Images de page
PDF
ePub

Situation

que la guerre

établit réci

proquement

entre les su

jets des États belligérants.

d'une protection spéciale les personnes exclusivement employées à un service hospitalier.

$ 1784. Pour comprendre la véritable et légitime signification d'une guerre il faut avant tout déterminer le caractère qu'elle imprime aux peuples belligérants.

La première idée qui s'offre à l'esprit quand on étudie cette question, c'est que l'inimitié engendrée par les hostilités n'envahit jamais le terrain personnel, quoiqu'elle pèse de tout son poids sur les populations dans les États qui se sont déclaré la guerre. La guerre a lieu entre les États et non entre les particuliers. Les citoyens des États belligérants ne sont ennemis ni entre eux ni à l'égard de l'État ennemi; néanmoins ils sont indirectement considérés et traités comme ennemis dans la mesure de leurs devoirs publics comme citoyens de l'État et pour la part qu'ils prennent personnellement à la lutte que soutient l'État auquel ils appartiennent. Pour tout ce qui concerne les droits privés on continue d'observer les règles admises en temps de paix; mais dès que le droit public est en cause, les lois de la guerre entrent en vigueur.

D'un autre côté, la guerre ayant un caractère (essentiellement transitoire, les relations d'amitié et de bonne harmonie doivent reprendre leur empire dès que disparaît la cause qui les a troublées.

Enfin les peuples ne peuvent s'isoler du mouvement général de la civilisation. Dans les temps anciens le droit de la guerre se résumait dans cette doctrine: que, la guerre étant l'exercice du droit du plus fort, les violences de toute sorte étaient permises tant que duraient les hostilités, et l'on devait se servir de la force le plus largement qu'on pouvait pour faire le plus de mal possible à l'ennemi. Le vainqueur était maitre de la personne du vaincu ; il pouvait le tuer, à plus forte raison le réduire en esclavage et s'emparer de ses biens. Les Grecs et les Romains ne pratiquèrent pas autrement le droit de la guerre. L'influence du christianisme a adouci cette doctrine barbare: on n'a plus tué le vaincu, on ne l'a plus réduit à l'esclavage; mais on a incendié les villes, on s'est

Vattel, Le droit, liv. 3, ch. 8, §§ 145-147; Wheaton, Élém., pte. 4, ch. 2, § 4; Manning, pp. 151, 152; Martens, Précis, §§ 277, 278; Bluntschli, §§ 573, 595; Heffter, § 126; Burlamaqui, Droit de la nat., t. V, pte. 4, ch. 6; Rutherforth, Inst., b. 2, ch. 9, § 15; Twiss, War, § 46; Phillimore, Com., v. III, § 95; Wildman, v..II, p. 26 ; Halleck, ch. 18, § 3; Bello, pte. 2, cap. 3, § 4; Riquelme, lib. 1, tit. 1, cap. 10; Garden, Traité, t. II, pp. 269-271; Klüber, Droit, § 247, note c; Polson, sect. 6, § 9; Vergé, Précis de Martens, t. II, pp. 245-247; Pradier-Fodéré, Vattel, t. III, pp. 3-5.

emparé des propriétés privées sous le prétexte de procurer des avantages aux vainqueurs et de stimuler la valeur des combattants par l'appât du butin. Cependant sur ce point aussi d'importantes modifications sont survenues dans les temps plus rapprochés de

nous.

Le droit international moderne repousse absolument le droit de disposer arbitrairement du sort des simples particuliers, contre lesquels il n'autorise ni violences ni mauvais traitements. La sûreté personnelle, l'honneur, la liberté des individus sont des droits privés, auxquels l'état de guerre ne permet point de porter atteinte. L'ennemi est tenu de se restreindre aux mesures nécessitées par les opérations militaires ou par la politique de l'État.

Chaque jour crée entre les nations des rapports plus intimes, et il en résulte nécessairement que le caractère de l'inimitié entre belligérants varie à l'infini et se modifie sans cesse. C'est done vainement qu'en cette matière on se flatterait de poser des principes généraux. Il suffit de reconnaitre que chaque époque de T'histoire qui s'écoule, chaque progrès qui se réalise cimente de nouveaux liens, de nouveaux points de contact libres et indépendants entre les nations.

$ 1785. Sous ce rapport nous voyons que Vattel va beaucoup trop loin et énonce une doctrine dangereuse lorsqu'il dit : « Quand le conducteur de l'État, le souverain déclare la guerre à un autre souverain, on entend que la nation entière déclare la guerre à une autre nation; car le souverain représente la nation et agit au nom de la société entière; et les nations n'ont affaire les unes aux autres qu'en corps, dans leur qualité de nations. Ces deux nations sont donc ennemies, et tous les sujets de l'une sont ennemis de tous. les sujets de l'autre......

«Les ennemis demeurent tels en quelque lieu qu'ils se trouvent. Le lieu du séjour ne fait rien ici; les liens politiques établissent la qualité...

