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>> Nous avons d'immenses territoires incultes à défricher, des routes à ouvrir, des ponts à creuser, des rivières à rendre navigables, des canaux à terminer, notre réseau de chemins de fer à compléter. Nous avons, en face de Marseille, un vaste royaume à assimiler à la France. Nous avons tous nos grands ports de l'Ouest à rapprocher du continent américain par la rapidité de ces communicátions qui nous manquent encore. Nous avons partout enfin des ruines à relever, des faux dieux à abattre, des vérités à faire triompher.

>> Voilà comment je comprendrais l'Empire, si l'Empire doit se rétablir. Telles sont les conquêtes que je médite, et vous tous qui m'entourez, qui voulez comme moi le bien de notre patrie, vous êtes mes soldats. »

La bourse de Bordeaux fut donc en quelque sorte le berceau du nouvel empire, et la chambre de commerce voulut conserver la mémoire de cet événement en faisant graver le discours du 9 octobre sur des tables de marbre qui sont placées dans la salle de la bourse, à l'endroit même où il a été prononcé.

Le rétablissement de l'empire fit renaître partout la sécurité et la confiance commerciales.

Le corps législatif continua, il est vrai, à se montrer favorable à la protection; mais l'opinion personnelle de l'Empereur et l'énergie de sa volonté donnaient aux places maritimes la certitude d'un meilleur avenir.

Le Gouvernement présentait alors l'opposé du souvenir laissé par les deux dynasties que dix-huit ans avaient vues disparaître.

Sous la Restauration, et pendant la monarchie de 1830, le pouvoir, craintif et faible, se laissait entraîner par des influences puissantes dans un système commercial d'antagonisme et d'isolement.

Sous l'Empire, au contraire, le chef du pouvoir, accusant franchement son opinion, libre-échangiste modéré, prudent, mais convaincu, écartait les vieux préjugés et entraînait la nation vers le progrès et la liberté du commerce.

Plusieurs décrets, rendus en vertu de la loi du 17 décembre 1814, entreprirent résolument l'expérience de la réforme douanière. Le premier, du 23 septembre 1853, abaissa considérablement les droits sur les houilles, les fers, les fontes, les aciers, les laines. On voit que la question était abordée de front et dans ses positions les plus difficiles.

Un second décret admit temporairement en franchise toutes les matières premières destinées aux constructions navales, et remplaça par un droit de 10 p. 100 la prohibition qui atteignait les bâtiments de mer étrangers.

Un troisième acte impérial décréta de notables dégrèvements sur les bestiaux, les viandes fraîches et salées, les céréales, les vins et spiritueux.

D'autres enfin eurent pour objet des réductions sur les bois de teinture, les résineux exotiques, les grains, le curcuma, le blanc de baleine et beaucoup d'articles nécessaires à notre industrie ou précieux aliments de fret pour notre marine (1).

(1) Amé, p. 256 et suivantes.

Bordeaux salua avec enthousiasme cette résurrection commerciale, et témoigna au chef de l'État sa profonde reconnaissance.

Une partie du corps législatif manifesta, au contraire, une impression évidente de mécontentement, et demanda au Gouvernement de s'abstenir de toute réforme ultérieure (1).

Les faits ne tardèrent pas cependant à justifier les prévisions des libres-échangistes.

Les affaires reprirent une activité à laquelle on n'était pas habitué; la consommation augmenta; aucun intérêt industriel ne parut souffrir. Loin de là, les objets français, similaires de ceux étrangers sur lesquels portaient le dégrèvement, éprouvèrent un développement marqué, et maintinrent leurs prix.

Le tableau des marchandises entrées en entrepôt présentent la preuve véritable de ce progrès :

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1855..... 23,706,440 » (diminution provenant de la guerre d'Orient). Ce mouvement se décomposait comme suit :

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Ce fut avec la force de ces preuves que le Gou

(1) Amé, p. 256 et suivantes.

vernement vint demander au corps législatif la conversion en loi définitive des décrets ci-dessus rappelés.

Pendant ces trois années favorables, le commerce de Bordeaux avait reporté ses études et ses soins sur plusieurs questions importantes que nous devons examiner.

ARTICLE Ier.

QUESTION DES PAQUEBOTS TRANSATLANTIQUES.

L'établissement des paquebots à vapeur transatlantiques date en Europe de l'année 1838; ce fut à cette époque que les steamers de la première compagnie anglaise commencèrent leur service de Bristol à New-York. Des compagnies rivales s'établirent immédiatement entre Londres, Liverpool et Halifax. Ces diverses entreprises obtinrent les plus brillants résultats.

A peine ce grand problème de l'application de la navigation à vapeur aux voyages de long cours futìl résolu chez nos voisins, que le commerce de Bordeaux se demanda si une entreprise semblable n'aurait pas chez nous les mêmes chances de succès.

Dès le mois de novembre 1838, le projet d'une ligne de paquebots à vapeur entre Bordeaux et NewYork fut mis à l'étude par notre chambre de commerce, et le 20 du même mois, M. Wustemberg s'exprimait ainsi dans son rapport :

« Un premier examen a vite fait comprendre que,

si les chances de succès existaient, ce n'était qu'au Havre et à Bordeaux; car la rivière de Nantes ne permet pas à cette ville de songer à une entreprise de ce genre, et Marseille présente des difficultés d'éloignement et de quarantaine incompatibles avec les communications promptes et régulières qu'il s'agit d'établir; mais si le Havre peut espérer d'établir un jour avec succès une grande ligne de paquebots à vapeur entre la France et les États-Unis, c'est un espoir qu'il ne lui sera possible de réaliser que dans un certain nombre d'années, et après que de grands travaux auront permis à des vaisseaux de forte dimension d'entrer dans le port. Bordeaux seul présente aujourd'hui toutes les conditions nécessaires pour réaliser l'entreprise dont il s'agit. »>

Des raisons étrangères à la question arrêtèrent l'exécution de ce projet.

Au mois de mai 1840, un projet ministériel soumit aux chambres l'établissement de trois lignes : la ligne de New-York partant du Havre; la ligne des Antilles partant alternativement de Bordeaux et de Marseille; la ligne du Brésil et de la Plata, partant de Nantes ou de Saint-Nazaire.

La loi fut votée par les deux chambres avec un crédit de 28 millions; mais les constructions, entreprises par l'État, furent mal conçues, et les espérances de nos ports restèrent sans résultat.

En 1845, nouveaux tâtonnements, pendant que l'Angleterre marchait à grands pas. Cette fois, le Gouvernement demandait aux chambres l'autorisa

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