Images de page
PDF
ePub

punis d'une amende, et chacun d'eux devait marquer les barriques faites par lui d'une marque particulière.

Il était expressément défendu, sous peine d'amende et de saisie, de loger dans des barriques de forme et de contenance bordelaises, les vins récoltés hors la sénéchaussée; et notamment les vins du Languedoc ne pouvaient descendre à Bordeaux que dans des futailles d'une contenance déterminée, savoir les vins de Gaillac et Rabastens et autres vins du Languedoc, dans des pipes de 54 ou 56 verges au plus; et dans des demi-pipes de 27 ou 28 verges au plus; et les vins de Carcassonne et du bas Languedoc dans des muids de 90 verges, dans des demimuids de 45, dans des tiercerolles de 60 et dans des quarts de muid de 22 à 23 verges, même dans des futailles de plus grande contenance que les muids, si bon leur semble, à la charge que toutes les dites futailles seront figurées différentes et cerclées différemment des barriques dans lesquelles les vins de la sénéchaussée de Bordeaux ont coutume d'être mis (1).

En ce qui regarde les œuvres et carrassonnes servant à soutenir les vignes, il était établi :

« 1° Que le pau qui se vendrait sur le port de Bordeaux serait long de huit pieds au moins; le biballot de sept pieds; le carrasson de deux pieds et quart;

» 2° Que le cercle vendu sur le port de Bordeaux

(1) Delurbe, Anciens Statuts de Bordeaux, p. 190.

devrait toujours être de longueur voulue; et que ceux qui vendraient des faisceaux dans l'intérieur desquels se trouveraient des cercles rompus, gâtés ou courts, seraient condamnés à des dommages et à une amende de 65 sols bordelois;

3o Que le merrain vendu sur le port de Bordeaux devrait toujours être de bonne qualité, sous peine de dommages-intérêts et d'une amende déterminée par les jurats. »

La récolte elle-même du raisin n'était pas abaṇdonnée au caprice ou à l'incapacité du propriétaire, mais surveillée au contraire par l'autorité du pays, dans l'intérêt du commerce.

Il était défendu à toute personne ayant vigne, de quelque état et condition qu'elle fût, de vendanger avant que les jurats n'en eussent annoncé le moment en faisant sonner la grosse cloche de la ville, à peine d'une amende.

Les verjus et raisins ne pouvaient être apportés ou vendus dans la ville qu'après les octaves de SaintMichel. La moindre fraude était sévèrement punie à l'égard des cultivateurs; ainsi, les journaliers qui étaient convaincus d'avoir emporté chez eux des fruits, sécailles, sarments ou autres objets, quelque faible qu'en fût l'importance, sans en avoir obtenu permismission du propriétaire, étaient condamnés à une amende de 65 sous bordelais.

Enfin, un grand nombre d'arrêts du parlement et de décisions des jurats faisaient défense aux commerçants de mélanger les vins ou d'en altérer la force et

la qualité de quelque manière que ce fût, sous peine de grosse amende et de déchéance du droit de bourgeoisie (1).

ARTICLE II.

COMMERCE DES BLÉS ET FARINES.

Si les principes qui présidaient à Bordeaux au commerce des vins avaient pour but de protéger la qualité des produits du pays, la législation sur les blés se proposait surtout de défendre la position du consommateur pauvre et d'éviter les disettes.

En général, le commerce des blés était libre à l'importation; quant à l'exportation, elle n'avait pas dans le pays bordelais de législation fixe; dans les années d'abondance, des édits spéciaux en prononçaient la liberté; mais dans les années de faible récolte, les jurats avaient par eux-mêmes le droit d'arrêter la sortie de toutes les céréales (2).

Le principe de la liberté d'importation était absolu; la vie du peuple y trouvait une de ses plus grandes garanties.<< En l'année 1575, dit la Chronique bordelaise, il y avait grande disette et cherté de grains, le peuple était en appréhension d'une famine; tout à coup arriva sur le port et hâvre si grande quantité de navires chargés de blé qu'il vint à fort bas prix, ce qui arrive ordinairement à Bordeaux. »>

(1) Delurbe, Anciens Statuts de Bordeaux, p. 205. Chron. bordelaise, p. 84.

(2) Les droits intérieurs de province à province frappaient les céréales comme toute autre marchandise.

Quant aux règles du commerce intérieur des blés et farines, elles ont toujours été à peu près les suivantes pendant le XVI et le XVIIe siècle.

1° Lorsqu'un chargement de blé, soit par bateau, soit par navire, arrivait dant le port, il était absolument défendu à toute personne, quels que fussent son état et sa condition, d'acheter au-dessus de la quantité nécessaire à sa provision, soit pour revendre en ville, soit pour exporter, avant que trois marées entières ne fussent passées depuis l'arrivée du dit chargement, et cela sous peine de punition et de saisie du blé acheté ;

2o Aussitôt l'arrivée dans le port, le propriétaire ou le commissionnaire du blé devait déclarer le lieu où était mouillé le bateau et le prix de son blé. A partir de cette déclaration, il ne lui était plus permis de déplacer son bateau et de changer son prix, quelles que fussent les circonstances;

3o Si le propriétaire mettait son blé à un prix trop élevé, une commission de jurats fixait elle-même le prix, et cette décision était exécutoire nonobstant toute réclamation;

4o Le côté du port de Bordeaux exclusivement désigné pour le mouillage des bateaux chargés de blé et pour la vente des céréales, avait pour limite le port de la Grave au midi, et le pont Saint-Jean au nord ;

5° Quand un chargement de blé ou de farines était destiné pour Bordeaux, il était expressément défendu de faire des ventes pendant le trajet et en quelque

lieu que ce fut; le navire ou bateau devait arriver directement à Bordeaux avec son chargement entièrement libre;

6o Les blés et farines devaient être vendus sans

préférence à tous ceux qui se présentaient avec leur argent; et, dans les temps de rareté, ils étaient distribués à tous, même aux plus indigents, selon les besoins de chacun et en présence d'un jurat nommé à cet effet Aucun, dit le statut, ne sera préféré au prolétaire qui achète pour vivre du jour à la journée.

7° Défense expresse était faite à ceux faisant le commerce du blé d'aller au devant des bateaux; comme aussi de revendre les blés sur le lieu même d'achat, c'est-à-dire de la Grave au pont SaintJean;

8o Dans les temps de stérilité, tous les propriétaires étaient obligés de vendre leur blé au cours arrêté par l'autorité;

9° Bordeaux entretenait un grenier d'abondance et en renouvelait l'approvisionnement chaque année; 10° Tous les boulangers de la ville étaient tenus d'avoir un approvisionnement de trois mois dans la proportion de leur débit;

44° Les procès du commerce de blé étaient toujours jugés à bref délai, et les décisions en étaient exécutoires nonobstant toute opposition ou appel (1).

(1) Delurbe, Anciens Statuts de Bordeaux, p. 155 et suivantes.

« PrécédentContinuer »