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Bombarde

ment de

Nicaragua.

un autre et triste exemple de l'abus de la force, bien que l'escadre anglaise n'y ait eu recours que pour accélérer la reddition de la flotte danoise mouillée dans le Sund. La conduite de l'amiral anglais a été qualifiée par Cauchy d'acte odieux et perfide que rien ne saurait excuser, d'insulte contre les principes de l'éternelle justice commise à la face du genre humain.

1826. Un acte du même genre, qui par son caractère se rapSaint Jean de proche de ce qui s'est passé à Valparaiso, c'est le bombardement de Saint Jean de Nicaragua (Greytown) par la corvette des ÉtatsUnis Cyane.

Au mois de mai de l'année 1854 on vit s'approcher à toute vapeur de Saint Jean de Nicaragua un steamer portant pavillon nordaméricain, ayant à son bord de nombreux passagers venant de Californie. Le patron d'une barque de pêche, qui se trouvait sur son passage et craignait sans doute d'être coulé, se mit à pousser des cris menaçants pour engager le steamer à dévier de sa route. Le capitaine, furieux de cette démonstration, déchargea une arme à feu sur le malheureux pêcheur, qui tomba raide mort. A peine ses compatriotes eurent-ils connaissance de cet attentat qu'ils exigèrent qu'on leur livrât l'agresseur ce à quoi s'opposa M. L. Borland, ministre des États-Unis dans l'Amérique centrale, qui se trouvait précisément au nombre des passagers, et qui prétendit que les citoyens de la République nord-américaine ne pouvaient être soumis aux autorités d'un pays que le gouvernement de Washington n'avait pas reconnu. Toutefois l'alcade de Greytown, rien moins que convaincu par un si étrange argument, envoya quelques hommes, qui tentèrent vainement de s'emparer du capitaine, vigoureusement soutenu et protégé par M. Borland. Ce dernier, ayant débarqué peu de temps après, se rendit chez le consul des ÉtatsUnis. La populace exaspérée l'entoura, en proférant les menaces les plus violentes contre cet agent américain, qui avouait lui-même n'être revêtu dans le pays d'aucun titre officiel pour prendre la défense d'un capitaine de naissance portugaise. En même temps des hommes armés vinrent occuper la jetée, où ils demeurèrent toute la nuit pour empêcher la communication entre le steamer et la rive, de sorte que M. Borland ne put retourner à terre que le lendemain matin.

A peine de retour à Washington, M. Borland adressa au congrès un rapport sur l'offense faite à sa personne et la prétendue insulte essuyée par le pavillon des États-Unis. C'est à la suite de

ces incidents que la corvette de guerre Cyane reçut l'ordre de se rendre à Greytown, où elle exigea, dès son arrivée, le réglement de plusieurs réclamations pécuniaires soulevées par des citoyens des États-Unis, une réparation de l'insulte faite à M. Borland et le paiement d'une somme de 125,000 fr. à titre d'indemnité.

Étant resté vingt-quatre heures sans recevoir de réponse, le commandant du Cyane, M. Hallins, signifia que si le lendemain à la même heure on ne lui accordait pas la satisfaction qu'il avait demandée, il commencerait le bombardement de la ville. Les habitants, s'imaginant sans doute que le Cyane se bornerait à lancer quelques bombes et à détruire quelques maisons (1), ne craignirent pas de refuser les satisfactions demandées et abandonnèrent la ville en emportant un jour de vivres. Les commerçants américains qui y étaient établis s'abritèrent sous le pavillon de la corvette de leur nation, tandis que les sujet anglais se réfugièrent à bord de la goëlette de guerre britannique la Bermuda, mouillée dans le port. Le capitaine Hallins, mettant alors ses menaces à exécution, ouvrit le feu contre la ville; mais, ayant bientôt reconnu que la population s'était enfuie, il envoya à terre un détachement de vingtcinq marins, qui en un clin d'œil achevèrent ce que les bombes avaient épargné et convertirent Gretown en un monceau de ruines. Le commerce étranger perdit des marchandises pour une valeur de plus de 2,500,000 fr.

