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Il désire que l'esprit de travail, d'ordre et d'économie, règne dans la nation. Il n'ira pas comme certaines républiques anciennes demander minutieusement compte aux individus de leurs actions et de leurs moyens, ou les gêner dans le choix de leurs occupations. Il ne les tourmentera même pas par des lois somptuaires qui ne font qu'aigrir les passions, et qui ne sont jamais qu'une atteinte inutile portée à la liberté et à la propriété. Il lui suffira de ne point détourner les hommes des goûts sages et des idées vraies, de ne fournir aucun aliment à la vanité, de faire que le faste et le

déréglement ne soient pas des moyens de succès, que le désordre des finances de l'état ne soit pas une occasion fréquente de fortunes rapides, et que l'infamie d'une banqueroute, soit un arrêt de mort civile. Avec ces seules précautions, les vertus domestiques se trouveront bientôt dans presque toutes les familles, puisqu'il est vrai qu'on les y rencontre fréquemment, au milieu de toutes les séductions qui en éloignent, et malgré les avantages que l'on trouve trop souvent à y renoncer.

Par les mêmes raisons, ce gouvernement qui a un besoin pressant que toutes les idées justes se propagent et que toutes les erreurs s'évanouissent, ne croira pas atteindre ce but en payant des écrivains, en faisant parler des professeurs, des prédicateurs, des comédiens, en donnant des livres élémentaires privilégiés, en faisant composer des almanachs, des catéchismes, des instructions, des pamphlets, des journaux, en multipliant les inspections, les réglemens, les censures, pour protéger ce qu'il croit la vérité. Il laissera tout simplement chacun jouir pleinement du beau droit de dire et d'écrire tout ce qu'il pense, fari quæ sentiat; bien sûr que quand les opinions sont libres, il est impossible qu'avec le temps la vérité ne surnage pas, et ne devienne pas évidente et inébranlable. Or, il n'a jamais à craindre ce résultat, puisqu'il ne s'appuie sur aucun de ces principes contestables que l'on ne peut défendre que par des considérations éloignées, puisqu'il n'est fondé originairement que sur la droite raison, et puisqu'il fait profession d'être toujours prêt à s'y soumettre, ainsi qu'à la volonté générale dès

qu'elles se manifestent. Il ne doit donc intervenir que pour maintenir le calme et la lenteur nécessaires dans les discussions, et surtout dans les déterminations qui peu

vent s'ensuivre.

Par exemple, ce gouvernement ne doit point adopter la vénalité des charges, il ne demande pas à la Providence de créer des sots, mais des citoyens éclairés. Il n'y a point de classe qu'il veuille appauvrir, parce qu'il n'y en a pas qu'il veuille élever; ainsi cette mesure lui est inutile. D'ailleurs il est de sa nature que la plupart des fonctions publiques soient conférées par l'élection libre des citoyens,' et les autres par le choix éclairé des gouvernans, que presque toutes soient très-temporaires, et qu'aucunes ne donnent lieu à de très-grands profits ni à des priviléges permanens. Ainsi il n'y a point de raisons pour les acheter ni pour les vendre. aurait encore bien des choses à dire sur tout ce que ce gouvernement et ceux dont nous avons parlé auparavant doivent faire, ou ne pas faire en fait de législation, mais je me borne aux objets que Montesquieu a jugé à propos de traiter dans ce livre. Je

Il y

ne m'en suis éloigné un moment que pour mieux prouver, contre l'autorité de ce grand homme, que , que les mesures directes et violentes qu'il approuve dans la démocratie ne sont pas les plus efficaces et que c'est un : mauvais système de gouvernement que celui qui contredit la nature. Je suivrai la même marche dans tout le reste de cet ouvrage.

CHAPITRE VI.

Sur le Livre 6. Conséquences des principes des divers gouvernemens, par rapport à la simplicité des lois civiles et criminelles, la forme des jugemens, et l'établissement des peines.

Malgré les belles et grandes vues qui se font admirer dans ce livre, nous n'y trouverons pas toute l'instruction que nous aurions dû en attendre, parce que l'illustre auteur n'a pas distingué avec assez de soin ce qui regarde la justice civile, de ce qui regarde la justice criminelle. Nous tâcherons de remédier à cet inconvénient. Mais avant de nous occuper de ces objets particuliers, il faut nous livrer encore à quelques réflexions générales sur la nature des gouvernemens, dont nous avons parlé dans le livre second. Car les matières que nous avons traitées, dans les Chapitres III, IV et V, ont dû jeter un nouveau jour sur ce sujet.

La division des gouvernemens en diffé

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