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cette république est aristocratique, qu'est-ce que tout cela aux yeux d'une saine critique? n'y a-t-il pas un véritable honneur qui ne s'applaudit que de ce qui est bien, et qui doit être exempt de reproches ? et un faux honneur qui cherche tout ce qui brille et se targue de vices et même de ridicules, quand ils sont à la mode? n'y a-t-il pas aussi une ambition généreuse, qui ne veut que servir ses semblables et conquérir leur reconnaissance, et une autre ambition qui, dévorée de la soif du pouvoir et de l'éclat, y court par tous les moyens? ne sait-on pas aussi que la modération, suivant les occasions et les motifs, est sagesse ou faiblesse, magnanimité ou dissimulation? et quant à la vertu, qu'est-ce donc que cette vertu uniquement propre aux républiques? serait-il vrai que la vraie vertu soit déplacée quelque part? est-ce sérieusement que Montesquieu a osé avancer que de véritables vices, ou, si l'on veut, des vertus fausses, sont aussi utiles dans la monarchie que des qualités réellement louables? et parce qu'il fait un portrait abominable des cours, Chap. 5, est-il bien sûr qu'il soit désirable

ou inévitable qu'elles soient ainsi? je ne puis le penser (1).

Je crois que ce qu'il y a d'exact dans tout

(1) Voici les propres expressions de cet homme que l'on cite souvent comme le grand partisan de la monarchie :

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» L'ambition dans l'oisiveté la bassesse dans » l'orgueil, le désir de s'enrichir sans travail, l'aver»sion pour la vérité, la flatterie, la trahison, la perfidie, l'abandon de tous ses engagemens, le mépris des devoirs du citoyen, la crainte de la » vertu du prince, l'espérance de ses faiblesses, et plus que tout cela, le ridicule perpétuel jeté sur » la vertu, forment, je crois, le caractère du plus » grand nombre des courtisans, marqué dans tous >> les lieux et dans tous les temps. Or, il est très» malaisé que la plupart des principaux d'un état » soient malhonnêtes gens, et que les inférieurs » soient gens de bien; que ceux-là soient trompeurs, » et que ceux-ci consentent à n'être que dupes.

» Que si, dans le peuple, il se trouve quelque » malheureux honnête homme, le cardinal de Ri» chelieu, dans son testament politique, insinue » qu'un monarque doit se garder de s'en servir, ➜ tant il est vrai que la vertu n'est pas le ressort » de ce gouvernement. «

J'ajouterai que d'après cela, il est même assez malaisé de concevoir quelle est l'espèce d'honneur qui peut en être le ressort.

ce que Montesquieu a dit sur ce sujet, se réduit à ces deux points-ci. Premièrement, dans les gouvernemens où il existe, et où il doit exister des classes distinctes et rivales, des intérêts particuliers, bien qu'assez impurs et très-séparés de l'intérêt général, peuvent en quelque façon servir à atteindre le but de l'association. Secondement, en supposant dans ce que Montesquieu appelle monarchie, l'autorité plus ferme et plus forte que dans ce qu'il nomme république, elle peut sans autant de danger employer des gens vicieux, et mettre à profit leurs talens sans s'embarrasser de leurs motifs à quoi on peut ajouter avec lui, que par-là il doit y avoir plus de vices dans la masse de la nation que dans un autre ordre de choses. Voilà ce me semble, tout ce que l'on peut trouver de plausible dans ces opinions; aller plus loin, c'est évidemment errer.

Au reste, comme par les raisons que nous avons exposées, nous n'avons pu adopter la division des gouvernemens établie par Montesquieu, nous ne le suivrons pas dans les détails qui s'y rapportent, mais nous allons nous servir de la classification que

nous avons préférée, pour tâcher d'éclaircir davantage ses idées. Commençons par les gouvernemens que nous avons appelés nationaux, c'est-à-dire, qui sont fondés sur la maxime que tous les droits et tous les pouvoirs appartiennent toujours au corps entier de la nation.

Entre les diverses formes que ces gouver nemens peuvent revêtir, la démocratie pure est à-peu-près impossible. Elle ne peut

exister un peu de temps

temps de suite que dans des hordes de sauvages, ou parmi les nations un peu plus civilisées, dans quelque coin de terre isolé ou écarté, où les liens de l'association ne sont guère plus resserrés que chez les sauvages. Partout ailleurs où les relations sociales sont plus étroites et plus multipliées, elle ne peut avoir qu'une durée très-courte, et elle finit promptement par l'anarchie qui, par le besoin du repos, la ramène à l'aristocratie ou à la tyrannie. L'histoire de tous les temps fait foi de cette vérité (1). D'ailleurs la démocratie absolue

(1) Et surtout l'histoire de la Grèce. Les démocraties grecques que l'on vante tant, n'ont jamais existé par elles-mêmes, mais seulement par la pro

ne peut avoir lieu que sur une très-petite étendue de territoire. Nous ne nous en occuperons pas maintenant.

Après cette forme de société qui est l'enfance de l'art, vient le gouvernement représentatif pur, celui dans lequel, suivant des formes exprimées dans un acte consenti librement et appelé constitution, tous les associés nommés citoyens, concourent également à choisir leurs différens délégués, et à les contenir dans les limites de leurs missions respectives. C'est la démocratie rendue possible pour un long temps et un grand espace. La démocratie est l'état de la nature brute. La représentation est celui de la nature perfectionnée, qui n'est ni déviée ni sophistiquée, et qui ne procède ni par système ni par expédiens. On peut regarder la représentation (le gouvernement représentatif) comme une invention nouvelle, qui était encore inconnue

tection du lien fédératif qui les unissait. Encore n'ont-elles duré que des momens, et n'étaient-elles que des aristocraties très-resserrées, eu égard au nombre total des habitans, puisqu'il y avait une foule prodigieuse d'esclaves, qui n'avaient aucune part au gouvernement.

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