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que

On prend enfuite des mefures pour faire lever de l'infanterie nouvelle dès le deffein aura éclaté, qui jettée dans les places conquifes & mêlée avec une partie de la vieille, s'y forme & s'y met en état de fervir en campagne l'année d'après. Si le pays eft coupé de rivieres, elles entrent ou fortent de votre pays, & que l'ennemi y ait près de votre frontiere une grande & forte place, il faut s'en emparer, tant pour empêcher l'ennemi de s'en fervir comme d'un dépôt pour nous attaquer & faire des courfes dans le vôtre, que pour vous en fervir vous-même contre lui pour porter la guerre bien avant dans le fien.

Si les rivieres traverfent le pays à conquérir, & qu'elles foient grandes & navigables, il faut s'étendre jufques là fans rien laiffer derriere foi, fe faifir de fes bords; s'il y a quelque ville non fortifiée de votre côté, y faire travailler en diligence, & s'y établir fi folidement qu'on ne puiffe y être forcé. Par là on couvre le pays, & on exécute furement fes entreprises avec une ligne de communication de proche en proche proche, & fans fauter; on peut fe tenir à fon choix fur l'un ou l'autre bord, par le moyen des ponts, bateaux, pontons & ra

deaux, ce qui est avantageux, pour la fureté de l'armée, pour avoir plus de fourage, pour étendre plus au loin fes contributions & fes conquêtes; la guerre d'ailleurs s'y fait avec bien moins de dépenfe, &c.

Si le pays qu'on attaque eft coupé de montagnes, de bois & de défilés, l'armée conquerante fe munit d'un grand nombre de pionniers qu'on prend d'abord fur fes propres frontieres, & après dans le pays conquis, pour élargir les chemins & les paffages, faire des grands abbatis dans les bois; on fortifie d'efpace en efpace des poftes pour la fureté de fes convois & de fa retraite, en cas qu'on fût repouffé dans la fuite; on a attention de diriger & de conduire fes travaux vers quelque place qui foit en fituation plus ouverte, où l'on puiffe faire les dépôts qu'il convient d'y établir pour pouffer en avant fes conquêtes,&c. Si l'ennemi peut être promptement fecouru, on examine d'avance par qui, par quel nombre & par quelle efpéce de troupes il peut l'être, afin qu'après les fecours arrivés on ne ceffe de lui être fupérieur, autrement ce feroit une entreprife téméraire & imprudente.

Si l'ennemi a joint toutes fes forces

&

=

& celles de fes alliés, & s'il fe campe toujours fi favorablement qu'il ne foit pas poffible de le combattre fans defavantage, il faut alors fe pofter entre fon armée & fes places de communication mettre garnifon dans les lieux d'alentour, & le refferrer de proche en proche, en fe faififfant des hauteurs & autres poftes, battre fes partis & fes convois, brûler fes munitions & fes magafins, abattre les moulins & ruiner les campagnes autour de fes villes, le forcer dans fes logemens, dans fes quartiers, lui couper les vivres, l'affamer, & lui empêcher la retraite, l'enfermer & le contraindre de fe rendre à difcrétion & de fubir le joug, comme il arriva autrefois aux Romains aux fourches Caudines, à Craffus chez les Parthes, au Général des Suédois en Silefie, en 1633, aux Tranfylvains en Pologne, en 1657, &c.

PARAGRAPHE DEUXIÈME.

De la guerre défensive en particulier, ou de la maniere de bien exécuter le plan général de la guerre défensive.

Il n'eft pas poffible qu'un grand Prince fe propofe une conquête, fans Tome I.

que

le

L

bruit n'en ait été répandu long-tems auparavant.

La renommée qui découvre les chofes les plus cachées, & qui devance même la vérité, ne manque jamais de parler de ce qui doit arriver. Ainfi un peuple eft rarement attaqué fans avoir prévû ce qu'on a projetté contre lui, & fans que les préparatifs qu'on a fait ne l'ayent fuffifamment informé de ce qu'il peut appréhender. Car comme la foudre ne tombe jamais, ou du moins rarement, qu'elle n'ait été précédée de nuages, d'éclairs & de tonnerres, un Roi ne fe met point en armes qu'il n'ait raffemblé des matériaux pour exécuter fes réfolutions & qu'il n'ait fait précéder fes coups par des fommations & par des menaces; de forte qu'un peuple qui fent qu'on veut l'attaquer a tout le loifir de fe difpofer à la défenfe; outre qu'il eft de la fageffe & de la politique d'un Etat d'être toujours en armes pour fe garantir contre fes ennemis, ou pour les affaillir, comme nous l'avons dit ci-deffus au chapi

tre II.

Si donc vous êtes attaqué par des forces fupérieures aux vôtres, il faut, pour pouvoir conferver votre armée, vos places & votre pays fans le déferter, obser

ver l'ennemi dans fes marches, attaquer fon arriere-garde, lorfqu'il a à moitié paffé quelque riviere, montagne ou autres défilés, le côtoyer par des hauteurs & autres poftes avantageux, lui dreffer des embufcades & le furprendre, fe faifir des châteaux & paffages, lui couper les vivres, enlever fes convois, brûler fes fourages, fe retrancher toujours fi proche de lui qu'on l'empêche de rien entreprendre, de faire aucun fiége, ni rien de confidérable. Car fi un conquérant n'avance, il recule, il ne lui eft gueres poffible de fubfifter long-tems dans un pays ennemi, s'il n'y prend pied & s'il ne s'y affermit, s'étendre par des retranchemens, &c. quand on s'apperçoit que l'ennemi vous veut enfermer, changer de pofte, & ne jamais faire un long féjour dans ceux où l'on peut être enveloppé, coupé & enfermé, toujours avec la fage précaution d'avoir fes derrieres libres, fes flancs fûrs, une retraite & des provifions affurées; jetter de l'infanterie felon la quantité des places qu'on a à garder, dans celles qu'on prévoit être le plus indifpenfablement. attaquées, ou dont l'ennemi s'approcheroit, avant cependant qu'il les ait invefties, pour ranimer le peuple & la

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