Images de page
PDF
ePub

CHAPITRE XI.

Sur le Livre 11. Des lois qui forment la liberté politique dans son rapport avec la

constitution.

J'ai cru devoir partager mon commentaire sur ce livre en deux parties. La première a seule un rapport direct avec l'ouvrage de notre auteur. La seconde est la suite de la première; mais Montesquieu n'a pas poussé si loin ses recherches.

Première partie.

Le problème qui consiste à distribuer les pouvoirs de la société de la manière la plus favorable à la liberté, est-il résolu?

Dans ce livre dont le titre ne présente pas, ce me semble, un sens suffisamment clair, on examine de quel degré de liberté on peut jouir sous chaque espèce de constitutions, c'est-à-dire, quels effets produisent nécessairement sur la liberté des citoyens les lois qui forment la constitution de l'état.

Ces lois sont uniquement celles qui règlent la distribution des pouvoirs politiques; car la constitution d'une société n'est autre chose que l'ensemble des réglemens qui déterminent la nature, l'étendue, et les limites des autorités qui la régissent. Aussi lorsqu'on veut réunir tous ces réglemens en un seul corps de lois qui soit la base de l'édifice social, la première attention que l'on doit avoir est de n'y faire entrer aucune disposition étrangère à cet objet unique; sans quoi ce n'est plus précisément une constitution que l'on a rédigée; ce n'est qu'une portion plus ou moins considérable du code général qui régit la nation.

Mais pour voir quelle est l'influence de l'organisation de la société sur la liberté de ses membres, il faut savoir précisément ce que c'est que la liberté. Le mot liberté, comme tous ceux qui expriment des idées abstraites très-générales, est souvent pris dans une multitude d'acceptions différentes qui sont autant de portions particulières de sa signification la plus étendue ainsi l'on dit qu'un homme est devenu libre, qu'il a acquis, qu'il a recouvré sa liberté, quand il

ment de l'exercice de sa volonté, que s'il en était privé. Ainsi l'idée de liberté dans son plus haut degré d'abstraction, et dans sa plus grande étendue, n'est autre que l'idée de la puissance d'exécuter sa volonté ; et être libre, en général, c'est pouvoir faire ce qu'on veut.

D'après cela, l'on voit que l'idée de liberté n'est applicable qu'aux êtres doués de volonté. Aussi quand nous disons que de l'eau coule plus librement quand on a enlevé les obstacles qui s'opposaient à son passage, ou qu'une roue tourne plus librement parce qu'on a diminué les frottemens qui retardaient son mouvement, ce n'est que par extension, et parce que nous supposons, pour ainsi dire, que cette eau a envie de couler, que cette roue a envie de tourner.

Par la même raison, cette question tant débattue, notre volonté est-elle libre? ne devait pas naître car il ne peut s'agir de liberté, par rapport à notre volonté, que quand elle est formée, et non pas avant qu'elle le soit. Ce qui y a donné lieu, c'est que dans certaines occasions les motifs qui agissent sur nous sont si puissans qu'il n'est pas possible

qu'ils ne nous déterminent pas tout de suite à vouloir une chose plutôt qu'une autre; et alors nous disons que nous voulons forcément; tandis que dans d'autres circonstances les motifs ayant moins d'intensité et d'énergie, nous laissent la possibilité d'y réfléchir, de les peser et de les apprécier; et alors nous croyons que nous avons le pouvoir d'y résister ou d'y obéir, et de prendre une détermination plutôt qu'une autre, uniquement parce que nous le voulons. Mais c'est une illusion: car quelque faible que soit un motif, il entraîne nécessairement notre volonté, s'il n'est pas balancé par un autre qui soit plus fort; et alors celui-là est aussi nécessairement déterminant que l'aurait été l'autre, s'il avait existé seul. On veut ou on ne veut pas, mais on ne peut pas vouloir vouloir; et quand on le pourrait, il y aurait encore une cause à cette volonté antécédente, et cette cause serait hors de l'empire de notre volonté, comme le sont toutes celles qui la font naître. Concluons que la liberté n'existe qu'après la volonté et relativement à elle, et qu'elle n'est que le pouvoir d'exécuter la volonté (1). Je

(1) C'est aussi le sentiment de Locke.

y est parvenue, et que cependant le soin de sa sûreté future l'oblige à dépouiller entièrement ou du moins en partie, son ennemi de son territoire, je pense qu'elle doit le céder à quelque peuple dont elle ait intérêt d'augmenter la puissance, ou en former un ou plusieurs états indépendans auxquels elle donnera un gouvernement analogue au sien. Elle prendra seulement la précaution de donner à ces nouveaux états, une force telle qu'ils ne puissent point lui causer d'inquiétude, mais telle cependant qu'ils soient capables de se soutenir par eux-mêmes, afin de n'être pas incessamment obligée de les protéger et de les défendre; car ce serait pour elle une source de guerres éternellement renaissantes.

A l'égard de la conduite à tenir avec les habitans des pays conquis que l'on garde, je pense avec Montesquieu, que les gouvernemens qui, comme les différentes sortes d'aristocraties, ne sont pas fondés sur une justice exacte et sur des principes fixes, doivent souvent pour s'attacher leurs nouveaux sujets, les traiter plus favorablement que les anciens. Mais le gouvernement re

« PrécédentContinuer »