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doit faire lorsqu'il en craint les conséquences, c'est d'éviter de semblables alliances.

Pour repousser des forces qui se coalisent contre lui un belligérant n'est pas tenu d'attendre qu'elles soient réunies; au contraire l'intérêt de sa propre défense lui prescrit d'en prévenir la réunion ou de se débarrasser de la coalition, avant qu'elle devienne redoutable, par tous les moyens dont il dispose. Permettre aux alliés de conserver leur neutralité pour ne les traiter en ennemis qu'après qu'ils se seront prononcés ouvertement, ce serait méconnaître les droits de la partie menacée. Celle-ci doit naturellement chercher à rompre une alliance qui est un danger pour elle; elle peut donc avant de les attaquer poser aux alliés l'alternative de renoncer à la coalition ou d'avoir à subir les conséquences de la déclaration de guerre. C'est ainsi qu'agit la Russie en 1813 à l'égard de la Prusse, qui venait de faire alliance avec l'empereur Napoléon.

Or la réponse à une pareille injonction peut n'être pas nette et précise, mais équivoque ou évasive. Il peut se faire aussi qu'un retard augmente le péril pour le belligérant contre lequel se forme la coalition. Heffter trouve dans de semblables circonstances une raison suffisante pour justifier ce dernier de prendre les devants afin de déjouer le complot; et à l'appui il cite le précédent historique du roi de Prusse, Frédéric le Grand, qui en 1756 envahit la Saxe Électorale pour sauver ses propres États des desseins des puissances, qui s'en étaient d'avance fait entre elles le partage*. $ 1765. Les traités de secours et de subsides ont une grande analogie avec les alliances offensives et défensives. Quoique impliquant un lien moins étroit, une protection moins étendue, un engagement mieux défini, ils n'en sont pas moins régis par les mêmes principes et entraînent le même degré de responsabilité morale**.

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Casus belli découlant des

$1766. Tout en nous exprimant ainsi, nous ne croyons pourtant pas d'une manière absolue que les traités de secours et de traités de sub

Vattel, Le droit, liv. 3, ch. 6; § 102; Grotius, Le droit, liv. 3, ch. 3, §9; Bynkershoek, Quæst., lib. 1, cap. 9; Wheaton, Élém., pte. 3, ch. 2, § 15; Meffter, §§ 117, 120; Halleck, ch. 17, § 21; Phillimore, Com., v. III, § 60; Hautefeuille, Des droits, t. I, p. 217; Martens, Précis, §304; Fiore, t. II, p. 262; Pradier-Fodéré, Vattel, t. II, p. 443; Pradier-Fodéré, Grotius, t. III, p. 183.

* Vattel, Le droit, liv. 3, ch. 6, § 92; Wheaton, Élém., pte. 3, ch. 2, §§ 14, 15; Halleck, ch. 17, § 12; Bello, pte. 2, cap. 9, § 1; Klüber, Droit, § 272; Martens, Précis, $$ 302, 303.

sides.

Casus fœderis dans les

rantie.

subsides puissent ou plutôt doivent forcément transformer en cobelligérant l'État qui les a conclus avant la rupture de la paix. Il y a ici, comme en toute chose, une question de mesure et de circonstances qu'il est impossible de trancher à l'aide de règles générales *.

S 1767. Les alliances défensives s'étendent assez souvent justraités de ga- qu'à la garantie des possessions territoriales de l'un des contractants. Il est clair que dans ce cas le casus fœderis surgit seulement lorsque ces possessions sont tombées au pouvoir de l'ennemi ou exposées à un péril imminent.

1642-1661. Alliance en

tre terre

et

le

La plupart des auteurs exigent sur ce point, comme sur les précédents, que la justice de la contestation soit évidente. Il en est d'autres cependant qui défendent la doctrine contraire et soutiennent que la garantie est due sans condition en toute circons

tance.

A moins de supposer que le contrat de garantie ait été souscrit à la légère et n'ait pas été inspiré par des considérations d'ordre majeur et permanent, telles que des raisons d'équilibre ou d'intérêt matériel réciproque, il nous semble difficile d'admettre, surtout de nos jours où tant de liens intimes unissent les nations les unes aux autres, que le garant ait la faculté illimitée de peser seul à son propre point de vue la force obligatoire de ses engagements **.

$ 1768. L'histoire fournit de nombreux exemples de traités de l'Angle- garantie territoriale. Sans parler des clauses spéciales ajoutées à Portugal; ce sujet aux traités de Westphalie de 1648 (1) et successivement confirmées par la paix d'Utrecht de 1715 (2) et par celle d'Aixla-Chapelle de 1748 (3), on peut citer les diverses conventions.