§ 1827. Quelles ont été les conséquences des abus de la force Conclusions que nous venons de rappeler? Matériellement, les États qui s'en sont rendus coupables n'ont point obtenu le résultat qu'ils s'en promettaient, car les décombres accumulés par leurs canons n'ont en rien accéléré l'issue des conflits qui leur avaient servi de prétexte; moralement, le bombardement de Copenhague n'a fait qu'envenimer les haines du Danemark contre l'Angleterre, et ceux de Greytown et de Valparaiso ont flétri à jamais la réputation des États-Unis et de l'Espagne *.

1828. Le dernier conflit entre la France et l'Allemagne a offert un fait particulier qui ne s'était encore produit dans aucune guerre

(1) La ville se composait de trente et une maisons, la plupart en bois, et la population s'élevait à peine à cinq cents habitants.

Vattel, Le droit, liv. 3, ch. 9, §§ 168, 169; Bello, pte. 2, cap. 4, § 6; Wheaton, Élém., pte. 4, ch. 2, § 5; Giraud, Revue des Deux Mondes, 1er février 1871; Halleck, ch 19, §§ 11, 22; Riquelme, lib. 1, tit. 1, cap. 12; Victoria, De jure belli, § 60 ; Cauchy, t. II, p. 355.

Emploi des des usages

ballons pour

militaires.

1794.

Bataille

précédente: nous voulons parler du nouvel emploi qui a été fait des aérostats. Ce n'est pas que jusqu'ici on n'eût point tenté de tirer parti des ballons pour des usages militaires; ainsi à la bataille de Fleurus, le 26 juin 1794, des officiers français, montés dans un de Fleurus. ballon retenu captif au moyen de longues cordes que manoeuvraient des personnes restées à terre, observèrent pendant plus de neuf heures les mouvements de l'armée autrichienne. En 1812 les Russes essayèrent de se servir d'aérostats pour jeter des projectiles incendiaires sur l'armée française; mais ces tentatives n'ayant donné que des résultats insignifiants, ce moyen avait été abandonné.

1870-1871. Siége

de Paris.

Armes prohibées.

S 1829. En 1870 Paris, investi de toute part et si étroitement qu'aucun courrier ne pouvait se frayer un passage à travers les lignes compactes des légions allemandes, Paris, privé de nouvelles, eut recours aux aérostats pour se mettre en communication avec la province, dont il était complètement isolé; et le 23 septembre a commencé une série d'ascensions, qui n'ont pas cessé durant les cinq mois de siége et n'ont pas employé moins de soixante-quatre ballons, enlevant avec eux cent cinquante-cinq personnes; malheureusement tous n'ont pas réussi : plusieurs sont tombés entre les mains des ennemis, qui tiraient dessus et avaient même combiné un canon de forme spéciale pour les atteindre et les arrêter au passage (1).

§ 1850. Les lois de la guerre autorisent, il est vrai, à faire à l'ennemi tout le mal possible pour l'amener à composition; mais elles interdisent le recours aux armes dont les saines notions d'humanité et de charité chrétienne ne sanctionnent pas l'emploi. C'est ainsi que l'on vit en 1759 le vice-amiral français Conflans publier un ordre du jour pour proscrire comme moyen déloyal l'usage des boulets ramés.

L'emploi de boulets à chaîne dans les guerres sur terre et de boulets rouges ou de couronnes foudroyantes dans les guerres maritimes est généralement interdit.

Quelques auteurs modernes, au nombre desquels figurent Martens et Klüber, désapprouvent le chargement des fusils avec deux balles ou avec une balle fondue de manière que la blessure qu'elle fait soit inévitablement mortelle.

Pour n'être écrite nulle part, la prohibition des armes empoison

(1) Voir plus loin, § 1852, pour le traitement des personnes prises en ballon.

nées n'en est pas moins absolue et universellement acceptée. C'est qu'en effet une guerre loyale a pour but non d'exterminer les soldats ennemis, mais de les mettre hors de combat ou de les faire prisonniers jusqu'à la paix.

Il nous semble superflu d'ajouter qu'empoisonner les eaux ou les vivres de l'ennemi constitue un crime non moins odieux et également réprouvé par les principes du droit naturel.

Les lois de l'humanité proscrivent aussi l'usage des moyens de destruction qui d'un seul coup et par un moyen mécanique abattent des masses entières de troupes, et qui, en réduisant l'homme au rôle, d'un être inerte, augmentent inutilement l'effusion du sang.

