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son commerce maritime peut lui fournir. Les vues de l'administration doivent tendre à favoriser, à provoquer même les établissements industriels, qui assureraient l'emploi plus rapproché, presque immédiat des denrées importées. Les opérations commerciales maritimes, les entreprises industrielles réclament des capitaux qui seront toujours malheureusement détournés par les résultats rapides mais apparents que peuvent présenter les spéculations des jeux de bourse.

A l'extérieur, la place de Bordeaux porta son examen sur plusieurs objets importants, notamment sur la pêche et le commerce des vins avec le Nord.

Consulté par le Gouvernement, en 1835, sur l'opportunité de conserver les primes accordées aux expéditions pour la pêche de la morue et sur les modifications nécessaires à la loi de 1832, le commerce de Bordeaux présenta les considérations les plus puissantes.

Le maintien de la prime ne pouvait en effet faire question; les grandes pêches forment une pépinière d'excellents matelots, ressource trop utile à l'État et à l'extension de notre navigation, pour songer à la restreindre, encore moins à la détruire; elles fournissent un aliment permanent aux armements dans nos ports maritimes, donnent de l'activité à nos constructions et procurent une source de travail et de bien-être à toutes les classes qui se rattachent à cette industrie.

Quant à la quotité des primes et aux modifications

qui pouvaient être faites à la loi de 1832, l'opinion de la place de Bordeaux ne pouvait être plus rationnelle. La loi antérieure à celle de 1832 fixait ces primes à 40 fr. les 100 kil. sur les morues sèches exportées de France pour nos colonies; à 30 fr. les 100 kil. sur les morues exportées directement des lieux de pêche dans ces mêmes colonies. En établissant ainsi une prime différentielle en faveur des exportations de France, on avait reconnu, avant 1832, la nécessité d'encourager de grandes importations en France pour fournir un aliment nécessaire à nos armements pour les colonies, et pour étendre aussi les exportations de morue en Espagne, en Portugal et en Italie, où la consommation de ce poisson est considérable. Ces exportations avaient acquis jusqu'en 1832 une extension assez importante; mais alors le Gouvernement, préoccupé des avantages qu'on lui faisait apparaître dans l'établissement des entrepôts pour la morue à Saint-Pierre-Miquelon, crut devoir changer le régime existant. Après de longs débats, la loi de 1832 fixa les primes à 30 fr. par 100 kil. pour les morues transportées directement des lieux de pêche dans nos colonies, et à 24 fr. seulement pour celles transportées de France; mais cette loi ne produisit que de mauvais résultats; les importations de morue sèche en France devinrent presque nulles, et nos exportations de cette sorte de morue furent à peu près anéanties, au grand préjudice de notre commerce maritime; la place de Bordeaux demandait donc que, tout en conservant les primes

différentielles, on revînt aux principes antérieurs à 1832; mais ce voeu fut loin de recevoir une entière satisfaction.

VINS.

En 1832, le Gouvernement ayant manifesté la pensée qu'un traité de commerce avec la Prusse n'aurait pas pour résultat d'augmenter dans ce der-. nier pays la consommation de nos vins, la chambre de commerce de Bordeaux adressa au ministère un exposé très-remarquable :

« Nous croyons, disait-elle, que, malgré la concurrence des spiritueux de la Hollande et celle des vins du Rhin et de la Prusse proprement dite, c'està-dire de Breslaw, Magdebourg, Postdam, Francfort, etc., le débouché de nos vins est susceptible de s'accroître considérablement en Prusse, si le gouvernement français parvenait à nous ménager dans ce pays les avantages qu'il peut offrir.

Apprécions d'abord l'importance de la concurrence dont il est question. On ne peut pas tenir compte des spiritueux de la Hollande; la Prusse tire peut-être de ce pays un peu d'eau-de-vie de genièvre; mais c'est fort peu de chose, on devrait tenir plus de compte du rhum que l'Angleterre fournit en assez forte quantité à la Prusse; toutefois cette importation existe depuis longtemps, et il ne paraît pas qu'elle ait augmenté; nous serions disposés à croire, au contraire, qu'elle a diminué depuis deux

ans.

» Les 7 à 8,000 tonneaux de vin que produit la Prusse proprement dite, présentent une concurrence bien plus réelle; heureusement la qualité de ces vins est excessivement médiocre, même dans les meilleures années, et dans celles qui sont froides et humides, elle est si mauvaise, que souvent on renonce à cueillir le raisin. Cependant, l'introduction de la culture de la vigne en Prusse et la production annuelle de 7 à 8,000 tonneaux de vin livrés à la consommation, moyennant un faible droit, est une chose à déplorer dans notre intérêt et que nous devons au système prohibitif.

>> La concurrence des vins du Rhin, qui semble plus redoutable au premier aspect, est peut-être en réalité moins à craindre.

» Remarquons d'abord que les provinces du Rhin et de la Moselle, qui appartiennent à la Prusse, ne produisent que des vins fort ordinaires; ce sont en général de très-petits vins blancs, d'une qualité à peine semblable à celle de nos Entre-deux-Mers; ces vins sont froids à l'estomac, ils ont un acide qui empêche ceux qui n'y sont pas accoutumés depuis longtemps d'en supporter l'usage. Aussi, la plus grande partie de ces vins se consomme-t-elle sur les lieux de production. Ajoutons à cela que l'usage des vins blancs diminue chaque année en Prusse, et que la préférence se porte sur les vins rouges.

D'après les renseignements que nous avons recueillis, il paraîtrait que les provinces prussiennes du Rhin produisent annuellement de 28 à 29,000 ton

neaux de vin, et que sur cette quantité considérable, il n'en est cependant introduit en Prusse qu'environ 6 à 700 tonneaux. En supposant que cette évaluation soit trop basse et qu'au lieu de 600 tonneaux la Prusse tire de ses provinces du Rhin 1,000 tonneaux, cette quantité serait faible encore en comparaison de l'importation des vins de France, que nous évaluons devoir être, année commune, de 5 à 6,000 tonneaux. Bordeaux seul expédie environ 4,000 tonneaux; Marseille et Bayonne fournissent des quantités assez fortes; la Prusse consomme en outre beaucoup de vin de Champagne, et cependant les vins français sont fortement imposés, tandis que les vins des provinces rhénanes ne paient qu'un faible droit. La préférence en faveur de nos vins est donc incontestable, et leur cherté est le seul obstacle à une plus grande consommation; car, dans l'état actuel des choses, il n'y a que les fortunes élevées qui consomment les vins de France en certaine quantité; si on parvenait à les mettre à la portée des petites fortunes, la consommation ne pourrait manquer d'augmenter beaucoup. »

A l'appui de cette opinion, la chambre invoquait les renseignements fournis par un ouvrage publié à Berlin en 1829:

« La culture de la vigne et le commerce du vin dans les États prussiens sont plus importants qu'on ne le croirait d'abord; l'élévation des droits sur les ́vins étrangers y a donné une nouvelle direction à ces deux branches de commerce.

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