Wheaton, Élém., pte. 3, ch. 2, § 14; Vattel, Le droit, liv. 3, ch. 6, §§ 79-82;
Martens, Précis, §§ 301-303; Bello, pte. 2, cap. 9, § 1; Riquelme, lib. 1, tit. 1, cap. 12;
Heffter, §§ 115-117; Garden, Traité, t. II, pp. 327-330; Ward, Hist., vol. II,
Hüber, Droit, § 271.

p. 295;

Vattel, Le droit, liv. 3, ch. 6, § 91; Wheaton, Élém., liv. 3, ch. 2, § 15; Bynkershoek, Quæst., lib. 1, cap. 9; Halleck, ch. 17, § 17; Bello, pte. 2, cap. 9, §1; Heffter, §§ 115-117; Martens, Précis, §§ 299, 300; Felice, Droit de la nat., t. II, lect. 28; Garden, Traité, t. II, pp. 313 et seq.; Pradier-Foderé, Vattel, t. II, p. 432-433. (1) Dumont, t. VI, pte. 1, p. 450; Léonard, Savoie, t. I, p. 552.

(2) De Clercq, t. I, p. 1; Dumont, t. VIII, pte. 1, pp. 339, 353, 356, 362, 366, 377, 393, 401, 409; State papers, v. XXXV, p. 815; Savoie, t. II, pp. 281, 325; Castro, t. II, p. 243; Calvo, t. II, pp. 109, 115; Cantillo, pp. 75, 87, 127; Herstlet, v. II, p. 204. (3) De Clercq, t. I, p. 65; Wenck, t. II, pp. 337, 376, 382, 390, 398, 404; State papers, v. IV, p. 82; Savoie, t. III, pp. 51, 73; Cantillo, p. 390.

qui de 1642, lors de l'avènement de la maison de Bragance au trône de Portugal, à 1661 (1), sous le règne du roi d'Angleterre Charles II, ont successivement lié les cabinets de Londres et de Lisbonne. La dernière de ces conventions stipule en termes précis l'assistance que la Grande-Bretagne s'oblige à prêter au Portugal, et contient en outre l'engagement de défendre l'intégrité territoriale de ce royaume toutes les fois qu'il serait attaqué, non seulement sur le continent européen, mais encore dans ses colonies d'outre-mer ou dans ses conquêtes ultérieures*.

pour

Entre l'Angleterre, les le Portugal.

1810-1815. Nouveau

traité

de garantie.

$ 1769. Vers le milieu du XVIIe siècle l'Angleterre conclut une autre alliance défensive et perpétuelle avec les États-Généraux des Pays-Bas et Pays-Bas d'une part, et le Portugal de l'autre. Cette alliance fut confirmée, comme on le sait, par les traités de paix conclus à Utrecht par le Portugal avec la France en 1713 et avec l'Espagne en 1715 (2)**. $ 1770. En 1810 (5), comme suite du traité de 1807 (4), par lequel l'Angleterre avait déclaré ne reconnaître que Jean VI souverain légitime du Portugal, ce pays conclut à Rio de Janeiro avec la Grande-Bretagne un nouveau traité d'alliance, qui fut remplacé en 1815 (5) par une convention identique signée à Vienne et stipulant la défense et la garantie réciproques de leurs droits contre tout acte d'hostilité extérieure. C'est pour se conformer à l'esprit et à la lettre de ce dernier traité que l'Angleterre en 1826 intervint à main armée pour préserver le Portugal des attaques de l'Espagne ***.

§ 1771. Bien que de prime abord elle rentrât pleinement dans le casus fœderis, cette intervention dans les affaires de la péninsule ibérique n'en souleva pas moins en Angleterre, au sein du Parlement et dans la presse, des débats extrêmement vifs sur la portée réelle des obligations conventionnelles qui liaient le Royaume Uni et le Portugal.

(1) Herstlet, v. II, p. 821; Castro, t. I, pp. 168,[227, 234; State papers, 1812-1814, p. 492.

'Wheaton, Élém., pte. 3, ch. 2, § 15; Halleck, ch. 17, § 17; Pradier-Fodéré, Vattel, t. II, pp. 432, 433.

(2) Calvo, t. II, p. 164; Cantillo, p. 164; Castro, t. II, p. 262; Dumont, t. VIII, pte. 1, pp. 444.

"Wheaton, Élém., pte. 3, ch. 2, § 15.

(3) Calvo, t. V, p. 207; Castro, t. IV, p. 396; Martens, Nouv. recueil, t. I, p. 245. (4) Calvo, t. V, p. 118; Castro, t. IV, p. 236.

(5) Calvo, t. V, p. 328; Herstlet, v. II, p. 72; Castro, t. V, p. 18; Martens, Nouv. recueil, t. II, p. 96; Martens, Nouv. suppl., t. II, p. 255; Angeberg, Congrès, p. 670. Wheaton, Elem., pte. 3, ch. 2, § 15; Halleck, ch. 17, § 17.

Débats soulevés à ce

sujet en Angleterre.

