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là pour un golfe. A travers mille dangers, il atteignit l'issue occidentale du détroit, et l'immense Océan se déployant devant lui calme et majestueux, il le salua du nom de mer Pacifique. Après quatre mois de navigation, il reconnut les Philippines; puis l'expédition, ayant traversé la mer des Indes et doublé le cap de Bonne-Espérance, rentra en Portugal le 7 décembre 1522, après avoir accompli le premier voyage autour de la terre en 1,124 jours.

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Ainsi que nous l'avons dit, ces grandes découvertes furent longtemps sans produire de nouveaux résultats dans le commerce de la France et notamment dans les rapports maritimes du port de Bordeaux. Il est facile d'en apercevoir les raisons les îles et le continent d'Amérique, presque entièrement à l'état de nature vierge et ne nourrissant que des peuples chasseurs, furent près de deux siècles sans pouvoir offrir des moyens d'échange de quelque importance; les Espagnols et les Portugais, qui en prirent la possession exclusive, n'y établirent que des provinces nominales, et ne s'y livrèrent qu'à la recherche de l'or, dont l'abondance les avait éblouis et devait les égarer.

Il ne faut pas oublier toutefois que les navigateurs français ne restèrent pas sans faire quelques tentatives pour prendre pied sur le nouveau monde. En 1535, et sous les auspices de François Ier, Jacques Cartier remonta le Saint-Laurént, prit possession du pays et l'appela la Nouvelle-France. Quelques années plus tard, l'amiral de Coligny essaya de fonder une

colonie française dans les Florides. Ce dernier établissement fut perfidement détruit par les Espagnols, et l'on sait que ce fut un enfant de la Guyenne, le capitaine Dominique de Gourgues, qui arma quelques navires à Bordeaux et vengea ses compatriotes en exterminant une partie des forces espagnoles dans cette péninsule de l'Amérique.

Mais le commerce ne devait pas encore profiter de ces entreprises; ses développements furent arrêtés par les luttes sanglantes que provoquèrent les réformes religieuses; elles prirent une telle gravité dans la Guyenne, que tout mouvement commercial y fut entièrement paralysé. Calvin, réfugié à Angoulême, puis à Nérac, auprès de Marguerite de Navarre, répandit dans le midi de la France l'ardeur de sa doctrine. Les persécutions et les arrêts du Parlement ne firent que rendre la réforme plus active. Le protestantisme n'était pas alors considéré comme une religion nouvelle, mais comme une simple réforme d'abus religieux. Les nouveaux principes pénétrèrent dans les communautés elles-mêmes; le couvent des Annonciades, à Bordeaux, y adhéra publiquement; de nombreux prosélytes se formèrent dans toutes les classes et jusqu'au sein du Parlement. L'émotion devint générale, toutes les affaires, tous les intérêts firent place à la guerre religieuse. Cet état d'anarchie dévora, pendant près d'un siècle, le commerce et la prospérité du port de Bordeaux. Parvenus à posséder des armées nombreuses, les réformés s'emparèrent plusieurs fois des ports et forteresses com

mandant le cours de la Gironde. En 1562, Bourg, Blaye et tous les principaux mouillages situés de Bordeaux à la mer, se trouvaient au pouvoir des protestants; le commerce maritime était entièrement arrêté; on ne pouvait passer qu'avec des escortes nombreuses et en livrant de véritables combats. On lit dans la Chronique bordelaise, sous la date de 1574: « Monsieur de Montpensier écrit aux maire et jurats pour leur donner avis d'une entreprise que ceux de la religion prétendue réformée avaient fait sur Blaye, et leur demander d'armer pour y pourvoir promptement six navires bien équipés, sous la conduite de Royer de la Galarande, général de l'armée navale, d'autant que les ennemis avaient des navires aux ports de Méchets, Talmon et Royan. »

La même chronique rapporte encore, sous la date du 20 août 1593, que la garnison de Blaye, appartenant aux réformés, vint jusque dans le port de Bordeaux prendre une galiote de guerre que la ville entretenait pour sa défense.

L'avénement d'Henri IV et l'édit de Nantes apaisèrent, pour un moment, la fureur des passions religieuses. Ce grand roi s'occupa sans retard d'améliorer la position désastreuse où se trouvaient les finances et le commerce de la France. Bordeaux fut un des premiers ports visités par ordre de Sully. Les renseignements fournis sur tout le littoral prouvèrent que la marine française était nulle. Pour la faire revivre, ce ministre frappa d'un droit d'ancrage tous les navires étrangers et accorda des priviléges aux

navires français. Encouragés par les faveurs du Gouvernement, les commerçants se livrèrent à de nouvelles entreprises; Samuel Champlain, parti de Dieppe en 1608, établit définitivement la colonie du Canada, fonda la ville de Québec, et dès ce moment le port de Bordeaux dut faire quelques armements pour porter dans la colonie naissante des vins et eaux-devie dont le goût se répandit rapidement chez les peuples sauvages des rives du Saint-Laurent. A cette époque, on ne prenait en retour du Canada que des -pelleteries, telles que peaux de loutre, rat musqué, renard rouge, hermine, daim, cerf, chevreuil et castor.

Dans le même temps, les navires portugais et hollandais commençaient à importer à Bordeaux toutes les productions du Brésil.

R.

Après la mort d'Henri IV, le génie de Richelieu chercha à donner une nouvelle implusion au commerce maritime français; mais les difficultés étaient grandes, les intérêts rivaux embarrassèrent le pouvoir, et les intentions de ce grand ministre ne produisirent, il faut le reconnaître, que des tâtonnements sans résultats sérieux.

On considéra d'abord, comme principe dominant, l'esprit de monopole et d'antagonisme qui, depuis plusieurs siècles, gouvernait le commerce tant à l'intérieur qu'à l'extérieur; au droit d'ancrage établi par Henri IV, on substitua l'interdiction absolue de fréter aucun navire étranger; cela fit naître en Angleterre et en Hollande des mesures et des taxes élevées trèsnuisibles aux rapports commerciaux.

On parut en général pénétré de cette pensée, que le commerce ne pouvait se développer qu'en se groupant dans des sociétés générales et privilégiées. « Pour se rendre maître de la mer, dit Richelieu, il faut faire de grandes compagnies, obliger les marchands d'y entrer, leur donner de grands priviléges. Faute de ces compagnies, et pour ce que chaque petit marchand trafique à part de son bien, et partant pour la plus part en de petits vaisseaux assez mal équipés, ils sont la proie des princes nos alliés, parce qu'ils n'ont pas les reins assez forts comme aurait une` grande compagnie. »

Imbu de ces idées, dont le temps a démontré l'erreur, du moins comme règle absolue, le ministre de Louis XIII ne s'occupa qu'à former des compagnies pour l'exploitation entière du commerce dans tous les établissements français; il traça en 1626 le projet d'une compagnie générale des Indes orientales; mais ce plan ne reçut son exécution que sous le règne suivant. Quelques années plus tard, le commerce du Canada fut également attribué à une société qui ne put se maintenir. Denambuc, gouverneur de l'île Saint-Christophe, obtint le privilége de faire le commerce exclusif de toutes les colonies qu'il pourrait fonder dans les Antilles; l'État lui abandonnait pendant vingt ans toutes les îles que la société mettrait en valeur, et l'autorisait à se faire payer cent livres de tabac et cinquante livres de coton par chaque habitant, depuis seize ans jusqu'à soixante. Cette société ne fut pas prospère; en 1649, elle vendit

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