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sont les deux choses les plus indispensables pour le bonheur et le bon ordre de la société, et sans lesquelles toutes les combinaisons qu'on peut faire pour établir la meilleure distribution des pouvoirs, ne sont que de vaines spéculations. Mais ceci rentre dans le sujet que nous devons traiter dans le livre suivant (1).

(1) Nous croyons devoir placer ici une remarque que les critiques et les commentateurs sont priés de nous pardonner. C'est que le chapitre que l'on vient de lire, comparé avec quelques-uns des précédens, montre avec évidence combien il est plus aisé de rejeter ce qui est mauvais, que de trouver ce qui est bon, de critiquer que de produire, de détruire que de construire. En effet, l'auteur ici change de rôle. Il cesse de combattre les idées de Montesquieu pour proposer les siennes, et quoique le chapitre dont il s'agit renferme, suivant nous, de très-bonnes choses, il nous semble qu'il laisse beaucoup à désirer. Les jugemens de l'auteur nous paraissent, en général, très-fondés et ses raisonnemens très-plausibles; mais nous croyons qu'il en presse trop les conséquences, et que ses conclusions. sont trop absolues et trop tranchantes. Cependant il faut convenir qu'il n'expose ici qu'une théorie abstraite, sans aucune considération de lieu ni de temps, et que lui-même indique que dans l'appli

cation, elle pourrait et devrait recevoir beaucoup de modifications suivant les circonstances. Au reste, il n'est plus en notre pouvoir de rien changer aux idées de l'auteur. Nous devons nous borner à notre rôle d'éditeur, et donner ici l'ouvrage tel qu'il a été imprimé à Philadelphie en 1811. (Note de l'Editeur)

CHAPITRE XII.

Sur le Livre 12.

Des Lois qui forment

la liberté politique dans son rapport avec le citoyen.

Le livre précédent est intitulé par Montesquieu Des lois qui forment la liberté politique dans son rapport avec la constitution. Nous avons vu que sous ce titre, il traite des effets que produisent sur la liberté des hommes les lois qui forment la constitution de l'état, c'est-à-dire, qui réglent la distribution des pouvoirs politiques. Ces lois sont en effet les principales de celles qui régissent les intérêts généraux de la société, et en y joignant celles qui réglent l'administration et l'économie publique, c'est-à-dire, celles qui dirigent la formation et la distribution des richesses, on aurait le code complet qui gouverne les intérêts du corps politique, pris en masse, et qui influe sur le bonheur et la liberté de chacun par les effets qu'il produit sur le bonheur et la liberté de tous.

Ici il s'agit des lois qui atteignent directement chaque citoyen dans ses intérêts privés. Ce n'est plus la liberté publique et politique qu'elles attaquent ou qu'elles protégent immédiatement; c'est la liberté individuelle et particulière. On sent que cette seconde espèce de liberté est bien nécessaire à la première et lui est intimement liée. Car il faut que chaque citoyen soit en sûreté contre l'oppression dans sa personne et dans ses biens, pour pouvoir défendre la liberté publique; et il est bien clair que si, par exemple, une autorité quelconque était en droit ou en possession d'ordonner arbitrairement des emprisonnemens, des bannissemens ou des amendes, il serait impossible de la contenir dans les bornes qui pourraient lui être prescrites par la constitution, l'état en eut-il une très-précise et très-formelle. Aussi Montesquieu dit que, sous le rapport dont il s'agit, la liberté consiste dans la sûreté, et que la constitution peut être libre, (c'està-dire, contenir des dispositions favorables à la liberté) et le citoyen ne l'être pas; et il ajoute avec beaucoup de raison, que dans la plupart des états (il pourrait dire dans tous)

la liberté individuelle est plus génée, choquée, et abattue que leur constitution ne le demande. La raison en est que les autorités, voulant toujours aller au delà des droits qui leur sont concédés, ont besoin de peser sur cette espèce de liberté pour opprimer l'autre.

De même que ce sont les lois constitutionnelles principalement, et ensuite les lois administratives qui influent sur la liberté générale, ainsi ce sont les lois criminelles et subsidiairement les lois civiles qui disposent de la liberté individuelle. Le sujet que nous avons à traiter rentre presque entièrement dans celui du livre sixième, où Montesquieu s'est proposé d'examiner les conséquences des principes des différens gouvernemens par rapport à la simplicité des lois civiles et criminelles, la forme des jugemens et l'établissement des peines. Un meilleur ordre dans la distribution et l'enchaînement de ses idées, aurait réuni ce livre avec celui-ci, et même avec le vingt-neuvième qui traite de la manière de composer les lois, et en même temps de la manière d'apprécier leurs effets. Mais nous nous sommes assujettis à suivre l'ordre adopté par notre auteur. Chacun pour

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