Images de page
PDF
ePub

officiers supérieurs français, par conséquent astreints à la même discipline que les autres corps de l'armée française. Au surplus M. Rolin Jacquemyns ne cite à l'appui aucun fait particulier, aucune preuve positive de nature à corroborer ses accusations, qui ne doivent être dès lors considérées que comme une question de principe général, sans objet précis et déterminé.

Aux récriminations des autorités allemandes M. de Chaudordy, dans sa circulaire du 25 janvier 1871, répond qu'il n'a été prouvé à la charge des tirailleurs algériens aucun procédé barbare de la nature de ceux dont les Prussiens se sont rendus coupables envers les habitants inoffensifs *.

Levée en masse contre

$4804. Quelques auteurs ont prétendu placer sur la même ligne que la formation de guerrillas la levée en masse d'une nation pour une invasion. s'opposer à une invasion étrangère. Nous croyons que c'est là une erreur; en effet, lorsqu'un peuple court aux armes afin de repousser l'ennemi qui envahit son territoire, ce sont en général les autorités elles-mêmes qui dirigent le mouvement et engagent par là la responsabilité du pays tout entier, qui peut fort bien demeurer étranger aux actes de partisans qu'il n'a pas appelés sous les drapeaux. Nous pouvons citer comme exemple le décret de la délégation de Tours du 2 novembre 1870, lequel contient les dispositions suivantes :

« Les membres du gouvernement de la défense nationale, délégués pour représenter le gouvernement et en exercer les pouvoirs ; « Vules décrets du 12 et du 16 septembre 1870;

« Considérant que la patrie est en danger, que tous les citoyens se doivent à son salut, que ce devoir n'a jamais été ni plus pressant ni plus sacré que dans les circonstances présentes, décrètent : « ART. 1er. Tous les hommes valides de vingt et un à quarante ans, mariés ou veufs avec enfants, sont mobilisés.

ART. 2. Les citoyens mobilisés par le présent décret seront organisés par les préfets, conformément aux décrets du 29 septembre et du 11 octobre ainsi qu'à la circulaire du 15 octobre de la présente année.

ART. 3. Les citoyens mobilisés par le présent décret seront, leur organisation faite, mis à la disposition du ministre de la guerre. Cette organisation devra être terminée le 18 novembre.

« ART. 4. Il sera pourvu à leur habillement, équipement et solde

Bluntschli, § 559; Heffter, § 125.

Cas du duc de

d'après les règles prescrites par le décret du 22 octobre de la présente année.

« ART. 5. Toute exemption basée sur la qualité de soutien de famille est abolie, même à l'égard de ceux à qui elle avait été antérieurement appliquée par les conseils de révision. Il n'est admis d'autres exemptions que celles résultant des infirmités ou basées sur les services publics énumérés dans la circulaire du 15 octobre 1870. Est également abrogé l'article 145 de la loi du 22 mars 1831.

« ART. 6. La République pourvoira aux besoins des familles reconnues nécessiteuses. Un comité composé du maire ou président de la commission municipale, et de deux conseillers municipaux ou membres de la commission municipale délégués par le conseil ou la commission, statuera définitivement sur les demandes formées à cet égard par les familles domiciliées dans la commune.

« ART. 7. La République adopte les enfants des citoyens qui succombent pour la défense de la patrie.

« ART. 8. Le ministre de la guerre est autorisé à utiliser pour la fabrication des armes et des engins de guerre les usines et les ateliers pouvant servir à cet effet.

« ART. 9. Le ministre de l'intérieur et de la guerre est chargé de l'exécution du présent décret, laquelle aura lieu immédiatement après la publication qui en sera faite conformément aux ordonnances du 27 novembre 1816 et du 18 janvier 1817.

<< Fait à Tours le 2 novembre 1870. »

Le fait de la levée en masse transforme tout citoyen valide d'ennemi passif en ennemi actif; dès lors l'armée envahissante est avertie qu'elle n'a plus affaire qu'à des soldats, et la distinction entre les militaires et les non militaires devient superflue.

