Images de page
PDF
ePub

fluviale, s'éleva à plus de trente, soit pour le haut, soit pour le bas du fleuve.

Quant à la grande navigation, le premier paquebot venant de la mer parut sur la Garonne en 1827; c'était un navire anglais. Maintenant, un grand nombre de steamers contribuent pour une large part au commerce maritime de notre port.

Pour ne pas interrompre cet exposé des efforts intelligents faits par le commerce de Bordeaux, nous devons ajouter qu'il ne tarda pas à s'occuper également de l'amélioration des passes de notre fleuve, question vitale, pour la solution de laquelle l'État n'a fait, pendant de longues années, que des sacrifices insuffisants.

En 1823, au moment où le conseil général des ponts-et-chaussées, chargé des travaux à faire sur la Gironde et la Garonne, consultait la chambre de commerce de Bordeaux pour recueillir auprès d'elle les renseignements que pourrait fournir l'expérience pratique des localités, voici quel était l'état des choses:

Déjà, depuis plusieurs années, la chambre de commerce, avertie par l'inquiétude publique de la dégradation progressive des passes de la Garonne, se faisait rendre par les pilotes de la station de Bordeaux un compte périodique et régulier des sondes du fleuve. Les rapports attestaient l'existence du mal et ses progrès.

A l'époque du grand commerce avec Saint-Domingue, il existait, au lieu où la Garonne se jette dans

la Gironde, deux passes pour la navigation des grands bâtiments de mer l'une, le long de la rive droite de la Garonne et du Bec-d'Ambès, et l'autre, le long de la rive gauche, entre l'île de Cazeaux et la côte du Médoc. La dernière était la plus fréquentée, et les navires qui la suivaient, en franchissant le détroit appelé Passe de Garguil, situé entre les îles de Cazeaux et du Nord, revenaient vers les côtes de La Roque, au point de section des deux passes. Les plus grands bâtiments de commerce complètement chargés circulaient en ce temps, sans obstacle, dans ce passage; pourvu que leur calaison n'excédât pas 16 à 17 pieds, ils n'étaient exposés à aucun accident. Comme, surtout alors où l'on donnait aux bâtiments de commerce des formes moins aiguës, et par conséquent moins de tirant d'eau qu'aujourd'hui, il était rare qu'un navire, même de la plus grande dimension, calât plus de 16 pieds, il était presque sans exemple qu'on fût obligé de ne compléter le chargement qu'après que le navire était rendu au delà des passes.

Malheureusement, vers le commencement de ce siècle, des atterrissements et de nouvelles îles se formèrent dans cette passe; les alluvions, rapidement accrues par les travaux, à la faveur desquels les propriétaires riverains s'empressèrent de les fixer à leur profit, firent des progrès si prompts, qu'en 1823, moment que nous rappelons, un caboteur, ne calant même que 7 à 8 pieds, n'aurait pu s'y engager sans danger d'y échouer. Plusieurs petits ports, autrefois

fréquentés, non-seulement par les bateaux qui faisaient le service de la navigation du fleuve, mais encore par les bâtiments de mer, étaient devenus inabordables, même à la haute marée. Le mouillage de Macau, qui servait de station aux plus grands bâtiments, se trouvait déjà totalement atterri.

D'un autre côté, le canal de la rive droite éprouvait également une détérioration sensible, faisant des progrès rapides. Les navires y passaient autrefois à 16 et même 17 pieds de calaison; en 1812, des frégates de quarante canons, construites à Bordeaux, avaient franchi cette passe avec leurs mâts de hune et de perroquet guindés, et par conséquent avec leur lest; et la seule précaution qu'il fût nécessaire de prendre, était de ne mettre leur artillerie à bord qu'à Pauillac; les navires de 500 et de 600 tonneaux complètement chargés naviguaient alors librement dans ce détroit.

Depuis, les atterrissements, qu'a laissé s'accumuler le ralentissement des courants de flot, ont pris un accroissement tellement rapide, que la passe du Becd'Ambès ne présente plus, à basse mer, que 4 à 5 pieds d'eau, et cela dans un canal très-étroit.

Mais la passe du Bec-d'Ambès n'était pas la seule qui se fût ainsi dégradée : celle de Bassens, appelée le Pas, avait également subi des atterrissements qui la rendaient très-périlleuse : la sonde des pilotes lamaneurs indiquait qu'il ne restait que 2 pieds d'eau à la basse mer; à la pleine mer, de 12 à 14 pieds; et dans les grandes marées, de 14 à 16 pieds, en

sorte que les grands navires, d'une calaison de 14 à 15 pieds, ne pouvaient franchir le Pas que deux fois par mois seulement.

La chambre de commerce, après avoir consulté les hommes spéciaux, répondit à la direction des ponts-et-chaussées par un mémoire, où elle démontre 4° que l'action des courants de flot possède exclusivement le pouvoir d'atterrir ou de creuser le lit des bassins où elle s'introduit; 2° que la diminution de la force d'impression des courants de flot dans la Garonne est la cause unique des atterrissements qui obstruent son lit; 3° que cette diminution a sa source dans l'élargissement de l'ouverture de la Dordogne, résultat de la destruction de la saillie du Bec-d'Ambès; 4° que la destruction de cette saillie a eu elle-même pour cause la direction nouvelle imprimée aux courants de flot par les atterrissements de la passe du Médoc; 5° que le seul remède qu'il soit possible d'employer, c'est de résister à la tendance qu'ont les courants de flot à se porter vers la Dordogne, où ils sont inutiles, et de les contraindre à se rejeter dans la Garonne, où ils sont nécessaires. La chambre demandait, en conséquence :

1° Que les passes de la rivière, dont les hauts fonds et les bancs s'opposent à la circulation de la grande navigation entre Bordeaux èt la mer, fussent réparées et dégagées des sables et vases qui les encombrent;

2o Qu'en outre des travaux de draguage opérés avec énergie dans les passes, il fût procédé sans retard à la construction d'un fort éperon à la pointe

du Bec-d'Ambès, pour résister à l'invasion des courants de flot dans la Dordogne et favoriser leur introduction dans la Garonne;

3o Que des quais et des rampes pour conduire à la plus basse mer fussent établis devant la ville pour remplacer les vases qui s'y amoncellent et qui interceptent toute communication avec la rivière lorsque les eaux se retirent.

Malgré des réclamations si pressantes et si légitimes, le Gouvernement ne prit que des demi-mesures, et les passes de notre fleuve sont encore aujourd'hui dans la situation la plus déplorable.

Ainsi, faire d'immenses sacrifices dans le but d'établir de nouveaux rapports et de développer son commerce maritime; réclamer sans cesse pour la revue et la correction des tarifs douaniers; perfectionner l'organisation de la place; s'occuper sans relâche d'améliorer son port: telle était la mission que le commerce de Bordeaux et la chambre placée à sa tête accomplissaient depuis la paix.

Toutefois, nous devons le dire avec tristesse, tous ces efforts restèrent longtemps sans résultats.

Le mouvement maritime de notre port, du mois d'avril 1814 au même mois 1815, avait été à l'entrée de :

[merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small]
« PrécédentContinuer »