1678, 1709, 1713.

liance entre

La Revue d'Edimbourg consacra à cette question un article trèsremarquable, qui tendait à justifier la conduite du gouvernement. L'auteur démontrait avec une grande force que les circonstances particulières du conflit survenu entre l'Espagne et le Portugal avaient évidemment fait surgir le casus fœderis prévu par les traités en vigueur, quoique, disait-il, les alliances défensives n'imposent point l'obligation ni ne donnent le droit d'intervenir dans les dissensions intestines d'un autre État. Il posait en même temps comme principe absolu qu'en matière de traités de garantie la seule règle à suivre consiste à admettre que tout préjudice créant une cause légitime de guerre pour un allié donne à celui-ci le droit d'être secouru par l'autre partie, et qu'il en est de même lorsque l'un des alliés se trouve dans la nécessité de recourir à la force pour repousser une agression non justifiée. « Si, ajoutait-il comme exemple, la France en 1715, réunissant ses escadres et ses troupes, avait publié et fait circuler des écrits contre le gouvernement légitime de Georges Ier; si elle avait accueilli à bras ouverts les bataillons qui auraient déserté l'armée royale, ou fourni des hommes et des armes au comte de Mar quand il proclamait le Prétendant, la Grande-Bretagne eût bien certainement été en droit d'exiger une réparation, et, en cas de refus, de déclarer la guerre à la France, en exigeant des États-Généraux les secours qu'ils devaient lui fournir aux termes des traités en vigueur.

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En analysant ici cet article de la Revue d'Édimbourg nous avons surtout voulu faire ressortir la doctrine fort juste qui lui sert de base, savoir que le casus fœderis découle des traités de garantie non seulement lorsque le territoire de l'allié est déjà matériellement envahi, mais encore lorsqu'il y a des données suffisantes pour faire croire qu'il est indirectement et secrètement menacé d'invasion ou à la veille d'être attaqué*.

$1772. Pendant ses longues luttes contre la France l'Angleterre Traités d'al- n'a pas cherché ses alliés seulement au midi et à l'embouchure l'Angleterre du Tage; elle s'en est également créé dans le nord, au centre de Bas. l'Europe, et surtout dans les Pays-Bas. Son premier traité d'alliance défensive avec les Provinces-Unies remonte à 1678 (1): il avait

et les Pays

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pour objet la garantie réciproque des territoires appartenant aux deux parties contractantes et de ceux qu'elles pourraient ultérieu

Wheaton, Elem., pte. 3, ch. 2, § 15.

(1) Dumont, t. VII, pte. 1, p. 348; Léonard, t. VI.

rement acquérir en Europe. Une des clauses portait que celle des deux nations qui serait attaquée ou menacée par un État tiers serait en droit d'exiger que son allié lui fournit sans retard un contingent déterminé de troupes et de vaisseaux, qu'il rompît avec l'ennemi deux mois après l'ouverture des hostilités, et qu'à partir de ce moment toutes ses forces de terre et de mer agissent de concert avec celles du belligérant.

1717. La France l'alliance.

Nous retrouvons l'application de principes absolument identiques dans la seconde alliance, cimentée par les traités de limites et de prit part à suceession de 1709 (1) et de 1713 (2), et complétée par l'accord de 1717 (5), auquel la France s'associa comme partie co-contractante. Les stipulations de ces trois traités furent refondues en 1718 (4) dans le traité de la quadruple alliance, et finalement sanctionnées par la paix d'Aix-la-Chapelle en 1748 (5).

§ 1773. La mise à exécution de ces divers engagements souleva des débats assez violents, notamment, lors de l'expédition française contre Minorque, alors au pouvoir des Anglais. Le cabinet de Londres s'étant plaint de n'avoir pas reçu le concours et l'appui matériel sur lesquels il se croyait en droit de compter, les ÉtatsGénéraux des Pays-Bas essayèrent de justifier leur conduite en alléguant que comme l'initiative des hostilités avait été prise par l'Angleterre, le casus fœderis n'existait pas et ne pouvait du reste avoir surgi dans l'espèce, puisque l'attaque de la France contre Minorque n'était en réalité que la conséquence des agressions que la Grande-Bretagne avait la première commises en Amérique.

A cette argumentation le gouvernement anglais opposa en premier lieu que le traité de 1678 (6), base de tous ceux qui avaient depuis lié les deux pays, se bornait à garantir les droits et les possessions territoriales des contractants contre tous rois, princes, républiques et États étrangers quelconques, de sorte que l'un des alliés étant attaqué à n'importe quel titre, l'autre était tenu de le secourir.

« Cette latitude laissée au texte des traités, disait Lord Liverpool,

(1) Dumont, t. VIII, pte. 1, p. 243.

(2) Dumont, t. VIII, pte. 1, p. 322.

(3) Dumont, t. VIII, pte. 1, p. 484.

(4) Dumont, t. VIII, pte. 1, p. 531; Savoie, t. II, p. 352.

(5) De Clercq, t. I, p. 65; Wenck, t. II, p. 337; Savoie, t. III, p. 51; State papers, v. IV, p. 82.

(6) Dumont, t. VII, pte. 1, p. 398; Léonard, t. VI.

Discussions l'exécution de

relatives à

ces traités.

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