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où il faut bien se contenter de ces limites. Quoiqu'il en soit, une société politique doit toujours pour son bonheur, travailler à se procurer ses limites naturelles, et ne jamais se permettre de les dépasser.

A l'égard du degré de puissance dont elle a besoin pour se conserver, il n'est que relatif et dépend beaucoup des forces de ses voisins: ceci nous amène naturellement au sujet du livre suivant.

CHAPITRE IX.

Sur le Livre 9.

Des lois dans le rapport qu'elles ont avec la force défensive.

Le titre de ce livre semblerait annoncer qu'on trouvera ici la théorie des lois relatives à l'organisation de la force armée, et au service que les citoyens doivent à la patrie pour sa défense; mais ce n'est point ce dont Montesquieu s'est occupé. Il ne parle que des mesures politiques que peut prendre un état pour se mettre à l'abri des entreprises de ses voisins. Nous ne ferons que le suivre.

Prévenu de l'idée qu'une république, soit démocratique, soit aristocratique, ne peut jamais être qu'un petit état, il ne voit pour elle de moyen de défense que de s'unir à d'autres états par un lien fédératif; et il fait un grand éloge des avantages de la constitution fédérative, qui lui paraît la meilleure invention possible pour conserver la liberté au dedans et au dehors. Sans doute, il vaut mieux pour un état trop faible, se joindre à

plusieurs autres par des alliances ou par une fédération, qui est la plus étroite des alliances, que rester isolé. Mais si tous ces états réunis n'en formaient qu'un seul, ils seraient certainement plus forts. Or, cela se peut au moyen du gouvernement représentatif. Nous nous trouvons bien en Amérique du système fédératif, parce que nous n'avons pas de voisins redoutables; mais si la république française avait adopté ce mode comme on le lui a proposé, il est douteux qu'elle eût pu résister à toute l'Europe, comme elle l'a fait, en demeurant une et indivisible. Règle générale un état gagne en forces en se joignant à plusieurs autres; mais il gagnerait encore davantage, en ne faisant qu'un avec eux, et il perd en se subdivisant en plusieurs parties, quelque étroitement qu'elles demeurent unies.

On pourrait soutenir, avec plus de vraisemblance, que la fédération rend l'usurpation du pouvoir souverain plus difficile que l'indivisibilité; cependant elle n'a pas empêché la Hollande d'être asservie par la maison d'Orange. Il est vrai que c'est surtout l'influence étrangère qui a rendu le stadthou

dérat héréditaire et tout puissant: et cela rentre dans les inconvéniens des états faibles.

Un autre avantage de la fédération qui me paraît incontestable, et dont pourtant Montesquieu ne parle pas, c'est qu'elle favorise la distribution plus égale des lumières et la perfection de l'administration, parce qu'elle fait naître une espèce de patriotisme local, indépendamment du patriotisme général, et parce que les législatures particulières connaissent mieux les intérêts particuliers de leur petit état.

Malgré ces heureuses propriétés, je pense que l'on ne doit regarder les fédérations, surtout chez les anciens, que comme des essais et des tentatives d'hommes qui n'avaient pas encore imaginé le vrai système représentatif, et qui cherchaient à se procurer à la fois la liberté, la tranquillité et la puissance, avantages que ce système seul peut réunir. Si Montesquieu l'avait connu, j'ose croire qu'il aurait partagé cette opinion.

Au reste, il observe avec raison, qu'une fédération doit être composée d'états à peu près de même force, et régis à peu près par les mêmes principes. L'absence de ces deux

conditions est la cause de la faiblesse du corps germanique; et l'opposition des principes aristocratiques de Berne et de Fribourg avec la démocratie des petits cantons, a souvent été nuisible à la confédération helvétique, nommément dans ces derniers temps.

Il remarque encore avec non moins de justesse, que les petites monarchies sont moins propres à former une fédération que les petites républiques. La raison en est bien frappante. L'effet d'une fédération est d'élever une autorité commune au-dessus des autorités particulières; et par conséquent, des rois qui essayeraient d'en former une, ou cesseraient d'être souverains ou ne seraient pas de vrais fédérés. C'est ce qui se voit en Allemagne, où les petits princes n'ont que l'apparence de la souveraineté, et où les grands n'ont que l'apparence d'être de la fédération. Cette réflexion, si notre auteur l'eut faite, aurait, ce me semble, mieux prouvé sa thèse, que l'exemple des rois Cananéens qu'il nous cite; exemple, en vérité, bien peu imposant et bien peu concluant.

A ce propos, qu'il me soit permis de dire l'on ne peut assez s'étonner de la

que

quan

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