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nations les plus éloignées, pour en recueillir le fruit et en retirer les avantages qu'il amène avec soi, et y établir partout en même temps, aussi bien en paix comme en guerre, la réputation du nom français. >>

Les commerçants français eux-mêmes, tout en subissant les préjugés de leur époque, comprenaient déjà les principes féconds du libre-échange; on lit dans un mémoire présenté en 1654 par le commerce de Paris « La nécessité commune des hommes ayant produit le commerce, le principal emploi de ceux qui en font profession est d'envoyer dehors ce qu'ils ont de trop, et de tirer du dehors ce dont ils ont besoin; ce flux et reflux de secours mutuels produit l'abondance, en laquelle consiste le repos et la félicité des peuples. Nos voisins reconnaissent par expérience que la liberté, soit aux marchandises, soit aux personnes, fait fleurir le négoce; qu'aux lieux où elles sont exemptes d'impositions, il s'en trouve en abondance, et que lorsqu'il est permis librement à toutes personnes d'en faire apporter, le peuple en est fourni à bon compte. »>

Le commerce de Bordeaux se faisait aussi remarquer dès ces temps reculés par les adeptes nombreux qui y soutenaient avec énergie la liberté des échanges et combattaient les droits prohibitifs. M. Ribadieu rapporte un extrait assez étendu d'un mémoire remis à M. Salomon Virelade, délégué à Paris pour coopérer aux travaux préparatoires d'un traité de commerce avec l'Angleterre; on y lit : « 8° Demander qu'il plaise à Sa Majesté de lever les défenses de l'entrée des dra

peries et autres marchandises de soie et de laine, à condition que les Anglais permettent l'entrée des vins et manufactures de France en Angleterre, et révoquent l'acte de la dite prohibition du 7 septembre 1689.

» 10° Demander que, ne pouvant obtenir le rétablissement entier du commerce, il soit permis pour le moins de tâcher à le remettre en quelque partie et dans quelques provinces, s'il ne se peut pour tout le royaume; comme si la Normandie s'oppose à l'entrée des draperies, qu'au moins elles puissent être reçues en Guyenne, la Rochelle et Bretagne, pourvu que les Anglais permettent l'entrée des vins des dites provinces. » (1)

Quels que fussent au surplus les défauts du système commercial adopté par l'État, il est certain que l'ordre, le progrès des lumières, le développement des sociétés européennes, avaient augmenté le commerce dans son ensemble; voici quel était celui de la France vers le milieu du dix-septième siècle :

IMPORTATIONS.

Hollandais.

Poivre, girofle, muscades, gingembre, cannelle et autres dro

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Pierreries, perles, cotons, plumes, laines, bois de teinture, garance, noix de Galles,

alun, couperose, vitriol et autres. Draps, toiles, tableaux, livres.

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Cuivre, étain, plomb, chaudières à eau-de

vie, épingles, fer et acier.

..

Canons, pierriers, soufre, salpêtre, poudre, mousquets, pistolets, épées. . .

Cuirs, maroquins, vaches de Russie, fourru

5,920,360 liv.

4,035,220

6,889,960

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4,500,000

1,235,000

res de toutes sortes.

675,300

Lins, chanvres, cires, poix, brai, mâts de na

vire, planches de sapin et autres. Harengs, saumons, baleines, huile de baleine

1,700,170

et autres huiles.

454,300

Beurre, fromage, chandelle et suif.

200,010

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15,372,000

Anglais, Écossais, Irlandais.

Draps de laine, mantes et couvertures, bas de soie et de filoselle, toiles de soie, rubans, cuirs, plomb, étain, alun, beurre, suif, fromage, charbon de terre.

Espagnols, Portugais.

Draperie, laines, cotons, sucres, poivre, cannelle, gingembre, anis, raisins, figues, cochenille, indigo, joaillerie, drogues médicinales.

Italiens.

Velours, satin, damas, gros de Naples, bas de

soie, draps d'or, draps d'argent, soies, den

telles, glaces de Venise.

TOTAL DES IMPORTATIONS.

4,922,500

4,124,500

44,029,320 liv.

EXPORTATIONS.

Hollandais.

Vins et eaux-de-vie.

Blé, froment, seigle, orge, pois, fèves, châ—

6,192,632 liv.

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Huile d'olive, amandes, figues, raisins et au

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Sel de La Rochelle, Marennes et pays Nantais. 2,488,750

Anglais, Écossais, Irlandais.

Vins, eaux-de-vie, vinaigres, blés, sel, huile

d'olive, figues, amandes, toiles, papiers. (1). 12,904,100

Espagnols, Portugais.

Vins, blés, seigle, orge, toiles, papiers, mer

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(1) Sous le règne de Charles II, avec une population de cinq millions d'habitants, l'Angleterre recevait par an 90,000 pièces de vins dont 40,000 venaient de France; en 1669, il fut introduit 45,000 tonneaux de vins, 20,000 étaient le produit de la France. (Brunet, Consommation des vins de France en Angleterre.)

(2) Arnould, Balance du Comm.

Le commerce de Bordeaux prenait une large part à ce mouvement, surtout pour les vins et les eauxde-vie, que quatre à cinq cents navires anglais, hollandais et des ports de la Baltique, venaient y chercher chaque année, quand la paix le permettait. Toutefois, comme nous l'avons vu, vers la fin du XVIIe siècle, les tarifs élevés adoptés par la France avaient fait naître, surtout en Angleterre, des représailles désastreuses. Non-seulement cette réciprocité de mesures hostiles diminua considérablement notre exportation de vins, mais encore le gouvernement anglais, favorisant avec énergie la fabrication des bières et eaux-de-vie de grains, les consommateurs de ce pays contractèrent des habitudes nouvelles, et ce changement dans les goûts de nos voisins fut certainement le coup le plus funeste qu'ait reçu le commerce de Bordeaux.

Les relations avec les colonies restèrent encore naissantes et presque sans importance jusqu'à la fin du XVIIe siècle. Quelques navires de faible tonnage partaient chaque année de notre port dans les mois de novembre et décembre, apportant aux Antilles des vins communs, des farines, des jambons, etc., et rapportant du tabac, des cuirs, et principalement des cacaos et des indigos, qui en étaient alors les produits principaux, car la plantation de la canne à sucre commençait à peine dans les îles d'Amérique; le café n'y fut transporté que dans les premières années du XVIIIe siècle et n'y compta comme récolte que vers 1730. Ajoutons, enfin, que Bordeaux ex

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