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pédiait également chaque année, pour la pêche de Terre-Neuve, quelques légers bâtiments qui en rapportaient de 25 à 30 milliers de morues. Le commerce des grandes Indes et celui de la traite des noirs, étaient presque entièrement nuls dans notre port.

§ II.

Usages. Règles et établissements du commerce de Bordeaux pendant le XVIo et le XVIIe siècle.

Il ne nous a pas été possible de trouver des documents plus spéciaux et plus étendus sur les affaires de Bordeaux à l'époque dont nous nous occupons; mais nous allons examiner en détail quels étaient à cette époque les usages et les règles sur le commerce des principaux objets, les droits perçus à l'entrée comme à la sortie des marchandises, et le développement sur notre place des diverses institutions commerciales.

ARTICLE Ier.

COMMERCE DES VINS.

De temps immémorial, les anciennes coutumes du pays Bordelais, considérant le vin comme la principale et même comme la seule production importante de la contrée, avaient établi des priviléges en faveur des vins récoltés dans la sénéchaussée bordelaise; ces priviléges avaient été reconnus par plusieurs rois, notamment par lettres-patentes de Charles VII.

Voici l'analyse de leurs principales dispositions :

La consommation générale de la ville était exclusivement réservée aux vins bordelais.

Il était défendu aux taverniers de vendre aucun vin étranger en la ville de Bordeaux et ses faubourgs, tant qu'il y avait à vendre du vin du crû des bourgeois, à peine de 300 sous bordelais d'amende pour chaque barrique. On obligeait les bourgeois à joindre leurs lettres de bourgeoisie à la déclaration qu'ils étaient tenus de faire pour obtenir l'entrée de leurs vins dans la ville.

Les taverniers ne pouvaient refuser à aucun bourgeois ou habitant de la dite ville, de recevoir leurs vins pour les vendre au détail, et ce à peine d'être suspendus pour trois mois; en cas de refus, il était permis à tout bourgeois de faire taverne sans tavernier. (1)

Ce privilége de vente, consacré par de nombreux arrêts du parlement de Bordeaux, était absolu et exclusif; seulement la vente des vins appartenant aux communautés religieuses fut autorisée dans la ville comme vins bourgeois. On lit à cet égard, dans la Chronique bordelaise, « que le chapitre de l'église de Saint-André députa deux chanoines vers messieurs les jurats, pour leur représenter que les fermiers des fruits de leur temporel ne pouvaient vendre le vin en détail, attendu que les dits sieurs jurats refusaient de leur en donner la permission en qualité de vins bourgeois; que les fruits de la messe avaient toujours

(1) Delurbe, Anciens Statuts de Bordeaux.

été tenus et réputés pour bourgeois et avaient le même privilége; sur quoi, messieurs les jurats, ayant délibéré qu'il serait permis aux dits sieurs chanoines et à leurs fermiers de vendre en détail le vin recueilli dans leur temporel, en rapportant un certificat du crû où le vin aurait été recueilli, et à la charge que les dits fermiers seraient tenus au paiement du droit des eschats et de la marque, deux des dits sieurs jurats furent députés pour aller porter la dite délibération au dit chapitre, qui les en remercia. »

Les nobles eux-mêmes habitant le pays Bordelais ne pouvaient jouir de ce privilége, pour la vente des vins de leurs terres, qu'en se déclarant bourgeois et en consentant à en remplir les obligations; ainsi la Chronique rapporte encore qu'un sieur de Jonquières, agissant tant pour lui que pour les autres gentilshommes du Bordelais, réclama auprès de messieurs les jurats pour l'obtention du privilége, et qu'il fut délibéré « que les gentilshommes d'extraction habitant le Bordelais avec leur famille, jouiraient du privilége des bourgeois de la dite ville, en faisant apparoir de leurs lettres de bourgeoisie qu'ils sont issus de personnes qualifiées de maire et jurats d'icelle ville, à la charge par eux gentilshommes de contribuer aux charges ordinaires et extraordinaires de la dite ville, ainsi que font les autres bourgeois; et leur seront à l'avenir les permissions à vendre leurs vins expédiées, en se purgeant, par serment, le

(1) Tillet, Chron. bordelaise, p. 14.

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vin être de leur crû et recueilli dans le Bordelais. (1) » Quant à la vente des vins en dehors de la consommation locale, il existait des règles rigoureuses qui assuraient également de grands avantages aux produits des crûs bordelais et rendaient la concurrence difficile. Il est indispensable de placer ici le texte de ces anciens statuts.

al.

» Des vins prohibés et défendus entrer en la ville et cité de Bordeaux, et qui ne peuvent être vendus en détail, en taverne, et de la marque des dits vins.

» De tout temps et ancienneté, les vins qui sont portés et conduits en la ville de Bordeaux, de Castillon-lez-Périgord, de Lamothe-Montravel, SaintAntoine, Sainte-Foy, Saint-Pey-de-Castets, SainteRadegonde, Duras, Gensac, Rauzan, Pujols, Cyvrac, Blaignac, jusqu'au milieu de Lengrane; ensemble, les vins qui sont du crû pays, terres et seigneureries de Blaye, depuis l'estey de Boglon d'une part, et l'estey de Fruscau d'autre part, pour connaître la différence des vins, seront marqués de la demi-marque de la dite ville par tous les deux bouts de chacune barri

que.

>> Tout le contenu en ce chapitre a été, par tant que besoin serait, confirmé par lettres-patentes du roi Charles IX et autorisé par plusieurs arrêts de la cour (2).

(1) Tillet, Chron. bordelaise, p. 19.

(2) Ces notes sont de Delurbe et Clairac.

» Les dits vins ne peuvent être menés et descendus au devant la ville de Bordeaux qu'après la saint Martin, tant suivant la commune observance que transaction sur ce intervenue le dernier avril 1502 avec les députés du pays.

» Et les dits vins après avoir été marqués peuvent être mis et retirés ès faubourgs seulement de la dite ville et non au dedans d'icelle, ains et autres lieux, hors l'enclos et circuit d'icelle ville en portant certification suffisante et authentique, signée des juges des lieux ou leurs lieutenants, et en se purgeant que les dits vins sont des terres et seigneureries susdites.

» Et payeront pour le droit de la dite demi-marque à la dite ville, pour chacun tonneau des dits vins, 2 sols 6 deniers bourdelois, sans comprendre ni les 2 deniers et maille ou obolle pour livre, qui sont dus à la dite ville pour le droit de la coutume d'icelle, pour la vente des dits vins au prix qu'ils se vendront par ceux qui ne seront bourgeois; lesquels bourgeois payeront pour le droit de la marque 6 liards.

» Et tels vins des lieux, terres et seigneureries dessus déclarées, ne pourront être vendus par ceux auxquels appartiennent ni par autres directement ou indirectement en taverne ni en détail ès faux bourgs de ladite ville, esquels seulement peuvent être retirés, comme dit est, à peine d'amende arbitraire et contre les bourgeois d'être privés de leur bourgeoisie.

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