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ARTICLE I V.

Des précautions pour défendre un camp ordinaire, & foutenir un combat.

OUTRE les poftes de cavalerie &

d'infanterie dont on affure le camp pour empêcher les partis ennemis d'en appro cher de trop près, on en couvre quelque partie de quelque riviere, de quelque hauteur, chaîne de rochers, au revers de laquelle, en face du.camp,on campe quel ques troupes pour en garder le fömmer; Linfanterie en ferme les avenues avec des charriots, des arbres en abbatis, des tonneaux remplis de terre ou de fumier, &c.

La cavalerie en fait de même, & s'ouvre de nouveaux paffages dans les. endroits les plus convenables. On lui donne par écrit les lieux où elle doit battre l'eftrade, envoyer des partis; c'eft Le plus sûr. Il faut, s'il fe peut, avoir à la tête de fon camp en face de l'ennemi quelque riviere, mais jamais derriere fon camp, fans une indifpenfable néceffité, par la difficulté qu'il y auroit de fe retirer, s'il arrivoit qu'on y fut attaqué, & repouffé;y poster au-delà, des gardes de cavalerie s'il y a des ponts ou des gués,

qu'on fait garder par de l'infanterie, avec de bonnes redoutes à chaque extrêmité; prévenir l'ennemi, fi on craint qu'il ne donne fur quelque quartier du camp, l'attaquer lui-même & entreprendre fur lui ( a ), lui donner l'allarme d'un côté, & tomber fur un autre, ou s'aller mettre fecrettement en bataille

avec un corps de troupes fuivi de toute Parmée, dans quelque endroit, par où

(a) Excellente maxime pour animer & aguer rir les foldats & fe garantir de furprife, confir mée par l'exemple de Didius, qui fe defiant du peu de troupes qu'il avoit contre un ennemi nombreux, qu'il fçavoit être en marche pour le venir attaquer dans fon camp; pour gagner dit temps jufqu'à l'arrivée des légions qu'il attendoit, ayant dans une harangue ordonné à fes troupes de fe tenir prêtes à combattre, il fit fecretrement dire de fe négliger fur la garde des prifonniers, dont quelques-uns ayant prompte ment faifi l'occafion qui fe préfentoit de s'échapper, furent au camp ennemi publier que Didius fe préparoit à combattre.

Ce qui les détourna du grand, vaste & noble projet qu'ils avoient judicio fement formé d'aller au devant des légions qu'ils fçavoient venir au fecours de Didius, fur le chemin qu'elles devoient néceffairement tenir, leur dreffer quel que embufcade, & les défaire avant qu'elles euffent pu joindre Didius, & d'aller enfuite après leur défaite forcer Didius même dans fon camp, Frontin, liv. 1. chap. 8.

l'on fçauroit qu'il feroit obligé de paffer pour venir attaquer, & où tombant tour à coup fur lui avec des troupes qui l'y attendroient en bon ordre, ily feroit sûrement défait & mis en fuire. Iphicrates, Général Athénien, s'étant un jour cam pé en un lieu couvert & coupé, informé que les Thraces le devoient venir furprendre & attaquer de nuit dans fon camp, où ils ne pouvoient venir que par un feul chemin le long d'une colline efcarpée & difficile ; il fit allumer plufieurs grands feux dans fon camp, y laiffa peu de troupes, avec ordre de faire comme fi toute l'armée y étoir, en fortit fort fecretrement avec fon armée, & alla s'embufquer dans l'un & dans l'autre côté du chemin par où les Thraces devoient néceffairement paffer, & où s'étant témé rairement engagés, ils y furent tous tués ou faits prifonniers.

nant,

Il faut fur tout pour peu qu'on ait à craindre d'un ennemi actif & entrepre fi bien couvrir & affurer les flancs droit & gauche de fon armée, qu'ils ne puiffent ni être débordés, ni impuné ment attaqués.

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Pour cet effet les

appuyer

fur quelque

village, bois, marais, riviere ou ruif

feau; il est d'expérience qu'une armée

prife en flanc eft sûrement battue: entrons fur ceci dans un plus grand détail, la matiere eft importante.

- Si on couvre l'une des aîles de l'armée, de quelque village, il le faut faire garder par de l'infanterie ou des dra gons, qui s'y retranchent avec tour ce qui y eft propre, jusqu'à le rendre, s'il fe peut, imprenable; voyez comment a à l'article VI ci-après.

On s'y ménage dans l'intérieur, des places d'armes affez grandes pour s'y pouvoir mettre en bataille, & faire un plus grand effort contre un ennemi qui viendroit les y forcer:

On y place quelques pièces de canon, de maniere qu'elles puiffent prendre & battre en flanc les troupes qui en appro cheroient, avec ordre de ne les titer qu'à bout touchant, pour plus grand & plus sûr effet. On a l'attention d'y laiffer les munitions néceffaires pour y pouvoir faire un grand feu de moufqueterie & du canon:

Si c'eft fur des bois que les ailes de Parmée font appuyées on y poste de l'infanterie qui s'y retranche par des élé vations de terre avec des paliffades, fion en a le temps, our par des abbatis d'ar bres, dont on laiffe en pointe les princi

pales branches du côté de l'ennemi, ou f'on étend ces arbres tout de leur long, & près à près, avec toutes leurs branches entrelaffées les unes dans les autres en

forme de parapet, & tournées du côté

de l'ennemi.

Une riviere non guéable feroit préférable à tout, & fert encore à procurer dans un camp l'abondance des chofes néceffaires, utiles & commodes. Si on y fait un pont, il faut le fortifier aux deux bouts de bonnes redoutes par conftruire de maniere qu'il ne puiffe être ni brûlé par l'ennemi, ni ruiné par des machines, &c.

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& le

On peut pour le même effet l'appuyer d'un marais ou d'une ravine, pourvû toutefois qu'on l'ait bien reconnu, & rendu par fon travail impraticable.

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S'il le trouve fur le front du camp des villages, bois, &c. à portée d'être foutenus, & qui ne puiffent être coupés ni tournés, on les fait occuper par de l'in fanterie, avec les précautions ci-deffus détaillées, de même que les haies & les bois qui pourroient dérober les mouvemens des ennemis. On fait brûler tous les autres villages, moulins, cenfes maifons, &c. qu'on ne peut pas garder, mais qui pourroient cependant favorifer F'ennemi.

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