En droit strict on peut donc dire que la levée en masse confère à la population qui y a recours le caractère de belligérant et la place en cas de défaite sous le régime réservé aux prisonniers de guerre. § 1805. Toutefois ce principe de justice n'a pas été reconnu Wellington. d'une manière générale dans les guerres dont l'Europe a été le théâtre depuis le commencement de ce siècle. Ainsi le duc de Wellington, en 1814, lors de l'invasion des provinces méridionales de la France, menaça les habitants des campagnes soulevées contre ses troupes de les faire pendre, s'ils ne déposaient pas les armes ou ne s'incorporaient pas régulièrement dans le corps d'armée du maréchal Soult.

1806. Lorsqu'ils ont envahi la France en 1870, les Allemands ne se sont pas bornés aux menaces. Rien de plus horrible que les massacres dont fut le théâtre le village de Bazeilles, situé près de la Meuse, à 8 kilomètres de Sedan.

Le 31 août les habitants, voyant l'ennemi arriver, revêtirent leurs uniformes de gardes nationaux et aidèrent l'armée à se défendre contre un corps bavarois et une division prussienne. L'armée française fut repoussée. L'ennemi entra dans Bazeilles et, pour punir les habitants de s'être défendus, mit le feu au village. La plupart des gardes nationaux étaient morts; la population s'était réfugiée dans les caves; femmes, enfants, tous furent brûlés ou égorgés; pas une maison ne resta debout. « Sur 2,000 habitants, dit un témoin oculaire, 500 restent à peine, qui racontent qu'ils ont vu des Bavarois repousser des familles entières dans les flammes et fusiller des femmes qui avaient voulu s'enfuir. »

A ces accusations, qui sont reproduites dans une lettre que M. le duc de Fitz-James a fait publier dans le Times du 15 septembre 1870, les autorités allemandes ont répondu en rejetant sur la population elle-même la responsabilité des massacres dont le village de Bazeilles a été le théâtre. Le ministre de la guerre bavarois, le baron de Pranckh, affirme, dans une lettre qui a paru également dans le Times du 28 septembre suivant, que le sort de Bazeilles a été le châtiment terrible, mais juste, de la conduite des habitants; et nous voyons par l'Indépendance belge du 1 octobre que le quartiergénéral prussien adressa aux journaux une communication tendant à établir, d'après une enquête officielle, que dans quelques maisons on avait massacré des blessés; que des femmes, armées de fusils et de couteaux, avaient affreusement mutilé des soldats mourants, etc. $ 1807. Les mêmes atrocités se sont renouvelées à Châteaudun. Le 18 octobre cette petite ville fut attaquée par un corps d'armée allemand, s'élevant à 12,000 hommes au moins et muni de vingtquatre pièces de canon. Pendant huit heures, sans sommation préalable, cette artillerie vomit sur la ville et principalement sur ses édifices publics un feu violent, qu'on n'estime pas à moins de dix coups par minute. Les défenseurs de Châteaudun, consistant dans la garde nationale sédentaire et un corps de francs-tireurs, résistèrent toute une demi-journée; le soir les bataillons prussiens entraient dans la ville.

Jusqu'à ce moment-là le bombardement n'avait incendié que douze maisons; mais alors les assaillants se précipitèrent dans les

Incendie de Bazeilles.

Cas de Châteaudun.

Cas de

Buzenval et

tout.

habitations, dont ils brisèrent les portes et les meubles à coups · de hache; et, après les avoir pillées, ils y mirent le feu, qu'ils attisaient en se servant de pétrole.

Ces excès se continuèrent pendant la nuit du 18 et la journée du 19, « sous la direction d'une organisation disciplinée, qui en fait remonter la responsabilité jusqu'au gouvernement prussien Des malades furent tués chez eux à coups de fusil et de revolver; quelques-uns même furent brûlés vifs dans leur lit et retirés des flammes littéralement carbonisés. Le lendemain une centaine de personnes de tout âge, de toute condition, prises au hasard dans la ville, des infirmes, des vieillards, de tout jeunes hommes furent enlevés et conduits comme prisonniers en Allemagne. En résumé 255 maisons furent complètement détruites par l'incendie, et 28 éprouvèrent des dommages partiels. Ce n'est pas tout le 19 dans l'après-midi, alors que le tiers de la ville était en flammes, le conseil municipal fut saisi d'une réquisition de 200,000 fr. à payer sans délai sous peine des exécutions les plus violentes. Cette exigence fut ensuite réduite à 52,000 fr., qui furent comptés le soir même.

