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son compte fera bien de le réformer et de refondre son ouvrage et le nôtre, pour se composer un système de principes suivi et complet.

Nous sommes convenus au commencement de ce livre sixième que, malgré les grandes et belles vues qu'il renferme, nous n'y trouvions pas toute l'instruction que nous aurions dû en attendre. Nous sommes obligés de faire le même aveu au sujet de celui-ci. Il devrait naturellement renfermer l'exposition et l'appréciation des principales institutions les plus favorables ou les plus contraires à la sûreté de chaque citoyen, et au libre exercice de ses droits naturels, civils et politiques. Or, c'est ce qu'on n'y trouve pas. Montesquieu, à son ordinaire, dans une multitude de petits chapitres décousus, parcourt tous les temps et tous les pays, et surtout les temps anciens et les contrées mal connues. Certainement il tire de tous ces faits des conséquences qui, le plus souvent, sont très-justes. Mais il ne fallait pas tant de recherches et tant d'esprit pour nous apprendre que l'accusation de magie est absurde, que les fautes purement religieuses doivent être réprimées par des

punitions purement religieuses aussi, que dans les monarchies on a souvent abusé du crime de lèze-majesté jusqu'à la barbarie et jusqu'au ridicule, qu'il est tyrannique de punir les écrits satyriques, les paroles indiscrètes et jusqu'aux pensées, que les jugemens par commissaires, l'espionnage, et les délations anonymes sont des choses atroces et odieuses, etc. S'il a été obligé d'user d'adresse pour oser dire de telles vérités, et s'il lui a été impossible d'aller plus loin, il faut le plaindre, mais il ne faut pas nous y

arrêter.

Je ne trouve au milieu de tout cela qu'une seule réflexion profonde, c'est celle-ci : Qu'il est du plus grand danger pour les républiques de multiplier les punitions pour cause du crime de lèze-majesté ou de lèzenation. Sous prétexte de la vengeance de la république, dit Montesquieu, on établirait la tyrannie des vengeurs. Il n'est pas question de détruire celui qui domine, mais la domination. Il faut rentrer, le plutôt qu'on peut, dans ce train ordinaire du gouvernement où les lois protégent tout, et ne s'arment contre personne. Ces paroles sont admirables.

La preuve tirée des faits est sans réplique. Chez les Grecs, pour n'avoir pas agi ainsi l'exil ou le retour des exilés furent toujours les époques qui marquèrent le changement de la constitution. Que d'événemens modernes viendraient à l'appui, s'il en était besoin!

Mais à côté de ces décisions si sages, j'en trouve une bien dangereuse, contraire à l'avis formel de Cicéron; c'est qu'il y a des occasions où l'on peut faire une loi expresse contre un seul homme; et qu'il y a des cas où il faut mettre pour un moment un voile sur la liberté, comme l'on cache les statues des dieux. Voilà jusqu'où l'anglomanie a conduit ce grand homme.

Quoi qu'il en soit, puisque notre auteur n'a pas jugé à propos de pénétrer plus avant dans son sujet, nous nous bornerons à répéter ici que la liberté politique ne saurait subsister sans la liberté individuelle et la liberté de la presse, et que pour le maintien de cellesci, il faut absolument la proscription de toute détention arbitraire, et l'usage de la procédure par jurés, au moins au criminel. Nous renverrons donc le lecteur à ce que nous avons dit sur ces objets dans les chapitres

précédens, et nommément dans le quatrième, le sixième et le onzième, où nous avons fait voir comment et pourquoi ces principes sont favorisés ou contrariés par la nature et l'esprit de chaque espèce de gouvernement.

CHAPITRE XIII.

Résumé des douze premiers livres de l'Esprit des Lois.

parcou

Nous avons une longue carrière à rir je ne puis me dispenser de m'arrêter un moment au point où nous voici parvenus. Bien que l'Esprit des Lois de Montesquieu soit composé de trente et un livres, les douze premiers que nous venons de commenter, renferment tout ce qui concerne directement et immédiatement l'organisation de la société et la distribution de ses pouvoirs. Nous ne trouverons plus dans les autres que des considérations économiques, philosophiques ou historiques sur les causes, les effets, les circonstances et l'enchaînement des différens états de la société dans certains temps et dans certains pays, et sur le rapport de toutes ces choses avec la nature de l'organisation sociale. Les opinions qui y seront émises, les vues qui y seront présentées, seront plus ou moins justes, plus ou moius nettes, plus

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