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SCENE XIV.

CLEONTE, COVIELLE.

COVIELLE.

Vous avez fait de belles affaires avec vos beaux sentiments!

CLÉONTE.

Que veux-tu? j'ai un scrupule là-dessus que l'exemple ne sauroit vaincre.

COVIELLE.

Vous moquez · -vous de le prendre sérieusement avec un homme comme cela? Ne voyez-vous pas qu'il est fou? Et vous coûtoit-il quelque chose de vous accommoder à ses chimeres?

CLÉONTE.

Tu as raison; mais je ne croyois pas qu'il fallût faire ses preuves de noblesse pour être gendre de monsieur Jourdain.

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D'une pensée qui me vient pour jouer notre homme, et vous faire obtenir ce que vous souhaitez.

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Il s'est fait depuis peu une certaine mascarade qui vient le mieux du monde ici, et que je prétends

faire entrer dans une bourde que je veux faire à notre ridicule. Tout cela sent un peu sa comédie : mais avec lui on peut hasarder toute chose, il n'y faut point chercher tant de façons; il est homme à y jouer son rôle à merveille, et à donner aisément dans toutes les fariboles qu'on s'avisera de lui dire. J'ai les acteurs, j'ai les habits tout prêts; laissezmoi faire seulement.

CLÉONTE.

Mais apprends-moi...

COVIELLE.

Je vais vous instruire de tout. Retirons-nous; le voilà qui revient.

SCENE X V.

M. JOURDAIN, seul.

Que diable est-ce là? ils n'ont rien que les grands seigneurs à me reprocher; et moi, je ne vois rien de si beau que de hanter les grands seigneurs ; il n'y a qu'honneur et civilité avec eux; et je voudrois qu'il m'eût coûté-deux doigts de la main, et être né comte ou marquis.

SCENE XVI.

M. JOURDAIN, UN LAQUAIS.

LE LAQUA IS.

Monsieur, voici monsieur le comte, et une dame qu'il mene par la main.

M. JOURDAIN.

Hé! mon dieu! j'ai quelques ordres à donner. Disleur que je vais venir ici tout-à-l'heure.

SCENE XVII.

DORIMENE, DORANTE, UN LAQUAIS.

LE LAQUAIS.

Monsieur dit comme cela qu'il va venir ici toutà-l'heure.

Voilà qui est bien.

DORANTE.

SCENE XVIII.

DORIMENE, DORANTE.

DORIMENE.

Je ne sais pas, Dorante; je fais encore ici une étrange démarche, de me laisser amener par vous dans une maison où je ne connois personne.

DORANTE.

Quel lieu voulez-vous donc, madame, que mon amour choisisse pour vous régaler, puisque, pour fuir l'éclat, vous ne voulez ni votre maison ni la mienne ?

DORIMENE.

Mais vous ne dites pas que je m'engage insensiblement chaque jour à recevoir de trop grands témoignages de votre passion. J'ai beau me défendre des choses, vous fatiguez ma résistance, et vous avez une civile opiniâtreté qui me fait venir doucement à tout ce qu'il vous plaît. Les visites fréquentes ont commencé; les déclarations sont venues ensuite, qui, après elles, ont traîné les sérénades et les cadeaux, que les présents ont suivis. Je me suis opposée à tout cela; mais vous ne vous rebutez point, et, pied à pied, vous gagnez mes résolutions. Pour

moi, je ne puis plus répondre de rien; et je crois qu'à la fin vous me ferez venir au mariage, dont je me suis tant éloignée.

DORANTE.

Ma foi, madame, vous y devriez déja être. Vous êtes veuve, et ne dépendez que de vous ; je suis maître de moi, et vous aime plus que ma vie: à quoi tient-il que, dès aujourd'hui, vous ne fassiez tout mon bonheur?

DORIMENE.

Mon dieu! Dorante, il faut des deux parts bien des qualités pour vivre heureusement ensemble; et les deux plus raisonnables personnes du monde ont souvent peine à composer une union dont ils soient satisfaits.

DORANTE.

Vous vous moquez, madame, de vous y figurer tant de difficultés ; et l'expérience que vous avez faite ne conclut rien pour tous les autres.

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Enfin, j'en reviens toujours là. Ees dépenses que je vous vois faire pour moi m'inquietent par deux raisons: l'une, qu'elles m'engagent plus que je ne voudrois; et l'autre, que je suis sûre, sans vous déplaire, que vous ne les faites point que vous ne vous incommodież; et je ne veux point cela.

DORANTE.

Ah! madame, ce sont des bagatelles; et ce n'est pas par-là...

DORIMENE.

Je sais ce que je dis; et, entre autres, le diamant que vous m'avez forcée à prendre est d'un prix...

DORANTE.

Hé! madame, de grace! né faites point tant valoir une chose que mon amour trouve indigne de vous; et souffrez... Voici le maître du logis.

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M. JOURDAIN, après avoir fait deux révérences, se trouvant trop près de Dorimene.

Un peu plus loin, madame.

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Madame, ce m'est une gloire bien grande de me voir assez fortuné pour être si heureux que d'avoir le bonheur que vous ayez eu la bonté de m'accorder la grace de me faire l'honneur de m'honorer de la faveur de votre présence; et, si j'avois aussi le mérite pour mériter un mérite comme le vôtre, et que le ciel... envieux de mon bien... m'eût accordé... l'avantage de me voir digne... des...

DORANTE.

Monsieur Jourdain, en voilà assez. Madame n'aime pas les grands compliments; et elle sait que vous êtes homme d'esprit. (bas, à Dorimene.) C'est un bon bourgeois assez ridicule, comme vous voyez, dans toutes ses manieres.

DORIMENE, bas, à Dorante. Il n'est pas mal aisé de s'en appercevoir.

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