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Guerres légales et

les membres d'une autre nation, tandis que la guerre imparfaite est circonscrite dans des bornes déterminées quant aux lieux, aux personnes et aux choses qui doivent en être l'objet. Comme exemple de ce dernier genre de guerre, on peut rappeler les hostilités autorisées par les États-Unis nord-américains contre la France, en 1798*.

§ 1620. La division des guerres en légales et en illégales, imaillégales. ginée par Vattel, a conduit certains publicistes à confondre les guerres illégales avec les guerres injustes, quand en réalité il peut arriver qu'une guerre illégale soit juste et qu'une guerre injuste soit légale. Cette confusion vient de ce qu'on ne distingue pas assez nettement la notion de la loi écrite d'avec celle du droit naturel.

Guerres d'indépen

dance.

De la division qu'il établit ainsi Vattel déduit qu'au point de vue légal une guerre peut être juste de part et d'autre. Cependant, comme une pareille conclusion est contraire à l'esprit qui domine dans son ouvrage, il s'empresse d'expliquer que « les droits fondés sur l'état de guerre, la légitimité de ses effets, la validité des acquisitions faites par les armes ne dépendent point extérieurement et parmi les hommes de la justice de la cause, mais de la légitimité des moyens, c'est-à-dire de tout ce qui est requis pour constituer une guerre en forme »; en résumé il n'accorde aucun droit légitime à la partie dont les prétentions sont injustes. Quoi qu'il en soit cette déclaration est très-importante en ce qu'elle admet la justification possible de tous les contendants **.

§ 1621. Lorsqu'une nation est placée sous la domination d'une autre et qu'elle veut s'en affranchir, la lutte armée qu'elle engage pour secouer le joug prend le nom de guerre d'indépendance. Telles furent celles des Pays-Bas contre l'Espagne sous Philippe II; des États-Unis de l'Amérique du Nord contre l'Angleterre, de 1775 à 1785; de l'Espagne contre la France, en 1808; de l'Amérique du Sud contre l'Espagne, de 1810 à 1824; de la Hongrie contre l'Autriche, en 1848; de l'Inde contre l'Angleterre, en 1857, et

Wheaton, Elém., pte. 4, ch. 1, § 7; Felice, Droit de la nat., t. II, lect. 22; Polson, sect. 6, § 1, p. 37; Halleck, ch. 14, § 26; Burlamaqui, Droit de la nat., t. V, pte. 4, ch. 2; Vergé, Précis de Martens, t. II, pp. 211, 212; Pradier-Fodéré, Vattel, t. II, p. 344.

** Vattel, Le droit, liv. 3, ch. 4, §§ 67, 68; eh. 12, §§ 188-192; Burlamaqui, Droit de la nat., t. V, pte. 4, ch. 3; Felice, Droit de la nat., t. II, lect. 22; Halleck, ch. 14, §§ 29, 30; Twiss, War, §§ 29, 30; Heffter, § 119; Bello, pte. 2, cap. 1, §§ 2, 3; Bluntschli, § 515; Klüber, Droit, § 237; Fiore, t. II, p. 245.

de la Pologne contre la Russie, en 1830, en 1846, en 1848 et en 1865 *.

1622. Les guerres qu'entraînent à leur suite les insurrections et les révolutions des peuples se désignent assez souvent par les mêmes termes. Les insurrections, ayant généralement pour objet d'amener l'indépendance d'une partie d'un État, peuvent jusqu'à un certain point se confondre avec les guerres d'indépendance. Les exemples les plus remarquables de guerres de ce genre sont celles que nous avons déjà citées, des États-Unis nord-américains contre l'Angleterre en 1776, et des colonies hispano-américaines contre leur métropole de 1810 à 1824, puis le soulèvement de la Grèce contre la Turquie en 1821, et enfin les guerres de l'Italie contre l'Autriche en 1848, en 1854, en 1861 et en 1866.

Guerres insurrectionnelles

et révolutionnaires.

Comme les guerres de révolutions tendent d'ordinaire à un changement radical dans la forme du gouvernement établi, elles sont assimilées aux guerres civiles et régies par les mêmes règles **. $1623. Les guerres entreprises pour la défense d'une religion ou d'un culte particulier quelconque, telles que les Croisades et les politiques. guerres qui suivirent la Réforme jusqu'à la paix de Westphalie, ont reçu le nom de guerres religieuses.

On désigne sous le nom de guerres politiques celles qui ont pour but de faire dominer ou d'étendre un système ou une forme de gouvernement.

