Images de page
PDF
ePub

qui a posé la question, essaie de la résoudre en disant que l'allié non belligérant est tout d'abord tenu de prêter ses bons offices pour régler à l'amiable le différend survenu, et que s'il échoue dans cette tentative, il est libre d'assister celui des contendants dont la cause lui paraîtra la plus juste. Cette solution nous semble beaucoup trop absolue; car elle ne tient aucun compte de la teneur des engagements qui lient les parties entre elles et qui, tantôt à l'égard des unes, tantôt à l'égard des autres, peuvent avoir prévu des cas exceptionnels et consacré une situation de neutralité plus ou moins complète.

Pour déterminer les devoirs de l'allié dans de semblables circonstances il nous semble plus logique de remonter à l'origine même, et, si le traité duquel naît le casus fœderis ne précise pas distinctement la nature des obligations imposées à chacune des parties signataires, de se guider d'après la règle commune applicable à tous les contrats, savoir que les avantages et les préjudices doivent être proportionnés aux moyens mis respectueusement en jeu pour atteindre le but commun de la guerre*.

Règles générales

sur

tions d'allian

§ 1779. La forme des traités d'alliance varie autant que les objets qu'ils peuvent avoir en vue et les causes qui en amènent la les convenconclusion. Les stipulations qu'on y rencontre le plus habituelle- ce. ment peuvent cependant se résumer ainsi :

Les hostilités ne pourront commencer que de concert et à l'époque convenue;

Les contingents de subsides, de troupes et de matériel devront être fournis en temps voulu et maintenus au complet;

Les armées alliés se prêteront mutuellement aide et assistance pour préserver les territoires respectifs et combattre l'ennemi

commun;

Les prisonniers, le butin et les trophées seront partagés proportionnellement aux troupes engagées;

Chaque partie s'interdit de conclure la paix séparément, et s'oblige à faire en sorte qu'à la fin de la guerre les intérêts des alliés soient tous équitablement sauvegardés en raison des sacrifices faits et des dommages supportés par chacun d'eux.

Une clause spéciale précise d'ordinaire la durée de l'alliance et spécifie parfois ses conditions de rupture ou de dénonciation.

Vattel, Le droit, liv. 3, ch. 6, § 93; Bynkershoek, Quæst., lib. 1, cap. 9; Felice, Droit de la nat., t. II, lect. 28; Halleck, ch. 17, § 18; Bello, pte. 2, cap. 9, § 1.

Traités d'alliance et de

Lorsque le terme n'en est pas autrement indiqué, l'alliance devient permanente ou cesse de plein droit avec la guerre qui l'a provoquée. On cite peu d'exemples de traité par lequel l'un des alliés se soit réservé la faculté éventuelle de demeurer neutre en cas de conflit avec telle ou telle nation.

$1780. Nous trouvons une stipulation de ce genre dans le traité d'algarantie de la liance et de garantie territoriale conclu entre la France et l'Espagne le 19 août 1796 (1), dont les clauses principales sont ainsi conçues :

France avec

l'Espagne, 1796;

Avec la Sardaigne, 1797;

« ART. 2. Les deux parties contractantes seront mutuellement garanties, sans aucune réserve ni exception, et de la manière la plus authentique et la plus absolue, de tous les États, territoires, îles et places qu'elles possèdent et possèderont respectivement; et si l'une des deux se trouve par la suite, sous quelque prétexte que ce soit, menacée ou attaquée, l'autre s'engage, promet et s'oblige à l'aider de ses bons offices et à la secourir sur sa réquisition, ainsi qu'il sera stipulé dans les articles suivants.

<< ART. 8. La demande que fera l'une des parties des secours stipulés par les articles précédents suffira pour prouver le besoin qu'elle en a, sans qu'il soit nécessaire d'entrer dans aucune discussion relative à la question si la guerre qu'elle se propose est offensive ou défensive, ou sans qu'on puisse demander aucune explication quelconque qui tendrait à éluder le plus prompt et le plus exact accomplissement de ce qui est stipulé.

« ART. 14. Dans le cas où l'une des puissances n'agirait que comme auxiliaire, la puissance qui se trouvera seule attaquée pourra traiter de la paix séparément, mais de manière à ce qu'il n'en résulte aucun préjudice contre la puissance auxiliaire.

