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lions; mais, depuis lors, le luxe a beaucoup augmenté en Angleterre, et le goût du vin y est plus généralement répandu. Nous aurons de plus en notre faveur la diminution de droits que nous sollicitons sur ces denrées. Cette diminution pourrait permettre d'atteindre la consommation des gens seulement aisés, et chacun sait que, dans tous les pays, pour un homme très-riche (et celui-là seul consomme aujourd'hui nos vins en Angleterre), il y en a peut-être cent qui sont seulement aisés.

>> Toutes ces mesures concourraient beaucoup à agrandir nos exportations de ces denrées en Angleterre, et sans en fixer la quotité, il est facile de voir ce que de telles modifications pourraient avoir d'influence sur la valeur des propriétés foncières, sur la prospérité de l'agriculture, sur l'aisance des cultivateurs et sur le bonheur de la France.

>> Passons maintenant à l'examen des autres denrées et marchandises mentionnées dans l'article 6 du traité.

>> En analysant cet article, nous avons déjà indiqué sommairement quelle opinion on pouvait avoir des proportions qui y sont établies pour chacun des objets d'importation et d'exportation respectives; cependant, comme chaque marchandise est susceptible de réflexions particulières, soit en elle-même, soit en raison de la concurrence qui résulterait du traité, nous nous bornerons à inviter le Gouvernement à se procurer sur chacune les renseignements que les fabricants de France pourront lui procurer. Il suffit d'avoir

des données générales pour se former une opinion; mais il faut des données plus exactes, plus détaillées, lorsqu'on doit poser des bases aussi importantes que celles dont il s'agira dans une pareille négociation.

>> Sans doute il est facile de reconnaître ce que l'amour de la patrie inspire et ce qui résulte des combinaisons étroites de l'intérêt personnel; et dans les observations que les fabricants lui présenteront à cet égard, le Gouvernement saura distinguer ce qu'il y a d'exagéré, ce qu'il y a de vrai, et enfin ce qu'il doit craindre et ce qu'il doit vouloir.

>> En outre des objets mentionnés dans l'article précité, nous devons insister pour que le traité nous autorise à introduire dans les trois royaumes unis plusieurs marchandises qui ne furent pas comprises dans le traité de 1786. Parmi les articles qui méritent à cet égard l'attention du Gouvernement, nous indiquerons les soieries de Lyon et de Nîmes, les galons d'or et d'argent, les bas de soie, lés objets de parfumerie, la bijouterie, les papiers blancs et les papiers à tapisseries. Il peut y avoir encore quelques marchandises qu'il serait utile de comprendre dans la convention à intervenir; mais celles que nous désignons auraient certainement une influence très-favorable sur les résultats du traité.

» Il est très-essentiel de dire que dans la fixation des droits, il ne faudra pas prendre pour base unique la différence qui peut exister entre les fabriques anglaises et les fabriques françaises, pour telle ou telle

marchandise, mais aussi se guider d'après ce qu'il en coûte pour la contrebande.

>> La contrebande a des moyens si actifs, si puissants, qu'elle s'introduit partout, même pour les marchandises du plus gros volume.

L'Angleterre, par sa situation géographique, par son excellent système de douane, par les salaires considérables des employés, et surtout par l'esprit public qui y règne, devrait être à l'abri des contrebandiers, et cependant il est reconnu que les îles de Jersey et de Guernesey et quelques ports français de la Manche, y introduisent des quantités considérables d'eaux-de-vie en fraude des droits, ainsi que quelques autres denrées et marchandises étrangères.

>> Lorsque les fraudeurs ne peuvent pas s'arranger avec les préposés anglais, ils se battent contre eux et opèrent leur introduction par la force.

>> Mais de tous les États de l'Europe, la France est sans contredit celui où la fraude se fait le plus ouvertement. Tous nos magasins renferment des marchandises anglaises, et les moyens d'introduction sont organisés à ce point, qu'on les rend à jour fixe dans le lieu désigné, moyennant une prime d'assurance proportionnée au volume et à la valeur.

» La Hollande, la Belgique et la Suisse sont les principaux points d'entrée, et les moyens employés pour la surveillance sont ceux dont on se sert pour la fraude.

>> Ce qui se passe en Angleterre, ce qui a lieu surtout en France, prouve qu'il y a imprudence dans la

législation, toutes les fois qu'elle n'a de garantie que dans la moralité des hommes et surtout toutes les fois qu'elle se met en opposition avec la force des choses.

» Or, la force des choses veut qu'une marchandise prohibée soit introduite malgré la prohibition, si le coût d'achat et les frais de contrebande laissent encore un bénéfice suffisant à l'acheteur.

» La contrebande en France, d'ailleurs, n'est pas de nos jours ce qu'elle était il y a vingt ans. Aujourd'hui, c'est un commerce régulier, comme celui des assurances. On stipule une prime qui est payée après la remise de la marchandise, et, faute de remise, l'assureur paie le capital.

» Il est pénible de penser que partout, même dans les pays où il y a le plus d'esprit public, des combinaisons aussi honteuses prévalent sur le sentiment de l'intérêt national; mais cela est ainsi, et ni le choix des employés ni la sévérité des lois ne peuvent servir de garantie contre tous les inconvénients qui résultent de cette déplorable disposition.

» Il faut donc, en général, regarder comme vicieux tout système de prohibition absolue. Il n'empêche pas l'introduction, et il donne à la fraude les droits qui devraient appartenir à l'État; il prive le trésor national d'un revenu nécessaire pour donner à nos fabriques des encouragements dont elles ont besoin; il nécessite des mesures d'exécution qui blessent la dignité et la tranquillité des citoyens.

>> Ainsi toujours, en règle générale, et sauf les

exceptions qui sont commandées par des circonstances extraordinaires, toute marchandise sur laquelle il est possible de faire la contrebande doit être admise, et les droits d'entrée ne doivent en être fixés qu'à 4 ou à 5 p. 100 plus haut, tout au plus, que ce qu'il en coûterait par la voie des contrebandiers.

>> Mais ce système, bien qu'il soit fondé sur la nature des choses et sur l'expérience de tous les temps, sera combattu, sans doute, par quelques villes manufacturières; elles répéteront tout ce qu'on leur a fait dire si souvent, sur les priviléges qu'elles doivent obtenir, sur le danger de la concurrence étrangère, sur la nécessité de ne consommer en France que des marchandises françaises, sur l'avantage de multiplier le travail parmi nous, et enfin sur tout ce qu'une semblable méthode a d'influence sur l'aisance et le bonheur du peuple.

» Voilà des considérations bien graves; mais sontelles fondées? sont-elles applicables? C'est ce dont nous ne pouvons convenir.

» En effet, ainsi que nous l'avons déjà dit, nous regardons comme une profonde erreur en administration de vouloir s'isoler des autres peuples: ce système est vicieux partout, et il est impossible en Europe. Les communications de toute nature qui existent entre les nations européennes établissent entre elles une sorte de communauté dans les goûts, les pensées et les habitudes. De cette communauté dans les affections et les désirs naît le besoin de rendre faciles les échanges de tous les produits res

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