Comme exemples on peut citer la lutte soutenue par la France après la révolution de 1789 contre les puissances alliées du continent; les guerres des Vendéens au profit des Bourbons de la branche aînée; celles des carlistes en Espagne et des partisans de Dom Miguel en Portugal ***.

1624. Les guerres qu'une nation entreprend pour acquérir de nouveaux territoires ou pour étendre sa puissance matérielle s'appellent guerres de conquête.

L'histoire nous en offre de nombreux exemples jusque dans les temps modernes. Ainsi la conquête a été le caractère dominant des guerres des peuples de l'antiquité, surtout des Romains, et des

Fiore, t. II, p. 244; Jomini, Précis, ch. 1; Halleck, ch. 14, § 6; Lieber, Pol. ethics, b. 7, § 23; Halleck, Elem. mil. art, ch. 2, p. 36.

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Halleck, ch. 14, § 5; Bello, pte. 2, cap. 10, § 1; Riquelme, lib. 1, tit. 1, cap. 14; Jomini, Précis, ch. 1; Halleck, Elem. mil. art, ch. 2, pp. 35, 36; Lieber, Pol. ethics, b. 7, § 23.

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Fiore, t. II, p. 145 et seq.; Laurent, Droit des gens, t. IV, liv. 4, ch. 1; Halleck, ch. 14, § 7; Jomini, Précis, ch. 1, art. 7; Hallok, Elem. mil. art, ch. 2, p. 36.

Guerres religieuses et

Guerres de conquête.

Guerres nationales.

hordes germaniques à une époque plus rapprochée de nous; et peut-on ne pas qualifier également de conquêtes les guerres soutenucs par l'Espagne dans le nouveau monde, par l'Angleterre dans les Indes et au nord de l'Amérique, par la France en Afrique et par la Russie dans le Caucase?

Les États nord-américains, Halleck le reconnaît lui-même, ont avant tout obéi à une pensée de conquête dans leur dernière guerre contre la république mexicaine. Sans doute de sérieux griefs l'avaient provoquée; mais le gouvernement de Washington, en déclarant dès l'origine qu'il l'entreprenait dans le but d'obtenir une indemnité pour les préjudices éprouvés par ses nationaux et une plus grande sécurité pour l'avenir, dissimulait à peine qu'il ne s'arrêterait pas devant des violations plus ou moins manifestes du droit international. Dans les circonstances dont il s'agit, on savait parfaitement que le Mexique était hors d'état de fournir d'autre réparation qu'une indemnité territoriale, et que les États-Unis, en prenant la résolution d'occuper et de garder en leur pouvoir une partie du territoire mexicain, convertiraient forcément la lutte en une guerre de conquête*.

§ 1625. Il y a des guerres dans lesquelles la plus grande partie d'une nation prend les armes pour s'associer à la lutte. Les publicistes et les historiens donnent le nom de nationales à ces guerres, qui constituent une nouvelle classe ou un nouveau groupe d'une importance tout à fait exceptionnelle. Les exemples les plus remarquables que nous en offrent les temps modernes sont fournis par les luttes à la fois nationales et d'indépendance que l'Espagne et l'Allemagne ont soutenues contre la France sous le premier Empire, de 1808 à 1814. On peut placer sur la même ligne la guerre des Hollandais contre Philippe II d'Espagne, bien que les résultats n'aient pas été aussi favorables que dans la Péninsule et au centre de l'Europe à la nation qui combattait pour son indépendance et sa liberté.

On a aussi rangé parmi les guerres nationales celles que les anciennes colonies espagnoles et anglaises de l'Amérique soutinrent contre leurs métropoles respectives. Il n'est pas aussi anormal qu'on pourrait le croire à première vue d'accorder à ces colonies la même importance qu'à une nation, quand on réfléchit qu'elles

Halleck, ch. 14, § 8; Jomini, Précis, ch. 1, art. 6; Ripley, Hist. war with Mexico, vol. I; Halleck, Elem. mil. art, ch. 2, p. 36.

formaient dès l'origine un puissant centre d'action, une véritable confédération d'États distincts, et que les luttes dans lesquelles elles s'engagèrent participaient à la fois des caractères propres aux guerres nationales, aux guerres d'indépendance et aux guerres révolutionnaires.