« ART. 18. L'Angleterre étant la seule puissance contre laquelle l'Espagne ait des griefs directs, la présente alliance n'aura son exécution que contre elle pendant la guerre, et l'Espagne restera neutre à l'égard des autres puissances armées contre la République Française. » Le traité d'alliance que la France signa l'année suivante (5 avril 1797) (2) avec la Sardaigne est à peu de choses près identique au précédent; il dit:

ART. 1. Il y aura une alliance offensive et défensive jusqu'à la paix continentale; à cette époque l'alliance deviendra purement dé

(1) De Clercq, t. I, p. 287; Cantillo, p. 673; Bulletin des lois, an v, no91; Martens, 1re édit., t. VI, p. 656; 2e édit., t. VI, p. 255.

(2) De Clercq, t. I, p. 317; Savoie, t. I, p. 560; Bulletin des lois, an vi, no 172; Martens, 1re édit., t. VI, p. 620; 2e édit., t. VI, p. 220.

fensive et sera établie sur des bases conformes aux intérêts réciproques des deux puissances.

« ART. 2. La présente alliance ayant pour principal objet de hâter la conclusion de la paix et d'assurer la tranquillité future de l'Italie, elle n'aura son exécution pendant la guerre actuelle que contre l'Empereur d'Allemagne. S. M. le roi de Sardaigne restera neutre à l'égard de l'Angleterre et des autres puissances encore en guerre avec la République Française. »

Enfin, dans le traité du 19 août 1798 (1) entre la France et la Suisse il est stipulé :

Avec la Suisse, 1798.

« ART. 2. Il y a dès ce moment entre les deux Républiques alliance offensive et défensive. L'effet général de cette alliance est que chacune des deux Républiques peut en cas de guerre reconquérir la coopération de l'autre. La puissance requérante spécifie alors contre qui la coopération est réclamée, et par l'effet de cette réquisition spéciale la puissance requise entre en guerre contre la puissance ou les puissances désignées; mais elle reste en état de neutralité vis-à-vis de celles qui seraient en guerre avec la puissance requérante et qui n'auraient point été spécialement désignées par elle *. » 1781. Les membres d'une confédération ne sont pas toujours tenus de participer à la guerre dans laquelle l'un d'eux vient d'être des confédéengagé. Les obligations qui lient les confédérés entre eux peuvent n'avoir qu'une valeur relative et n'être pas incompatibles avec l'observation de la neutralité. C'est ainsi qu'on a vu en 1859 les États de l'Allemagne, quoiqu'ils fussent les confédérés de l'Autriche, demeurer neutres dans la guerre que cette puissance soutint contre la France et l'Italie, et plus tard conserver également la neutralité dans la guerre entreprise par la Prusse et l'Autriche contre le Danemark, soi-disant dans l'intérêt même de la Confédération.

Si un État confédéré ou allié s'abstient de prêter à l'un des belligérants l'aide à laquelle il s'est obligé et notifie sa résolution à l'autre belligérant, il a droit à ce que celui-ci respecte sa neutralité. La question de savoir si cet État a failli à son devoir d'allié ou de confédéré doit se régler entre lui et son allié; mais elle ne regarde pas l'adversaire **.

(1) De Clercq, t. I, p 363; Bulletin des lois, an VIII, no 230; Martens, 1e édition, t. VII, p. 279; 2o édit., t. VI, p. 466.

* Heffter, § 116; Martens, Précis, § 300. **Bluntschli, $$ 750, 751.

Neutralité des alliés ou

rés.

LIVRE IV

DES ENNEMIS, ET DES MOYENS LICITES ET ILLICITES D'ATTAQUE
ET DE DÉFENSE

néraux de la

SECTION I. CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR LES ENNEMIS.

Devoirs gé- $ 1782. Les droits qu'un belligérant possède contre son ennemi, guerre, les actes d'hostilité et d'agression auxquels l'emploi de la force lui permet de recourir dérivent naturellement du but qu'il poursuit en faisant la guerre. De là Bynkershoek et Wolff infèrent que tant que le but n'est pas atteint, les belligérants ont la faculté illimitée d'user de tous les moyens pour nuire à leur ennemi et l'amener à composition. Cette thèse absolue, qui conduit à justifier les iniquités les plus révoltantes, est en opposition directe avec l'opinion plus humaine, plus libérale, proclamée dès la fin du XVIe siècle par Grotius, et à laquelle se sont ralliés depuis lors Vattel et presque tous les publicistes modernes.

