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Traîtres.

Courriers ou messagers.

Guides.

S1845. D'autres actes sont encore jugés criminels et punissables d'après les lois de la guerre ce sont ceux qui portent le caractère de perfidie ou de trahison.

Les «< Instructions pour les armées en campagne des États-Unis considèrent comme traître la personne qui dans une ville ou contrée placée sous la loi martiale donne à l'ennemi, sans l'autorisation du commandant militaire, des informations de quelque nature qu'elles soient, lui communique des renseignements qu'il a reçus par des moyens licites sur les opérations militaires ou la position de l'armée.

On incrimine pareillement le citoyen ou l'habitant d'une place ou d'une contrée envahie ou conquise qui envoie d'un lieu occupé par l'ennemi à l'armée ou au gouvernement de son propre pays des informations ou des avis de nature à nuire à l'armée occupante.

Toute correspondance non autorisée ou secrète avec l'ennemi, du reste toute intelligence avec lui sont regardées comme trahison. La trahison est toujours punie sévèrement, et même dans certains cas de la peine de mort*.

S 1844. Il ne faut pas confondre avec les espions ou les traitres les courriers porteurs de dépêches et les messagers chargés de commissions verbales. Les uns comme les autres, s'ils tombent au pouvoir de l'ennemi, peuvent être traités selon les circonstances qui accompagnent leur capture. Ils sont traités comme prisonniers de guerre, s'ils sont soldats et n'ont pas dépouillé l'uniforme, ou si, n'étant pas militaires, ils voyagent ouvertement en leur qualité. Mais s'ils cherchent à se glisser secrètement et sans être reconnaissables comme soldats, bien qu'on ne doive pas les considérer comme espions, ils peuvent être punis pour infraction au droit de la guerre. Le secret ou le déguisement est donc l'élément principal dont il y ait à tenir compte pour déterminer le mode d'agir dans ces cas.

Il est de toute évidence que l'exception est favorable aux messagers par voie de ballons; car alors le caractère de la mission n'est ni dissimulé ni contestable **.

§ 1845. Les armées ont besoin d'hommes pour les guider; et lorsqu'elles ne le peuvent faire autrement, elles usent de menaces ou de contrainte pour se procurer des guides.

Instruction pour les armées des États-Unis, art. 90-98; Bluntschli, §§ 631, 632; Rolin Jaequemyns, Revue de droit int., t. II, p. 675.

Bluntschli, § 639; Rolin Jaequemyns, Revue de droit int., t. II, 1870, p. 675.

Celui qui est contraint par les troupes ennemies à leur montrer le chemin n'est pas punissable d'après les lois de la guerre.

Les guides en général doivent être traités comme le seraient les autres combattants dans les mêmes circonstances; si l'ennemi juge qu'un guide a fait acte d'hostilité envers lui, il ne peut que le faire prisonnier de guerre.

Ainsi si les guides trompent intentionnellement les troupes qu'ils sont chargés de conduire, ils sont responsables de leur conduite et peuvent encourir une condamnation à mort.

Par rapport à son propre pays l'homme qui s'offre librement pour guider l'armée ennemie est réputé traître et peut être puni comme tel. Il y a toutefois une distinction à faire entre celui qui en indiquant les chemins à l'ennemi trahit sa patrie, et l'habitant d'un endroit occupé par l'ennemi qui offre de montrer aux soldats de son pays un chemin par lequel ils pourront surprendre leurs adversaires et est pris avant d'avoir réalisé son projet ce dernier pourra être traduit par l'ennemi devant un conseil de guerre et condamné comme traître à l'égard de l'armée occupante *.

1846. En résumé toute tentative criminelle de nuire à l'ennemi par des moyens que n'autorisent pas les lois de la guerre et les usages des armées régulières peut être réprimée militairement et même entraîner la mort des coupables.

Sous ce rapport les lois de la guerre n'établissent pas de différence de sexe, notamment en ce qui concerne l'espionnage, la trahison et la rébellion **.

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Résumé.

LIVRE V

DROITS ET DEVOIRS DE LA GUERRE PAR RAPPORT A LA

PERSONNE DE L'ENNEMI

SECTION I.

PRISONNIERS DE GUERRE, OTAGES ET BLESSÉS.

Prisonniers de guerre.

S 1847. Dans la règle tous les ennemis peuvent être faits prisonniers; mais on considère plus spécialement comme prisonnier de guerre l'ennemi armé ou attaché à l'armée adverse par un service actif, après qu'il est tombé au pouvoir de l'autre armée soit en combattant, soit blessé, soit en se rendant personnellement, soit à la suite d'une capitulation collective.

Tous les soldats, tous les hommes qui font partie d'une levée en masse dans le pays ennemi, tous ceux qui sont attachés aux différents services de l'armée et concourent directement au but de la guerre, tous les hommes et tous les officiers rendus inaptes au service sur le champ de bataille ou ailleurs, s'ils sont pris, tous les ennemis qui jettent bas leurs armes et demandent quartier sont prisonniers de guerre et comme tels exposés aux inconvénients inhérents à cet état; mais ils ont droit aussi à jouir de certains priviléges relatifs qui y sont attachés.