Les différents exemples que nous venons de citer prouvent que pour qu'une guerre revête le caractère de nationale et que, suivant les principes du droit des gens, ceux qui s'y engagent soient fondés à réclamer toutes les prérogatives des belligérants, il est indispensable que le soulèvement soit général et se régularise par la constitution d'un gouvernement ou d'un pouvoir suprême, comme cela eut lieu dans les anciennes colonies d'Angleterre et d'Espagne. Or c'est précisément parce que la llongrie en 1849, la Pologne en 1851, en 1856, en 1848 et en 1863 remplissaient toutes ces conditions, qu'il est impossible de ne pas blamer comme odieuse et contraire aux préceptes du droit international la conduite des deux gouvernements qui opprimaient ces nobles pays. La Pologne et la Hongrie avaient constitué chacune un gouvernement national; l'une et l'autre voyaient tous leurs fils prendre part à la lutte pour l'affranchissement de la patrie; cependant la Russie et l'Autriche n'ont pas, à l'égard des populations insurgées, observé les règles et respecté les droits de la guerre. Il est vrai que les désastres qu'en 1866 elle a subis dans sa guerre contre la Prusse ont forcé en dernier lieu l'Autriche à reconnaitre Fautonomie de la Hongrie ; mais la Russie, achevant son œuvre de violente assimilation, a converti les débris survivants de la Pologne en une province orthodoxe de l'Empire*.

$ 1626. Les guerres d'intervention ont assez généralement été classées par les publicistes dans un groupe à part. Les développements dans lesquels nous sommes entrés (t. I, liv. m, § 107, p. 226) relativement à l'immixtion armée d'un État dans les affaires intérieures d'un autre nous dispensent de revenir ici en détail sur cette classe de guerre.

Nous nous bornerons à rappeler que ces guerres sont celles dans lesquelles un État intervient contre un autre État ou d'autres États en faveur d'un État particulier ou en faveur d'un parti, d'un souverain ou d'une famille dans un État. Cette intervention se di

1

Jomini, Précis, ch. 1, art. 8; Halleck, ch. 14, § 10; Manning, p. 153; Polson, sect. 6, § 1, p. 37; Halleck, Elem. mil. art, ch. 2, p. 36.

Guerres

d'interven

tion.

Guerres civiles.

vise en deux catégories, selon qu'elle affecte les affaires intérieures ou les affaires extérieures d'une nation.

L'intervention de la Russie dans les affaires de Pologne, de l'Angleterre dans le gouvernement de l'Inde, de l'Autriche et des puissances alliées pendant la Révolution française et l'Empire sont des exemples de la première catégorie.

L'intervention de l'Electeur Maurice de Saxe contre Charles Quint, du roi Guillaume d'Angleterre contre Louis XIV en 1688, de la Russie et de la France dans la guerre de Sept ans, de la Russie entre la France et l'Autriche en 1805 et entre la France et la Prusse en 1806, de la France, de l'Angleterre, de la Sardaigne entre la Turquie et la Russie en 1854, et de la Russie contre la Turquie en 1877 sont des exemples de la seconde catégorie *. $ 1627. Les guerres civiles sont celles qui surgissent entre concitoyens dans l'intérieur même d'un État.

Dans les temps modernes nous citerons comme exemples les guerres entre les partisans de la reine Dona Maria et ceux de Dom Miguel en Portugal, d'Isabelle II et de Don Carlos en Espagne, et les luttes qui ont si longtemps ensanglanté le Mexique, ainsi que les républiques sud-américaines.

Les guerres civiles proprement dites donnent à chacune des parties engagées le caractère et les droits de belligérants, non seulement à l'égard de son ennemi, mais encore à l'égard des États tiers qui veulent rester neutres. Seulement, pour qu'il en soit ainsi, il faut que ces guerres ne puissent se confondre avec de simples rébellions, dont les fauteurs sont accusés avec raison de violer les lois intérieures du pays, en même temps que leurs actes sont regardés et punis comme des crimes ou des délits de droit commun.

Ce point de vue particulier, cette appréciation toute spéciale produit une certaine confusion dans la sphère du droit international; il peut en effet arriver, et l'histoire en donne quelques exemples, qu'un parti armé contre un autre dans l'intérieur d'un État soit traité, poursuivi et jugé comme traître et rebelle par le gouvernement établi de ce même État, tandis que les pays neutres, à leurs risques et périls il est vrai, lui reconnaissent tous les droits inhérents au caractère de véritable belligérant. C'est pourquoi en

* Voyez t. I, § 107; Wheaton, Élém., pte. 2, ch. 1, §§ 3-16; Wheaton, Hist., t. II, pp. 199 et seq.; Phillimore, Com., vol. I, pt. 4, ch. 1; vol. III, pp. 758 et seq.; Heffter, §§ 44-46; Halleck, ch. 14, §§ 11-22; Manning, pp. 97, 98; Ortolan, Dom. int., tit. 3; Cussy, Précis hist., ch. 12.

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