En cette matière la théorie toutefois est loin d'être d'accord avec la pratique. Par suite de l'imperfection des choses humaines, on fait trop souvent encore ce que la saine morale réprouve, ce que les nécessités de la défense personnelle ne justifient même pas; en d'autres termes l'abus de la force domine le droit naturel, qu'elle confond avec le fait brutal. Il nous faut donc examiner séparément les diverses situations dans lesquelles l'état de guerre peut placer la personne de l'ennemi par rapport au belligérant *.

[ocr errors]

Vattel, Le droit, liv. 3, ch. 8, §§ 136 et seq.; Bynkershoek, Quæst., lib. 1, cap. 1; Wolff, Jus gent., § 878; Grotius, Le droit, liv.3, ch. 4; Wheaton, Élém., pte. 4, ch. 2, § 1; Phillimore, Com., v. III. pt. 9, ch. 4; Kent, Com., v. I, p. 63; Twiss, War,

$ 1783. Les ennemis se divisent en forcés, en volontaires et en passifs ou innocents. Les premiers sont ceux qui appartiennent aux troupes régulières de terre et de mer, et que les prescriptions impératives de la loi nationale obligent à prendre les armes pour défendre le territoire ou l'honneur et les intérêts de la patrie; ils sont complètement soumis aux lois de la guerre.

Par ennemis volontaires il faut entendre ceux qui, n'étant pas légalement astreints au service militaire, s'enrôlent de leur plein gré dans des corps irréguliers, ou agissent isolément les armes à la main en dehors de la direction du gouvernement pour seconder l'objet général de la guerre. L'adoucissement des mœurs, les progrès de la civilisation ont eu pour conséquence d'assurer aux ennemis volontaires qui sont faits prisonniers les mêmes droits qu'aux ennemis forcés, c'est-à-dire aux troupes régulières.

Enfin, sous la dénomination de passifs ou innocents, on désigne tous les ennemis qui n'appartiennent pas aux deux autres classes et qui, sans se désintéresser de l'issue de la lutte dans laquelle leur patrie est engagée, n'y prennent cependant aucune part active et armée. Indépendamment des employés civils, des commerçants, des hommes de lettres, etc., on range dans cette catégorie les aumôniers et les médecins militaires, ainsi que les personnes qui accompagnent les armées en qualité d'auxiliaires passifs sans prendre aucune part aux combats, tels que domestiques, cantiniers et agents administratifs. Il va de soi que pour conserver ce caractère ces personnes doivent s'abstenir avec soin de tout acte agressif quelconque.

Tel est l'usage en vigueur dans les temps modernes, ainsi qu'on l'a vu notamment lors des guerres de Crimée et d'Italie en 1854 et en 1859. Toutefois, comme il n'existe à cet égard aucune règle conventionnelle, les principales nations du continent européen ont profité de l'arrangement conclu entre elles en 1864 au sujet des militaires blessés sur les champs de bataille, pour sanctionner à titre général le principe qui exempte de toute détention et couvre

ch. 3; Wildman, v. II, ch. 1; Martens, Précis, §§ 272, 273; Cauchy, t. I, pp. 49 et seq., 287 et seq.; t. II, pp. 18 et seq., 289 et seq.; Massé, Le droit com., t. I, § 121; Heffter, § 122; Bluntschli, liv. 8, ch. 5; Bello, pte. 2, cap. 3, § 1; Riquelme, lib. 1, tit. 1, cap. 10; Garden, Traité, t. II, pp. 268 et seq.; Burlamaqui, Droit de la nat., t. V, pte. 4, ch. 6; Eschbach, Int., p. 118; Vergé, Précis de Martens, t. II, pp. 233237; Pinheiro Ferreira, Précis de Martens, note sur le § 272; Pradier-Fodéré, Vattel, t. III, pp. 3-6.

Division des ennemis.

« PrécédentContinuer »