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» En l'année 1849, la Prusse ne prélevait encore sur les vins étrangers qu'un faible droit; mais lorsque le Gouvernement vit que la modération avec laquelle il imposait un des plus importants articles du commerce de consommation n'était appréciée nulle part, lorsqu'il vit surtout la France, dont les vins sont principalement recherchés en Prusse, dirigeant son système prohibitif d'une manière toujours plus sévère contre les produits prussiens, frapper de droits exorbitants les bestiaux, les grains, les toiles, la quincaillerie, les rubans, le fil, alors disparurent les motifs qui avaient engagé la Prusse à renoncer volontairement aux revenus qu'elle pouvait raisonnablement prélever sur la consommation des vins étrangers; le Gouvernement se décida à remplir les vœux des cultivateurs vinicoles de la Prusse par une augmentation de droits. Après de vains efforts pour procurer aux produits de la Prusse une admission favorable à l'étranger, le tarif du 15 octobre 1821 établit à l'entrée des vins étrangers en Prusse, un droit de 8 risdales par quintal (soit environ 616 fr. par tonneau pour les provinces orientales), et de 6 risdales (soit environ 420 fr. par tonneau pour les provinces occidentales). Les vins du pays ne furent frappés que d'une légère contribution. >>

Le résultat de cette première mesure se fit bientôt sentir, et voici quelle fut en Prusse l'introduction des vins étrangers, c'est-à-dire des vins de France, d'Espagne et de Portugal :

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En d'autres termes, de 1810 à 1821 inclusivement, sous l'ancien droit, l'introduction des vins étrangers a été, année commune, de 15,171 tonneaux. De 4822 à 1828, elle n'a été que de 5,985 tonneaux.

Que devons-nous conclure de ce document, sinon que puisque une augmentation de droits a diminué la consommation, si on diminuait ces mêmes droits, nos débouchés augmenteraient. Jamais le moment ne fut plus propice pour obtenir ce résultat, car depuis que le choléra s'est montré en Allemagne, les vins rouges de France ont été recommandés exclusivement à tous les autres; ce n'est plus seulement un objet de luxe, c'est un objet de salubrité; par suite, l'habitude de les boire s'accroît chaque jour davantage, leur prix fort élevé arrête seul les consommateurs. Il existe donc réellement des motifs fondés d'obtenir en Prusse, malgré la concurrence des vins du Rhin, un plus large débouché de nos produits vinicoles.

Nous ajouterons que si le Gouvernement français veut donner une grande impulsion à la consomma tion de nos vins en Prusse, il ne doit pas se borner à obtenir une diminution de moitié ou des deux tiers sur les droits, mais il doit s'efforcer de créer des moyens d'échange entre les deux pays. Ceci nous ramène à notre demande primitive d'établir, avec les pays du Nord qui voudront s'y prêter, des conventions propres à faciliter nos relations commerciales. La Prusse est très-bien disposée à cet égard; dès l'année 1818, elle a annoncé par la loi du 26 mai que les produits des pays étrangers pourraient être librement introduits en Prusse, soit pour le transit, soit pour la consommation; que cette liberté de commerce ne trouverait de limite que dans la manière avec laquelle les autres États traiteraient le commerce prussien; que, par suite, si ce commerce rencontrait des obstacles chez les autres nations, ces obstacles seraient mis par réciprocité en Prusse au commerce de ces mêmes nations.

C'est d'après ces principes que la Prusse a traité avec les diverses puissances; quelques-unes, et malheureusement la France est de ce nombre, se sont enfoncées toujours plus avant dans le système prohibitif; la Prusse le leur a rendu rigoureusement. D'autres ont traité avec elle sur le pied d'une entière réciprocité, notamment l'Angleterre; par convention du 2 avril 1824, la navigation, les produits et les marchandises de la Grande-Bretagne et de la Prusse ont été établis sur le pied d'égalité. En 1826, ce sys

tème de réciprocité a même été étendu au commerce indirect des deux nations, ainsi qu'à l'Irlande et aux colonies anglaises.

Ces conventions ont produit les plus heureux résultats pour les deux pays. La Prusse qui, il y a vingt-cinq ans, n'avait pas de troupeaux, produit aujourd'hui, chaque année, pour 68 millions de francs de laine, dont les plus belles qualités vont en Angleterre, et on les paie fort cher; elle fournit aussi à l'Angleterre des grains et des bois de construction.

De son côté, l'Angleterre vend chaque année à la Prusse pour 112 millions de francs de marchandises de toute espèce, tandis que la France ne lui vend dans le même intervalle que pour 6 millions de ses produits, et cependant notre sol et notre industrie pourraient fournir avec tant d'avantage les objets dont la Prusse a besoin!

Tandis qu'il n'est allé en Prusse, sur nos 14,000 navires marchands, que :

2 navires français en 1826.

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On a vu dans les ports prussiens :

663 navires anglais en 1826.

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En tout 2,357 navires anglais qui ont été traités

comme les nationaux; de plus, on a importé en Prusse, de Liverpool, 116 cargaisons de sel, tandis qu'à Noirmoutiers le sel était à vil prix.

Enfin, si nous consultons le tableau des navires qui ont passé le Sund depuis un grand nombre d'années, nous voyons toujours la navigation française au dernier rang. Ainsi, par exemple, en 1827, pour 81 navires français, il est passé 3,730 navires anglais; et en 1828, pour 103 navires français, il est passé dans le Sund 5,096 bâtiments anglais.

Comme le prouvent les considérations que nous venons de rappeler, l'activité, le bon vouloir, la connaissance des vrais moyens ne manquaient pas au commerce bordelais; le pouvoir dirigeant avait seul à s'imputer la langueur et la faiblesse de nos rapports.

Cependant, en 1836, le Gouvernement manifesta l'intention de faire une réforme douanière de quelque importance, et après une discussion orageuse dans les chambres, deux lois sanctionnées les 2 et 5 juillet accordèrent un certain triomphe aux défenseurs de la liberté commerciale.

La première abaissait les droits sur les fers étrangers; elle consacrait la levée de, la prohibition sur les cotons filés, sur les châles de cachemire, sur l'horlogerie, sur les foulards, sur les chaînes en fer pour la marine, sur les cuirs de Russie. Elle diminuait de 33 p. 100 le droit sur les laines, et supprimait aussi la prohibition qui frappait à la sortie les soies propres à la chapellerie, les bois de construction, les merrains, etc. (1).

(1) Amé, p. 184.

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