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A l'égard de la simplicité des lois, autre avantage des peuples dont l'industrie est peu avancée, nous en avons déjà fait la remarque dans le chapitre sixième, je ne m'y arrêterai pas. Je négligerai de même toutes les discussions relatives au droit des gens chez les Tartares, aux lois saliques et ripuaires, aux rois francs, etc. Il y a, ce me semble, peu de lumières à en retirer.

Tels sont à peu près tous les sujets divers que Montesquieu a effleurés dans ce livre. Au fait, ce n'était pas précisément de la nature du terrain qu'il voulait parler; car la fertilité des terres n'est pas la seule cause de la richesse des hommes : l'industrie et le commerce y contribuent au moins autant; et ce sont les effets de la richesse et de la civilisation, dont notre auteur rend compte sans peut-être le voir nettement. En généralisant ainsi la question, elle est mieux posée. Des observations auxquelles elle donne lieu, voici, suivant moi, ce qu'on peut conclure relativement à l'esprit des lois : c'est que plus la société se perfectionne, plus les moyens de jouissance et de puissance s'accroissent parmi les hommes, mais aussi plus les chances

d'inégalité se multiplient entr'eux; et que dans tous les degrés de civilisation, les lois doivent tendre à diminuer, autant que possible, l'inégalité, parce qu'elle est l'écueil de la liberté et la source de tous les maux et de tous les vices. Tout prouve ce grand principe, et tout y ramène.

CHAPITRE XVII.

Sur le livre 19. Des lois dans le rapport: qu'elles ont avec les principes qui forment l'esprit général, les mœurs et les manières d'une nation.

Il y a bien de l'esprit dans ce livre. Le portrait des Français est une jolie plaisanterie; celui des Anglais est très-bien fait pour prouver que ce qui est doit être, et quelquefois pour rendre raison de ce qui n'est pas. Mais tout cela n'est-il point plus éblouissant que solide, n'est-il point entremêlé d'assertions insoutenables ?

Il ne faut pas tout corriger, sans doute. Pourquoi? de peur de faire pis. Mais s'ensuit-il que la vanité est un bon ressort pour un gouvernement, et qu'à force de se rendre l'esprit frivole, on augmente sans cesse les branches de son commerce? Les nations les plus commerçantes ne sont pas les plus légères. Surtout doit-on établir en thèse générale que tous les vices moraux ne sont pas

des vices politiques? J'ose dire que cela est faux, si la politique est la science du bonheur des hommes. Si elle est l'art de les dépraver pour les opprimer, je n'ai rien à objecter; mais je ne m'occupe pas de cette politique.

Est-il donc très-singulier, comme le dit l'auteur, qu'un peuple comme les Chinois, asservi jusque dans ses manières, et toujours occupé de démonstrations cérémonieuses, soit très-fourbe? et pour expliquer un fait si simple, peut-on se permettre d'affirmer qu'à la Chine il est permis de tromper? Pour moi j'ose assurer qu'on a trompé partout, et que jamais les lois n'y ont autorisé nulle part, pas même à Lacédémone, malgré les prétendus vols permis.

J'ose encore affirmer que ce n'est pas la détestable manière d'écrire des Chinois qui a pu établir parmi eux l'émulation, la fuite de l'oisiveté, et l'estime pour le savoir. Elle a sans doute contribué à leur respect pour les rites, en les rendant incapables d'apprendre rien autre chose, c'est-à-dire, qu'elle a aidé à les asservir en les abrutissant. Mais si c'est en cela que le gouvernement chinois triompha, comme le dit notre auteur, ce n'était pas à lui à chanter ce triomphe. Un philosophe doit accorder ses éloges avec plus de discernement.

N'y a-t-il pas aussi un peu d'irréflexion à louer sans restriction Rhadamante de ce qu'il expédiait tous les procès avec célérité, déférant seulement le serment sur chaque chef. Je crois que nous savons fort peu, malgré le secours de Platon, ce que faisait Rhadamante; mais nous savons très-bien, et nous l'avons vu dans le chapitre sixième, que les lois peuvent plus facilement être simples suivant que la société est moins avancée et que les intérêts sont moins compliqués; et nous sommes assurés de même que, moins on sait écrire, plus on est obligé d'employer la preuve testimoniale et l'affirmation par serment. Il ne faut donc pas toujours prendre l'ignorance pour l'innocence, et la rusticité pour la vertu.

Une autre assertion singulière est celle-ci : Une nation libre peut avoir un libérateur; une nation subjuguée ne peut avoir qu'un autre oppresseur : il s'ensuivrait qu'une nation, une fois opprimée, ne peut jamais cesser

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