«

Puisque les femmes et les enfants sont sujets de l'État et membres de la nation, ils doivent être comptés au nombre des ennemis; mais cela ne veut pas dire qu'il soit permis de les traiter comme les hommes qui portent les armes ou qui sont capables de les porter... »

Par contre, il nous semble que c'est tomber dans l'extrême opposé que de soutenir, comme le fait Pinheiro Ferreira, que la guerre n'a jamais lieu entre nations, mais seulement de gouver

Opinions de

publicistes. Vattel.

Pinheiro Ferreira.

Étendue des droits de la

gard de la

nement à gouvernement, et que l'on ne doit considérer comme parties belligérantes qu'un certain nombre d'individus associés aux projets de ceux qui ont engagé la lutte. C'est là en effet une distinction essentiellement illogique. En principe il y a solidarité absolue entre le gouvernement et la nation, et de nos jours le droit public confond d'une manière indivisible l'État avec ceux dont il est l'organe et le représentant par une délégation plus ou moins directe. En résumé nous dirons qu'à nos yeux les actes gouvernementaux réfléchissent nécessairement sur la nation tout entière, et qu'il serait aussi contraire à l'histoire qu'à la raison d'admettre que les guerres pussent ne pas traduire l'esprit national, c'est-à-dire l'esprit du peuple qui les fait*.

$ 1786. En énonçant sa doctrine Vattel n'a pu s'empêcher guerre à l'é- d'aborder certaines questions de détail quant aux droits que la personne de guerre confère sur la personne de l'ennemi. L'initiative qu'il a prise à cet égard ne saurait de nos jours avoir une grande portée pratique, les guerres modernes ayant assumé un caractère tout autre que celui qu'elles avaient dans les temps anciens et ayant par une conséquence forcée donné beaucoup plus d'extension aux droits de ceux qui y prennent part. Ainsi, par exemple, on permet aux belligérants de continuer entre eux quelques-uns des rapports qui les unissaient avant la rupture de la paix, notamment les rapports de commerce **.

Principes suivis en

$ 1787. Lors de la guerre d'Orient en 1854 l'intercourse sous France et en pavillon neutre fut autorisée avec tous les ports russes non blo

Angleterre.

qués.

Pendant le cours de l'expédition de Chine, la France et la GrandeBretagne déclarèrent que les sujets des deux nations pourraient continuer librement de trafiquer dans l'intérieur du Céleste Empire, et que les Chinois, de leur côté, ne cesseraient pas pour

* Vattel, Le droit, liv. 3, ch. 5, §§ 69-72; Gentilis, De jure belli, com. 1; Massé, Le droit com., t. I, § 121; Fiore, t. II, pp. 268 et seq.; Rutherforth, Inst., b. 2, ch. 9, §15; Pinheiro Ferreira, Vattel, liv. 3, ch. 1, § 1; Pradier-Fodéré, Vattel, t. II, pp. 418420; Ott, Droit par Klüber, pp. 323-324; Bluntschli, §§ 530-532; Torres Caicedo, Mis ideas, t. I, p. 157.

[ocr errors]

Wheaton, Élém., pte. 4, ch. 2, § 2: Cauchy, t. I, p. 285; Vattel, Le droit, liv. 3, ch. 8, § 138; Massé, Le droit com., t. I, p. 138; Bynkershoek, Quæst., lib. I, caps. 2, 7; Rutherforth, Inst., b. 2, ch. 9, § 15; Bluntschli, §568; Twiss, War, § 63; Burlamaqui, Droit de la nat., t. V, pte. 4, ch. 6; Felice, t. II, lect. 25; Bello, pte. 2, cap. 2, §2; Riquelme, lib. 1, tit. 1, cap. 12; Fiore, t. II, pp. 284 et seq.; Rayneval, Inst., liv. 3, ch. 5, § 4; Vergé, Précis de Martens, t. II, pp. 227, 228; Pradier-Fodéré, Vattel, t. II, pp. 418 et seq.

leurs relations avec les nations chrétiennes d'être traités sur le même pied de complète égalité, le privilége de la neutralité devant couvrir toutes les propriétés qui pourraient être capturées à bord des navires de l'une ou l'autre des nations belligérantes *.

Respect dû à la vie de

$ 1788. En partant du principe indiscutable que l'emploi de la force cesse d'être licite dès qu'il n'y a pas nécessité absolue, in- l'ennemi. dispensable, d'y recourir, on est logiquement conduit à reconnaître qu'aucun État n'a le droit de priver de la vie des sujets ennemis qui n'opposent pas de résistance ou ne se défendent pas les armes à la main".