Deux petites communes rurales voisines de Châteaudun, Varize et Civry, subirent le même sort pour avoir attaqué des uhlans en reconnaissance. La première ne conserva que deux maisons sur soixante-douze; la seconde, un peu plus ménagée quant aux habitations, fut pillée sans miséricorde.

S 1808. Le 20 janvier 1871, quand Buzenval et Montretout de Montre étaient abandonnés par les Français, les soldats allemands commencèrent à mettre le feu aux maisons de Saint Cloud. L'œuvre de destruction continua le 21 et le 22; elle n'atteignit toutefois qu'un petit nombre d'habitations; mais le 24, après que des négociations d'armistice eussent été entamées, jusqu'au 3 février l'incendie se poursuivit sans relâche et ne s'arrêta même pas avec la signature de l'armistice. Dans un grand nombre de cas le pillage avait précédé cette exécution.

Les Allemands ont cherché à expliquer leur conduite par le prétexte que les habitants de Saint Cloud avaient enfreint la neutralité en prêtant leur concours le 19 janvier aux troupes de Paris. Or ce prétexte n'est pas admissible. Dès le 17 septembre l'ennemi occupait Montretout et le coteau. Quelques jours auparavant la population avait été contrainte de se réfugier à Paris, et l'interdiction de rentrer chez elle était absolue depuis quatre mois. On ne pourrait soutenir avec plus de raison que Saint Cloud devait être incen

dié pour faire place nette et permettre d'établir des ouvrages militaires. Il est prouvé qu'il n'en a été commencé aucun du 19 au 25 janvier, ni du 25, date de l'ouverture des négociations, au 28, jour de la signature de l'armistice. On ne saurait non plus attribuer l'incendie aux obus du Mont Valérien, puisqu'à partir du 26 le Mont Valérien ne tira plus, et c'est après le 26 que l'incendie causa les plus grands ravages.

$1809. Dans la deuxième quinzaine de janvier 1871; un parti de francs-tireurs avait réussi à faire sauter le pont du chemin de fer de Fontenoy, à l'est de Toul. Cette destruction coupait les communications des Prussiens par la ligne de Strasbourg et interceptait leurs convois et leurs transports. Le 5 janvier le gouverneur général de la Lorraine, au nom du roi de Prusse, empereur d'Allemagne, publia une proclamation frappant la circonscription d'une amende extraordinaire de dix millions de francs. Le général de Bonnin ajoutait « Le village de Fontenoy a été immédiatement incendié, à l'exception de quelques bâtiments conservés pour l'usage des troupes. » Le préfet allemand de Nancy requit 500 ouvriers de la Meurthe pour réparer le pont. Ces ouvriers ne s'étant pas présentés dans les vingt-quatre heures, il fit parvenir au maire de la ville une injonction ainsi conçue: «Si demain mardi, 24 janvier, à midi, 500 ouvriers des chantiers de la ville ne se trouvent pas à la les surveillants d'abord et un certain nombre d'ouvriers ensuite seront saisis et surveillés sur place.

:

>>

§ 1810. Nous le répétons, chaque belligérant a cherché à rejeter sur son adversaire l'opprobre sinon de la perpétration, du moins de la provocation aux atrocités que nous signalons; mais quoi qu'il en soit de ces versions contradictoires, à quelque partie que doive équitablement s'appliquer l'imputation de ces actes, nous tenons à constater qu'ils ont été commis et que la réalité n'a été que trop horrible. L'insistance même que ceux qu'on accuse mettent à en repousser la responsabilité prouve d'autant plus l'odieux qui s'attache de nos jours à de pareils procédés, et la réprobation universelle dont ils doivent être frappés ".

Cas de

Fontenoy.

de guerre.

1811. Comme principe général en cette matière on peut éta- Instruments blir que l'état actuel de la civilisation condamne l'emploi de tout

* Manning, p. 153; Klüber, Droit, § 267; Halleck, ch. 16, § 9; Napier, Hist. Peninsular war, b. 23, ch. 3; Revue de droit international, t. II, pp. 665, 678, 679; Times, 11 sept. 1870; Indépendance belge 1er octobre 1870; Valfrey, Diplomatie du gouvernement de la défense, 3e partie, ch. 12.

« PrécédentContinuer »