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La seconde levait un certain nombre de prohibitions secondaires, relatives aux ouvrages en ivoire et en laiton, à la poterie d'étain, aux boutons de toute sorte, aux grandes peaux tannées, aux applications en dentelles de fil sur tulle, à quelques espèces de tapis. Elle abaissait les droits sur les toiles communes, sur la passementerie et la rubannerie de laine, sur les chevaux, sur les fromages, etc., etc.

Ces lois ne tardèrent pas à produire quelque réciprocité de la part des nations étrangères, et notre commerce en ressentit les effets.

Le chiffre des navires français entrés à Bordeaux, qui, en 1833, n'était que de 261 et en 1835 de 272, s'éleva successivement en 1836 à 300, en 1837 à 373, en 1839 à 398, en 1840 à 437. Le tonnage à l'entrée monta de 51,744 tonneaux pour 1833, et de 54,802 tonneaux pour 1835, à 60,218 tonneaux en 1836, et 64,880 tonneaux en 1839.

L'augmentation, à la sortie, fut dans la même proportion, et le mouvement des navires étrangers éprouva à peu près la même augmentation relative. Malheureusement, cette marche ascendante n'eut pas de durée.

Les nouvelles mesures n'étaient en effet qu'un palliatif impuissant, qui fut encore affaibli par les procédés d'exécution; le mal au fond restait le même; les grandes questions douanières n'avaient pas été résolues; au lieu de continuer la revue des tarifs, suivant la promesse qui en avait été faite, le Gouvernement s'arrêta comme effrayé de son mo

ment d'énergie; les coryphées du système protecteur avaient repris tout leur ascendant; une nouvelle loi du 6 mai 1841 rétablit quelques mesures restrictives, notamment sur les aiguilles à coudre; changement de tarification, qui détermina les délégués de l'association allemande, réunis à Stuttgard en 1842, à élever notablement les droits sur divers produits français, tels que les eaux-de-vie, les papiers peints, les gants de peau et la bijouterie de luxe.

Antérieurement à cette mesure, le traité de navigation conclu, le 25 juillet 1840, avec le Gouvernement hollandais, fut un acte fatal à notre prospérité maritime. D'après ce traité, les produits spécifiés dans l'article 22 de la loi du 28 avril 1816, arrivant des ports hollandais par le Rhin et la Moselle aux bureaux de Strasbourg et de Sierck, devaient être admis à leur importation par navires français ou hollandais, moyennant le paiement des droits afférents aux provenances des entrepôts d'Europe sous pavillon français.

Il était certain que cette faculté donnée à la marine néerlandaise d'introduire les marchandises coloniales par nos frontières de l'Est, devait réduire la part de notre navigation. Les députés de Bordeaux et des autres ports français présentèrent devant la chambre les raisons les plus puissantes, qui ne furent pas écoutées et que les faits ne tardèrent pas à justifier. Bientôt la décroissance du commerce maritime fut sensible.

Il était parti de Bordeaux au long cours :

En 1841, 432 navires français jaugeant 75,613 tonneaux, montés par 4,256 hommes.

En 1842, 395 navires français, de 63,463 tonneaux de jauge, de 3,445 hommes d'équipage.

Diminution : 37 navires, jaugeant 12,150 tonneaux et 811 hommes d'équipage.

Au fond tout démontrait que la seule et véritable cause du malaise commercial était l'état d'antagonisme, que la faiblesse du Gouvernement n'osait attaquer avec une vigueur sufffisante.

Dans toute autre voie, l'État se montrait en effet plein de bienveillance et de mansuétude pour les intérêts du commerce.

Ainsi, sur les réclamations de notre chambre, des conseils commerciaux furent nommés à Canton, aux Philippines, au Pérou, au Chili, à Singapour, etc.

Une exploration de la côte occidentale d'Afrique fut entreprise pour y rechercher les ports les plus propres à notre commerce, et le brick de l'État la Malouine prit à son bord le capitaine Broquant, du port de Bordeaux, chargé de faire un rapport sur tout ce qui pourrait intéresser et développer les relations françaises dans ces contrées.

Des travaux importants reçurent leur exécution, soit à l'entrée, soit dans le cours de la Gironde; plusieurs feux nouveaux furent établis sur nos côtes

et dans les passes de l'embouchure du fleuve, un système de bouées flottantes rendit la navigation plus sûre et plus facile.

Les assemblées législatives votèrent l'établissement

du chemin de fer de Paris en Espagne, passant par Bordeaux, ainsi que la ligne de notre ville à la Mé– diterranée.

La continuation du canal latéral à la Garonne reçut une grande activité.

Le chemin de fer de La Teste vint donner une nouvelle impulsion au défrichement des landes.

La construction d'un quai vertical fut entreprise jusqu'à l'hôtel des douanes, pour diminuer les frais de déchargement et de chargement des navires. Ce bel ouvrage est aujourd'hui terminé.

Enfin, toutes les routes nationales reçurent des améliorations considérables, et celle de Bordeaux à Bayonne fut entièrement achevée, malgré les difficultés immenses qu'avait toujours opposées la nature du terrain.

Ces soins, ces travaux bien conçus, répandus en grand nombre sur toutes les parties de la France, n'arrêtaient pas cependant la faiblesse croissante des affaires commerciales, résultat des vices du système douanier.

Le mouvement de notre port offrait les rapprochements suivants :

Navires français entrés à Bordeaux au long cours.
1842... 395 navires.

1843... 299

1844... 288

63,463 tonneaux.

52,317

49,421

Différence en moins, de la première à la dernière

année, 107 navires et 14,042 tonneaux.

Ce qu'il y avait de bien remarquable, c'est que,

malgré les différences d'importance commerciale, le malaise se faisait sentir en même temps chez les diverses nations européennes. Cette observation fut comprise et la conviction devint générale; on reconnut qu'il fallait absolument attaquer et résoudre cette grande question du libre-échange qui dominait le monde commercial; une agitation très-vive se répandit d'abord en Angleterre et bientôt sur le continent, une sorte de révolution commerciale se manifesta sur toutes les places. Bordeaux prit à ce mouvement une part très-active.

Nous n'atteindrions pas le but de cet exposé si nous ne présentions avec quelque développement chacune des questions principales que le commerce de Bordeaux étudia et défendit plus vigoureusement que jamais dans les dernières années du gouvernement de Juillet.

ARTICLE Ier.

LIBRE ÉCHANGE.

La théorie du libre-échange est bien ancienne : elle remonte en France à l'établissement du système protecteur par Colbert. A l'instant même où apparurent les premières restrictions commerciales, il se trouva des penseurs pour les condamner (1). BoisGuillebert, contemporain de ce ministre, écrivait : <«< Il faut que les États fassent un échange conti>>nuel entre eux pour s'aider réciproquement de ce >> qu'ils ont de trop, et recevoir en contre-échange les (1) Amé, p. 305.

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