puissance d'opinion que cet homme peut avoir de même, quand il est investi de la confiance publique, et quand il est convenu qu'on peut bien le destituer, dans certains cas, en suivant certaines formes; mais que tant qu'il est en fonction, il faut suivre ses décisions et les faire exécuter. Quant à l'étendue et à la multitude de ses devoirs, j'observerai qu'un état bien ordonné n'a pas besoin de nouvelles lois tous les jours, que leur multiplicité est même un très-grand mal, que d'ailleurs ce législateur peut avoir sous lui des coopérateurs et des agens instruits dans différentes parties, qui éclaircissent les matières et facilitent ses travaux, et qu'enfin bien des monarques sont chargés, non-seulement de faire les lois, mais encore de les faire exécuter, et suffisent à cette double fonction. que, J'ajouterai même qu'il est plus aisé de trouver un homme supérieur que deux cents, que mille; qu'ainsi avec un législateur uniil est vraisemblable que la législation serait plus savante et plus habile qu'avec une assemblée législative, et qu'il est certain qu'elle aurait plus d'ensemble et d'unité; ce qui est un avantage important. En un mot, je crois qu'on ne peut rien dire de solide en faveur de l'opinion contraire, si ce n'est : 1o. qu'un corps législatif composé d'un grand nombre de membres, ayant chacun du crédit dans différentes parties du territoire, obtiendra plus aisément la confiance générale et se fera plus facilement obéir; 2°. que les membres en ne sortant pas de place tous à la fois, le corps peut être renouvelé par parties, sans que cela fasse interruption et changement de système, au lieu que quand tout roule sur un seul homme, lorsqu'il change, tout change avec lui. Je conviens de la force de ces deux raisons, surtout de la dernière. D'ailleurs je ne prétends pas m'attacher obstinément à une opinion extraordinaire qui peut sembler paradoxale. Ainsi je consentirai à ce que le pouvoir législatif soit confié à une assemblée, à condition toutefois que ses membres ne seront nommés que pour un temps, et qu'ils auront tous les mêmes droits. On pourra, si l'on veut, pour l'ordre et la maturité des délibérations, partager cette assemblée en deux ou trois sections, et mettre quelques légères différences entre leurs fonctions et la durée de leur mission; mais il faut qu'au fond ces sections soient de même nature, et surtout qu'elles n'aient aucun droit de veto absolu l'une sur l'autre. Le corps législatif doit être essentiellement un, et délibérer dans son sein, mais non pas combattre contre lui-même. Tous ces systèmes d'opposition et de balance ne sont jamais, je le répète, que de vaines singeries, ou une guerre civile réelle. Venons maintenant au pouvoir exécutif. Pour celui-là, j'ose affirmer, quoique l'on en ait dit, qu'il est absolument indispensable qu'il ne soit pas tout entier dans une seule main. L'unique raison qu'on ait jamais donnée en faveur de l'opinion contraire, c'est, dit-on, qu'un homme seul est plus propre à l'action que plusieurs hommes réunis. Cela est faux, C'est dans la volonté que l'unité est nécessaire, et non pas dans l'exécution. La preuve en est que nous n'avons qu'une tête, et plusieurs membres qui lui obéissent. Une autre preuve plus directe, c'est qu'il n'y a point de monarque qui n'ait plusieurs ministres. Or, ce sont eux qui exécutent réellement : lui ne fait que vouloir, et souvent ne fait rien du tout. Cela est si vrai que dans un pays organisé comme l'Angleterre, le roi n'est absolument rien que par la portion qu'il a dans le pouvoir législatif et si on lui ôtait cette part qu'il ne doit point avoir, il serait complétement inutile. Le corps législatif et le corps des ministres, voilà réellement le gouvernement. Le roi n'est qu'un être parasite, un rouage superflu au mouvement de la machine, dont il ne fait qu'aug menter les frottemens et les frais. Il ne sert à rien du tout qu'à remplir, avec à peu près le moins d'inconvéniens possible, une place funeste à la tranquillité publique, dont tout ambitieux voudrait s'emparer, si elle n'était pas déjà occupée, parce qu'on est accoutumé à la voir exister. Mais si l'on n'avait point cette habitude, ou si l'on pouvait la perdre, il est évident qu'on n'imaginerait pas de créer une telle place, puisque malgré son existence et son influence vicieuse, dès qu'il est question d'affaires, on la met absolument à l'écart : les débats ou les relations, la guerre ou la paix, s'établissent entre le conseil et le parlement ; et quand l'un ou l'autre change, tout change, quoique le roi vraiment fainéant dans la rigueur du mot, c'est-à-dire faisant rien, reste le même. Tout cela est si constant et si bien fondé dans la nature humaine, que jamais nation ne s'est donné un monarque dans l'intention que l'exécution fut une, mais bien afin d'être régie par une volonté unique qu'elle croyait très-sage, fatiguée qu'elle était d'être déchirée par des volontés discordantes. Or, le mouvement naturel, en prenant ce parti dans des temps où la science sociale n'est point encore approfondie, est de donner à cette volonté à laquelle on désire se soumettre, la force de subjuguer toutes les autres et de là les monarques absolus. Ils ont d'abord été tels partout où on en a créé volontairement et inconsidérement. Dans la suite on a vivement senti qu'on était opprimé ou du moins très-mal dirigé par eux. On s'est réuni, non avec le projet de les arrêter de vive force, parce qu'on ne savait comment s'y prendre; encore moins avec celui de les chasser, parce qu'on n'aurait su comment les remplacer, et que d'ailleurs on s'était accoutumé à un grand respect pour eux; mais dans l'intention de les éclairer, de leur faire des représentations, de leur montrer les vrais intérêts de leur bon peuple, et de leur |