. Pour remplacer ce vide, le commerce de Bordeaux recevait de Dantzick, de la Prusse, de la Russie, de Lubeck, de Brême, de Hambourg et de la Hollande, des cargaisons de blé et de seigle qui remontaient la Garonne, et approvisionnaient ces mêmes départements dont on avait tiré les plus beaux blés pour en faire du minot; on en expédiait même jusqu'à Marseille par le canal, quand il s'y manifestait des besoins pressants. Il résultait de ce commerce un très-grand travail, un grand emploi d'hommes et des salaires immenses. La navigation de la Garonne occupait une infinité de barques. La décharge des blés à Bordeaux, leur versement dans les barques, leur mesurage, la décharge à terre, le port dans les greniers, le remuage presque journalier de ces blés

pour les rafraîchir et détruire les insectes qui leur font la guerre; tous ces travaux multipliaient les salaires et les moyens de subsistance pour le peuple.

>> Les minoteries étaient sans cesse occupées. La façon de 200,000 barils qui coûtaient 3 liv. la pièce, employait un nombre considérable de tonneliers, et quand le commerce d'exportation de farines n'eût produit que ce seul avantage, il était incalculable.

» L'exportation de la farine minot n'appauvrissait pas la France de ce précieux comestible, puisque le minot était remplacé par les blés de l'étranger, qui donnaient encore du bénéfice au commerce, et l'étranger qui les envoyait souvent pour son compte, tirait en retour des cafés, des sucres, des indigos, des prunes, des vins et des eaux-de-vie.

>> MORUE.

>> Quoique la ville de Bordeaux ne fît pas directement la pêche de la morue, le commerce de ce poisson y était très-considérable. Tous les ans plusieurs bâtiments terre-neuviers venaient y faire leurs ventes. Partie de ces cargaisons se réexportait dans les colonies; mais la majeure partie s'expédiait dans les départements voisins. La moindre portion restait pour la consommation de la ville et des environs. Ce commerce était infiniment précieux par la quantité de salaires qu'il procurait à la classe laborieuse du peuple.

» Bordeaux était un grand entrepôt, non-seulement de la morue, mais de tous les autres poissons salés, comme le hareng, la sardine, le maquereau.

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