Peuvent être aussi déclarés et retenus prisonniers de guerre les individus qui accompagnent l'armée dans un but quelconque, tels que les cantiniers, les fournisseurs, les reporters de journaux, etc., s'ils viennent à être capturés avec le corps auquel ils sont joints ou dans une poursuite; mais ils ne peuvent être

gardés en captivité que lorsque leur présence dans le camp ennemi est un danger pour l'État qui les a faits prisonniers.

Le même traitement s'applique aussi au chef et aux principaux fonctionnaires du gouvernement ennemi, à ses agents diplomatiques, à toutes les personnes dont les services sont d'une utilité particulière à l'armée ennemie ou à son gouvernement, s'ils sont pris sur le théâtre de la guerre sans être pourvus de sauf-conduits délivrés par les chefs des troupes qui les ont arrêtés.

Le prisonnier de guerre est un ennemi public; par conséquent il est prisonnier du gouvernement et non de la personne qui l'a capturé. Aucune rançon ne peut être payée par un prisonnier soit à l'individu qui l'a arrêté, soit au commandant du corps auquel celui-ci appartient; le gouvernement seul relâche les captifs, d'après les règles qu'il a prescrites.

Les effets de la captivité commencent à courir pour les prisonniers de guerre dès le moment où, réduits à l'impossibilité d'opposer de la résistance, ils se sont rendus volontairement, conditionnellement ou sans conditions, et ont obtenu la vie sauve*.

des

prisonniers de guerre.

$ 1848. L'histoire nous montre le peu d'uniformité qui a régné Traitement jusqu'ici dans la conduite tenue envers les prisonniers de guerre, et l'influence prépondérante qu'ont exercée à cet égard les progrès successivement réalisés par la civilisation dans la pratique du droit des gens.

Le massacre des captifs, si longtemps pratiqué dans les temps barbares, avait déjà disparu au moyen âge. Dès cette époque on respecte la vie des prisonniers, qu'on se borne à réduire en esclavage. Mais cette coutume elle-même parait trop cruelle encore : vers le XII siècle le clergé élève sa voix, et au troisième concile de Latran (1179) décrète la défense de vendre les prisonniers pour enchainer leur liberté entre les mains de l'acheteur; néanmoins le mal était trop enraciné pour disparaître tout à coup, et longtemps après la célèbre décrétale que nous venons de rappeler nous voyons plus d'une nation chrétienne enfreindre les nobles maximes proclamées par l'Église. Cependant cette coutume barbare fit bientôt place à un régime moins rigoureux, qui permettait le rachat des prisonniers moyennant une somme équivalente à un mois de la solde du capteur.

Instructions pour les armées des États-Unis, art. 49, 50, 74; Heffter, § 128; Martens, liv. 8, ch. 4, § 275; Creasy, First platforme of int. law, p. 452; Bluntschli, $$ 594, 595, 603.

Guerre

de 1870-1871.

Depuis plusieurs siècles déjà, grâce à l'adoucissement général des mœurs, à un sentiment plus profond des principes du droit naturel, ceux que le sort des armes fait tomber au pouvoir de l'ennemi sont couverts d'une protection spéciale. Jean Jacques Rousseau pose ainsi en termes nets et précis les principes qui inspirent le droit des gens moderne à cet égard:

« Le droit de guerre, disent les jurisconsultes romains, permet de tuer les prisonniers; en les rendant esclaves on leur fait grâce de la vie ». Nous répondons que « la guerre n'est point une relation d'hommes à hommes, mais une relation d'État à État, dans laquelle les particuliers ne sont ennemis qu'accidentellement, non point comme hommes ni même comme citoyens, mais comme soldats. La fin de la guerre étant la destruction de l'État ennemi, on a droit d'en tuer les défenseurs tant qu'ils ont les armes à la main; mais aussitôt qu'ils les posent et se rendent, cessant d'être ennemis, ils redeviennent simplement hommes, et l'on n'a plus de droit sur leur vie. »

De notre temps les prisonniers de guerre ne sont passibles d'aucune peine en raison de leur caractère d'ennemis. On ne doit leur infliger volontairement ou dans une intention de représailles aucun mauvais traitement, aucun outrage; ils peuvent être tout au plus emprisonnés ou internés, s'il est jugé nécessaire, pour empêcher leur évasion. Toutefois leur internement et la manière de les traiter peuvent varier pendant leur captivité selon que le réclament les mesures de sûreté à prendre contre eux.

On peut dire en résumé que le traitement du prisonnier de guerre consiste principalement, sinon uniquement, dans la privation effective et temporaire de sa liberté, en ce sens qu'il ne peut pas retourner dans sa patrie et reprendre part aux opérations de la guerre engagée. Aussi les arrangements particuliers que les parties belligérantes concluent entre elles n'ont-ils plus pour but de sauvegarder la vie et d'assurer le bon traitement des prisonniers faits sur les champs de bataille; ils tendent uniquement à préciser les conditions de leur échange ou de leur mise en liberté, ainsi que le mode de remboursement de leurs dettes particulières et de certaines avances pour frais d'entretien et de voyage.

S 1849. Jamais peut-être dans aucune guerre antérieure le nombre des prisonniers ne s'est élevé à un chiffre aussi considérable que dans la guerre de 1870 entre la France et l'Allemagne : près de 380,000 Français ont été internés dans diverses parties de

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