J'ajoute que dans le premier état, c'est l'igno rance qui règne et la force qui domine: que dans le second, il s'établit des opinions; c'est la religion qui a le plus d'empire, et que dans le troisième, la raison commence à prévaloir et la philosophie a plus d'influence. J'observe de plus, que le motif principal des punitions, dans le premier degré de civilisation, est la vengeance humaine; dans le second, c'est la vengeance divine; et dans le troisième, c'est le désir d'empêcher le mal à venir. Ici je n'étendrai pas davantage ces réflexions, qui font place tout d'un coup à des objets d'un autre genre. Dans le septième livre, il s'agit des conséquences des différens principes des trois gouvernemens de Montesquieu, par rapport aux lois somptuaires, au luxe, et à la condition des femmes. Le mérite des lois somptuaires a été jugé par ce que nous avons dit des lois civiles en général dans le cinquième chapitre. Ce qui regarde les femmes se trouvera plus à propos et mieux développé, lorsqu'il sera question des mœurs et des climats. Il ne reste donc ici que le luxe qui mérite d'être examiné à fond: et le résultat de la discussion est, qu'en convenant de la nécessité où sont certains gouvernemens d'encourager le luxe pour se soutenir, l'effet du luxe est toujours néanmoins d'employer le travail d'une manière inutile et nuisible. Or, le travail, l'emploi de nos facultés, étant tout pour nous, et notre seul moyen d'action, je me trompe beaucoup si cette vérité n'est pas la base de toute la science sociale, et n'en décide pas toutes les questions de tout genre. Car ce qui étouffe le développement de nos forces, ou le rend inutile et même nuisible, ne saurait nous être propice. Le livre huitième nous reporte vers d'autres objets; il y est question de la corruption des principes des trois gouvernemens distingués par Montesquieu. Après avoir expliqué plus ou moins bien en quoi consiste la corruption de ces prétendus principes, il établit que chacun d'eux est relatif à une certaine étendue de territoire, et se perd si elle change. Cette décision m'amène à considérer la question sous des rapports tout différens, à faire voir les prodigieuses conséquences qui résultent pour un état d'avoir certaines limites plutôt que d'autres, et à conclure généralement, que l'étendue convenable à tout état, est d'avoir une force suffisante avec les meilleures limites possibles, et que la mer est la meilleure de toutes, par beaucoup de raisons de différens genres. Montesquieu ayant avancé que tel gouvernement ne peut exister que dans un petit état, et tel autre que dans un grand, est obligé de leur assigner à chacun une manière particulière et exclusive de se défendre contre les aggressions étrangères : et il prétend dans le livre neuvième que les républiques n'ont d'autre moyen de salut que de former des confédérations. J'en prends occasion de discuter les principes et les effets du gouvernement fédératif, et j'en conclus que la fédération produit toujours plus de force, à la vérité, que la séparation absolue, mais moins que l'union intime et la fusion complète. Enfin dans le livre dixième, notre auteur examine ces mêmes gouvernemens sous le rapport de la force offensive; cela l'engage dans la discussion des bases du droit des gens, et des principes et des conséquence du droit de guerre et du droit de conquête : j'avoue que sa doctrine ne me paraît pas lumineuse, et je trouve en définitif que la perfection du droit des gens serait la fédération des nations, et que jusque-là le droit de guerre dérive du droit de défense naturelle, et celui de conquête de celui de guerre. Après avoir ainsi, dans ses dix premiers livres, considéré les divers genres de gouvernement sous tous les aspects, Montesquieu consacre le livre onzième intitulé : Des lois qui forment la liberté politique dans son rapport avec la constitution, à prouver que la constitution anglaise est la perfection et le dernier terme de la science sociale, et que c'est une folie de chercher encore le moyen d'assurer la liberté politique, puisque ce moyen est complétement trouvé. pas N'étant pas de cet avis, j'ai partagé ce livre en deux parties. Dans la premiere, je fais voir que le problème n'est résolu, et qu'il ne saurait l'étre tant qu'on donne trop de pouvoir à un seul homme et dans la seconde, je tâche de montrer comment on peut résoudre le problème, en ne donnant jamais à un seul homme assez de pou voir pour qu'on ne puisse pas le lui ôter sans violence, et pour que quand il change, tout change nécessairement avec lui. Pour terminer, Montesquieu dans son douzième livre, traite des lois qui forment la liberté politique dans son rapport avec le citoyen; ce livre offrant peu de choses nouvelles à en tirer, je me borne à ce résultat, que la liberté politique ne saurait subsister sans la liberté individuelle et la liberté de la presse, et celles-ci sans la procédure par jurés. Cet aperçu de nos douze premiers chapitres est nécessairement trop rapide. Il n'en donnerait pas une idée suffisante à ceux qui ne les auraient pas lus; et il ne représente qu'imparfaitement à ceux qui les ont lus ce qu'ils peuvent y avoir remarqué. Cependant il rappelle, au moins en masse, la série d'un petit nombre d'idées qui forment un ensemble important. L'homme est un atôme dans l'immensité des êtres. Il est doué de sensibilité et par suite de volonté : son bonheur consiste dans l'accomplissement de cette volonté, et il a peu de puissance pour l'exécuter. C'est cette puissance qu'il appelle liberté. Il a bien |