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lait une riche végétation. De retour auprès de son père, il partit avec Lief Éricson, fils de cet Éric Branda qui avait fondé les premiers établissements au Groënland; un Allemand, nommé Tinker, qui les accompagnait, leur fit entrevoir la possibilité de récolter du vin dans le Vinland. D'après les indications que les Sagas donnent sur cette contrée (1), il faut la placer sur la côte américaine, depuis New-York jusqu'à Terre-Neuve, où l'on rencontre, en effet, plus de sept espèces de vignes sauvages (2).

Il paraît même prouvé que les marins de Guyenne, dans leurs courses pour la pêche de la baleine, avaient également rencontré Terre-Neuve et le Canada dans le XIIIe siècle. Si les Castillans, dit Clairac dans son vieux langage, n'avaient pas pris à tâche de dérober la gloire aux Français de la première atteinte de l'ile Atlantique qu'on nomme Indes occidentales, ils avoueraient, comme ont fait Corneille, Woytsler et Antoine Magin, cosmographes flamands, ensemble Antonio Saint-Romain, Monge de San Benico (De la Historia general de la India, liv. Jer, chap. II, p. 8), que le pilote, lequel porta la première nouvelle à Christophe Colomb, et lui donna la connaissance et l'adresse de ce monde nouveau, fut un de nos marins de Guyenne (3).

Cependant ces découvertes s'étaient peu répandues dans le monde maritime et n'avaient pas changé les

(1) Traditions historiques des peuples septentrionaux.

(2) Notes sur l'édition impériale de Strabon, t. I, p. 132.

(3) Clairac, Usages de la mer, p. 151.

idées des géographes sur la configuration de la terre; on persistait à penser qu'au sud de l'Islande et dans tout le reste du globe, le Grand Océan s'étendait depuis les limites des rivages indiens jusqu'à ceux de l'Europe.

C'était le développement de l'intérêt commercial qui devait faire découvrir ce quatrième continent situé au milieu des mers et dont le monde avait toujours ignoré l'existence. Comme nous l'avons dit, le commerce des Indes orientales, considérable sous les Romains, avait, pour ainsi dire, disparu pendant les luttes et la barbarie qui couvrirent l'Europe du VIe au XIe siècle. Les croisades le réveillèrent, les républiques italiennes le rendirent immense; mais les expéditions de ce commerce étaient coûteuses, difficiles et surtout d'une longueur désespérante; elles se faisaient par l'Égypte et la mer Rouge, ou par l'Euphrate et le golfe Persique. Les progrès dans la science maritime, l'application de la boussole et de l'astrolabe durent porter les marins à rechercher s'il ne serait pas possible de trouver à travers les mers une route directe pour arriver dans les Indes et éviter ainsi les lenteurs et les transbordements ruineux.

Les premières recherches eurent pour point de départ le projet de parvenir à doubler l'extrémité méridionale de l'Afrique, et d'arriver ainsi dans les mers indiennes. Un grand nombre de navigateurs firent des tentatives vers ce but et découvrirent successivement toute la côte occidentale du continent africain. En 1486, Barthélemy Dias reconnut le cap

qui termine l'Afrique au sud; mais il revint sans oser le doubler, et le nomma cap des Tempêtes, à cause des tourmentes qu'il y avait essuyées. A son retour, et sur le rapport de ce voyage, le roi Jean II de Portugal nomma ce promontoire cap de BonneEspérance, parce qu'il espérait, à juste titre, que cette découverte ouvrirait la route directe des Indes.

La seconde idée géographique, basée sur toutes les traditions anciennes, était d'aller trouver les grandes Indes orientales, en traversant directement l'Océan du levant au couchant.

On sait que ce fut dans ce but qu'un marin de résolution et de génie, Christophe Colomb, commandant trois caravelles du gouvernement espagnol, découvrit, le 3 août 1492, les îles Lucayes, puis Cuba, Saint-Domingue, et enfin le continent d'Amérique.

Cette découverte inattendue fit naître un véritable enthousiasme dans le monde. Pierre d'Anghiera écrivait dans ses lettres de 1493 à 1494 : « Chaque jour il nous arrive de nouveaux prodiges de ce monde nouveau, de ces antipodes de l'Ouest, qu'un certain Génois, Christophus Columbus, vient de découvrir; notre ami Pomponius Lactus n'a pù retenir des larmes de joie lorsque je lui ai donné la première nouvelle de cet événement inattendu. >> (1)

Il est facile de comprendre, en effet, quel dut être l'étonnement de l'Europe; les philosophes admirèrent cet événement comme une preuve de la vé

(1) Humboldt, Hist. de la Géogr., t. I, p. 4 et suivantes.

rité de leurs conjectures, mais qui devait, à raison des difficultés, être placé parmi les faits les plus étonnants; le peuple prit cette découverte pour un vrai prodige qui avait agrandi la terre et doublé le monde. Les souverains qui avaient refusé l'offre de Colomb en laissèrent voir leur repentir (1).

Les ports maritimes de France partagèrent l'immense impression que fit naître cette conquête de l'intelligence et du courage; mais plusieurs circonstances, que nous examinerons dans la section suivante, les empêchèrent longtemps encore d'en recueillir les conséquences.

(1) Chapus, Hist. des Révol. du comm., p. 163.

CHAPITRE V.

SEIZIÈME ET DIX-SEPTIÈME SIÈCLE.

La découverte du nouveau monde ne produisit d'abord d'autre effet que d'augmenter en Europe la passion de l'or. - Deux siècles devaient s'écouler avant que cette nouvelle situation ne fit naître pour la France de sérieux éléments de commerce. Les luttes religieuses anéantissent la prospérité de Bordeaux.- Au retour du calme, Sully, et, au siècle suivant, Richelieu et Colbert, s'occupent du commerce; mais le système mercantile et protecteur l'emporte sur toutes les idées de liberté des échanges. Tableau de l'organisation du commerce de Bordeaux pendant ces deux siècles.

§ Ier.

Exposé général.

La connaissance géographique de la terre se compléta rapidement par les découvertes nouvelles de Vasco de Gama et de Magellan. Le premier, parti de Portugal en 1497, doubla enfin le cap de Bonne-Espérance, parcourut toutes les côtes de la presqu'île indienne, et jeta l'ancre devant Calicut au mois de mai 1498; le second, chargé quelques années plus tard, par Charles-Quint, de diriger une expédition contre les Moluques, conçut le projet de s'y rendre par l'ouest, en passant au sud de l'Amérique. Le 24 octobre 1519, il entra dans le canal appelé alors des Onze-Mille-Vierges, qui fut ensuite nommé de Magellan, et que les navigateurs avaient pris jusque

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