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sur lequel il statue, et se décide par des motifs qui y sont étrangers. En cela, ce livre rentre dans le sujet déjà traité dans le livre vingtsixième, comme à d'autres égards il se rapproche en bien des points des objets des livres douzième et sixième. L'auteur montre encore que pour bien apprécier une loi, il faut tenir compte des circonstances dans lesquelles elle a été rendue; cela a déjà été dit et prouvé ailleurs. Il veut aussi que les lois statuent toujours d'une manière générale, et ne soient pas rendues comme les rescrits, à l'occasion de faits particuliers. Enfin, il voudrait que le législateur se défit de ses préjugés. Personne ne sera tenté de le contredire sur aucun de tous ces points. On pourrait bien n'être pas aussi satisfait des divers exemples, et de quelques-unes des raisons qu'il emploie pour prouver des choses si claires. Plusieurs seraient grandement sujets à critique. Mais comme il n'en résulterait aucune lumière nouvelle qui fût de grande importance, je m'en abstiens. Il ne suffit pas d'avoir raison contre les grands hommes, il faut encore, pour s'attacher à les contredire, que cela soit nécessaire.

J'ai entre les mains une critique de ce livre de l'Esprit des lois, faite par le plus grand philosophe de ces derniers temps, Condorcet. Elle n'a jamais été publiée, et probablement n'a pas été faite pour l'être. Si j'osais, je la donnerais ici. On y verrait avec quelle force de dialectique, il réfute Montesquieu, et avec quelle supériorité de vues il refait son ouvrage. On y verrait surtout que, si je suis loin d'une si haute сараcité, je ne suis pas moins éloigné d'une telle sévérité (1).

(1) L'intention de l'auteur n'était pas de livrer à l'impression ce travail de Condorcet, mais cédant aux vives instances qu'on lui a faites, il a bien voulu nous le confier; et nous croyons ajouter un grand prix au Commentaire que nous publions, en le faisant suivre de cet écrit.

CHAPITRE XXV.

Sur les livres 30 et 31.

Théorie des lois

féodales chez les Francs, dans le rapport qu'elles ont avec l'établissement de la monarchie. Théorie des lois féodales chez les Francs, dans le rapport qu'elles ont avec les révolutions de la monarchie.

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Les raisons qui m'ont fait passer si rapidement sur les livres vingt-septième et vingt-huitième, m'obligent à en user de même à l'égard de ceux-ci. Je respecte beaucoup ces recherches. Elles ont sans doute leur utilité, mais elles n'ont qu'un rapport très-éloigné avec celles qui m'occupent. Ainsi je ne les examinerai point. J'observerai seulement, sans entrer dans le fond de la dispute, que tout homme sensé est affligé de voir Montesquieu (Chapitre 30 du Livre XXV) donner comme une forte raison contre le système de l'abbé Dubos, qu'il serait injurieux pour les grandes maisons de France, et pour les trois races de leurs rois, parce que dans cette

hypothèse, il y aurait eu un temps où elles auraient été des familles communes. On n'est pas moins choqué de l'emphase avec laquelle il parle continuellement de cette fameuse noblesse, qu'il représente toujours comme incessamment couverte de poussière, de sang et de sueur, et qui finalement ne l'a été que de ridicules, précisément pour s'être trop infatuée de ces pompeuses billevesées. Il y a bien encore quelques autres niaiseries qui même contredisent celles-là, comme, par exemple, de dire que dès le temps de Gontran, les armées françaises ne furent plus funestes qu'à leur propre pays; et de s'écrier: chose singulière ! elle (la monarchie) était dans la décadence, dès le temps des petits fils de Clovis. C'est de bonne heure. Il aurait mieux valu, ce me semble, avouer naïvement qu'elle était un enfant mort-né, ou du moins fort mal constitué. Mais je livre tout cela aux réflexions des lecteurs. Ainsi ma tâche est finie.

Ce serait peut-être ici le lieu de hasarder un jugement général sur l'ouvrage dont nous venons de discuter différentes parties. Cependant je m'en abstiendrai. Je me conten

terai de remarquer que l'Esprit des Lois, quand il a paru, n'a guère été attaqué que par des hommes de parti, la plupart trèsméprisables et de très-mauvaise foi, et que malgré ses nombreux défauts, connus, reconnus et avoués, il a constamment été défendu par tous les vrais amis des lumières et de l'humanité, même par ceux qui avaient de justes motifs personnels de se plaindre de l'auteur. A leur tête, il faut mettre Voltaire, qui, dans cette occasion, comme dans toutes les autres semblables, a bien manifesté son noble et généreux caractère aussi supérieur aux petitesses de la vanité, que son esprit l'était à celles des préjugés, en faisant l'éloge le plus complet et même le plus exagéré de l'Esprit des Lois, par ce mot si connu : Le genre humain avait perdu ses titres; Montesquieu les a retrouvés et les lui a rendus.

FIN DU COMMENTAIRE.

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