Bonne foi envers les en

$ 1789. Grotius a surabondamment prouvé par des exemples que la plus entière bonne foi doit présider aux rapports entre belli- nemis. gérants. Bynkershock lui-même, qui soutient que tous les moyens sont permis lorsqu'il s'agit d'un ennemi, condamne et réprouve la perfidie; il fait d'ailleurs ressortir avec juste raison que la force de l'habitude et les progrès de la civilisation ont établi entre les nations modernes certains rapports de guerre (commercium belli) qui ont heureusement adouci la violence des hostilités et fourni des facilités pour une prompte conclusion de la paix ***.

§ 1790. Malgré la tendance de plus en plus prononcée des peu-lesples modernes à interpréter dans le sens le plus libéral et le plus sion de fait. humain, en faveur de la personne de l'ennemi, l'ensemble des lois de la guerre, il faut reconnaître que les gouvernements comme les chefs militaires sont strictement en droit d'adapter leur conduite aux règles de réciprocité, qui admettent les représailles et la rétorsion de fait pour imposer le respect des principes du droit naturel au belligérant qui y a manqué.

:

Cependant le système des représailles n'est pas aussi absolu qu'on pourrait le croire il se limite par sa nature même, ainsi qu'il a bien fallu le reconnaître pendant la guerre de 1807 entre l'Angleterre et le Danemark, et les conflits gigantesques suscités

Ott, Klüber, p. 322; Pradier-Fodéré, Vattel, II, p. 420; Bulletin des lois, n° 7856.

** Wheaton, Élėm., pte. 4, ch. 2, § 2; Martens, Précis, § 272; Bluntschli, § 574; Bello, pte. 2, cap. 3, § 3; Riquelme, lib. 1, tit. 1, cap. 12; Burlamaqui, Droit de la nat., t. V, § 4, ch. 6; Felice, Droit de la nat., t. II, lect. 25; Rayneval, Inst., liv. 3, ch. 5, § 4; Vergé, Précis de Martens, t. II, pp. 233-235.

Grotius, Le droit, liv. 3, ch. 8, §§ 4 et seq.; Bynkershoek, Quæst., lib. 1, cap. 1; Vattel, Le droit, liv. 3, ch. 10, §§ 174, 177; Phillimore, v. III, § 94; Wildman, v. II, pp. 24, 25; Garden, Traité, liv. 6, § 7; Bello, pte. 2, cap. 6, §§ 1, 2.

Incendie

du palais de

de la Chine.

par la Révolution française à la fin du dernier siècle et au commencement de celui-ci.

$ 1791. Entre nations qui ne sont pas arrivées au même degré l'empereur de civilisation la rétorsion poussée à l'extrême cesse d'être justifiable, parce que l'on ne peut espérer lui faire produire les conséquences qui seules en légitiment l'emploi, et qu'au surplus ce serait se dégrader soi-même que de suivre son adversaire dans la voie de barbarie où l'ont entraîné le défaut de lumières et l'oblitération du sens moral. C'est à ce point de vue que l'on s'est placé pour blâmer sévèrement le sac et l'incendie du palais d'été de l'empereur de la Chine en 1860 par les troupes anglaises en représailles du cruel traitement infligé aux Européens, qu'un guetapens avait fait tomber au pouvoir des mandarins. Vainement a-t-on cherché à excuser cet acte en le représentant moins comme une stérile vengeance que comme une mesure d'intimidation destinée à hâter la soumission du gouvernement chinois; et nous devons noter, à l'honneur de la France, que son envoyé extraordinaire, le baron Gros, ne voulant pas en partager la responsabilité, protesta par écrit auprès de son collègue, Lord Elgin, contre ces sauvages déprédations, et ne permit pas que l'armée française, commandée par le comte de Palikao, s'associât à la conduite de ses alliés (1). Malheureusement (ainsi que nous l'avons signalé au paragraphe précédent) les sages recommandations du baron Gros ne furent pas observées avec tout le respect qu'elles méritaient, et les troupes françaises se partagèrent avec les soldats anglais les riches dépouilles du palais livré aux flammes.

Résumé.

Des forbans et des tribus de sauvages peuvent pousser la férocité jusqu'à assassiner les femmes et les enfants de leurs ennemis; mais qu'une nation chrétienne soit autorisée à commettre le même forfait par mesure de rétorsion, personne n'osera l'admettre.

§ 1792. En résumé on peut dire qu'en cette matière la règle de réciprocité, ou plutôt la loi du talion, existe théoriquement, mais que dans la pratique elle rencontre une double limite dans les préceptes du droit naturel et dans les principes généraux du droit des gens".

[ocr errors]

(1) Livre jaune.

Vattel, Le droit, liv. 3, ch. 8, § 142; Wheaton, Élem., pte. 4, ch. 1, §§2, 10; ch. 2, § 6; Garden, Traité, t. II, pp. 221 et seq.; Bluntschli, §§ 499 et seq.; Halleck, ch. 18, §§ 25, 26; Klüber, Droit, § 262; Martens, Précis, § 280; Pinheiro Ferreira, Vattel, note sur le § 142; Pradier-Fodéré, Vattel, t. III, pp. 8, 9.

« PrécédentContinuer »