Destruction des ports de

1851. Le 14 février 1862, à la Chambre des Lords, Lord Stanhope, faisant allusion au bruit qu'une seconde escadre de na- commerce. vires chargés de pierres allait être coulée, par ordre du gouvernement des États-Unis, dans le canal de Maffitts du port de Charleston, exprima son indignation contre un pareil procédé, qui ne pouvait avoir pour résultat que la destruction permanente de ce port. Ce n'était pas là, ajouta-t-il, le combat d'hommes contre hommes, mais une atteinte injustifiable aux bienfaits de la nature, qui a créé les ports pour l'avantage et les communications des nations les unes avec les autres. Et il concluait par engager le gouvernement anglais à protester contre l'acte en question.

Lord John Russell déclara qu'il considérait comme un acte de barbarie la destruction des ports de commerce, et que, de concert avec le gouvernement français, qui envisageait de même ce sujet, il était décidé à adresser des remontrances au gouvernement des États-Unis.

Quelques jours après, le 28 février, Lord John Russell informa la chambre qu'il avait reçu une dépêche de Lord Lyons, ministre d'Angleterre à Washington, lui disant que M. Seward lui avait déclaré que le port de Charleston n'avait pas été comblé entièrement et qu'on n'y coulerait plus de navires chargés de pierres.

§ 1832. Un fait récent caractérise sous ce rapport les idées de notre sièle sur les véritables conditions de la guerre : c'est l'accord conclu à Saint-Pétersbourg le 11 décembre 1868 entre toutes les puissances européennes dans le but de proscrire absolument l'emploi de balles explosibles par les troupes armées. Ce document est ainsi conçu:

« Considérant que les progrès de la civilisation doivent avoir pour effet d'atténuer autant que possible les calamités de la guerre ;

Protocole de Saint Péters

bourg relati

vement aux

balles explo

sibles.

Accusation d'emploi de

que le seul but légitime que les États doivent se proposer durant la guerre est l'affaiblissement des forces militaires de l'ennemi; qu'à cet effet il suffit de mettre hors de combat le plus grand nombre d'hommes possible; que le but serait dépassé par l'emploi d'armes qui aggraveraient inutilement les souffrances des hommes hors de combat ou rendraient leur mort inévitable; que l'emploi de pareilles armes serait dès lors contraire aux lois de l'humanité ;

« Les parties contractantes s'engagent à renoncer mutuellement, en cas de guerre entre elles, à l'emploi par leurs troupes de terre et de mer de tous projectiles d'un poids inférieur à 400 grammes, qui serait ou explosible ou chargé de matières fulminantes ou inflammables. »

C'est là un pacte d'humanité qui pour les États auxquels on en est redevable forme le corollaire rationnel de la convention, qu'ils avaient antérieurement signée à Genève le 22 août 1864 (1), concernant le respect des ambulances et des militaires blessés sur les champs de bataille.

§ 1833. Dans la guerre entre la France et l'Allemagne en balles explo- 1870-1871 les deux belligérants se sont réciproquement jeté l'accusation de s'être servis de balles explosibles.

sibles. 18701871.

Dans ses circulaires du 9 janvier et du 17 février 1871 et dans sa lettre du 11 février au maréchal de Mac-Mahon le chancelier de l'Empire allemand cite divers faits à l'appui de cette imputation contre les troupes françaises.

Le comte de Chaudordy soutient au contraire, dans sa circulaire du 25 janvier, que jamais le soldat français n'a été à même de se servir de balles explosibles et que s'il en a été ramassé sur les champs de bataille, elles provenaient des rangs ennemis. Une lettre du 24 janvier, adressée par le maréchal de Mac-Mahon au ministre des affaires étrangères à Bordeaux, et une lettre écrite le 20 février par le général Suzanne, directeur de l'artillerie, ministre de la guerre par intérim à Paris, tendent à confirmer cette dénégation de la manière la plus formelle.

Un fait important et consolant pour l'avenir ressort de cet échange de correspondances: c'est que de part et d'autre on ait manifesté la ferme volonté de donner pleine exécution à la convention de Saint Pétersbourg » *.

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(1) De Clercq, Recueil, t. VII, p. 118.

Vattel, Le droit, liv. 3, ch. 8, §§ 156, 157; Grotius, Le droit, liv. 3, ch. 4, §§ 16,

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