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Il serait aujourd'hui hors de propos de rechercher la valeur légale d'un acte d'émancipation proclamé par le président de sa seule autorité sans l'intervention du congrès, puisque l'abolition définitive de l'esclavage dans tous les États de l'Union a fait l'objet d'un amendement ajouté à la constitution des États-Unis*.

$ 1903. Les effets immédiats de l'occupation, c'est-à-dire ceux découlant directement du fait même de l'exercice des droits de la guerre, de l'usurpation temporaire du gouvernement du pays, par conséquent les mesures militaires ou ayant un caractère politique, cessent du moment que les troupes ennemies se retirent du territoire occupé. Les habitants rentrent sous l'autorité du gouvernement national, qui recouvre sa souveraineté dans sa plénitude et peut déclarer nuls les actes du gouvernement ennemi intérimaire; il y a toutefois une exception à faire pour les actes administratifs et judiciaires, qui n'ont d'importance qu'en droit privé et demeurent valables. Ainsi les jugements rendus par des tribunaux institués par l'autorité occupante en remplacement des tribunaux nationaux conservent leur effet après la rentrée du pays sous son ancienne souveraineté. C'est ce qui a eu lieu relativement aux jugements rendus en Corse pendant l'occupation anglaise de 1793 à 1799 par les tribunaux anglais ils ont été reconnus valables par arrêts de la cour de Bastia du 3 janvier 1824 et de la cour de cassation du 6 avril 1826.

Si les tribunaux nationaux ont été maintenus par l'autorité occupante, aucune raison ne pourrait être invoquée pour invalider les jugements rendus par eux pendant l'occupation; il en est de même de tous les actes et de tous les contrats intervenus entre les habitants ils restent obligatoires et sont exécutoires après la retraite des troupes ennemies **.

Dana, Elem. by Wheaton, note 169; American State papers, v. IV, p. 117; U. S. laws, v. VIII, p. 282; v. XII, p. 590.

* Bluntschli, § 731; Fiore, 2e partie, ch. 9, t. II, p. 351; Clunet, Journal du droit int. privé, 1876, p. 104.

Effets de l'occupation après la guerre.

LIVRE VI

DROITS ET DEVOIRS DE LA GUERRE PAR RAPPORT A LA

PROPRIÉTÉ DE L'ENNEMI

SECTION I. DE LA PROPRIÉTÉ ENNEMIE SUR TERRE,

ral que con

sur la pro

nemi.

Droit géné- $ 1904. De même que pour déterminer les droits de la guerre fere la guerre relativement aux personnes nous avons dù établir une distinction priété de l'en- entre les combattants et les non-combattants, entre les prisonniers et les individus à la liberté desquels il ne peut être porté atteinte, de même nous sommes obligés pour dégager les règles concernant la propriété ennemie d'avoir égard à la fois à la diversité des biens meubles ou immeubles, et à la qualité publique ou privée des personnes qui les possèdent, soit à terre, soit sur mer,

Guerre de terre.

Suivant sur ce point la méthode adoptée par la généralité des auteurs, nous traiterons d'abord des droits du belligérant sur la propriété ennemie dans les guerres de terre*.

1905. Selon la loi ancienne ce droit était absolu, c'est-à-dire qu'il s'exerçait à la fois contre la personne de l'ennemi et l'ensemble de ses biens adversus hostem æterna auctoritas est: ce qui

Wheaton, Élém., pte. 4, ch. 2, § 5; Vattel, Le droit, liv. 3, ch. 9, § 163; Grotius, Le droit, liv. 3, ch. 6; Bynkershoek, Quæst., lib. 1, cap. 3; Twiss, War, § 62; Heffter, §§ 130 et seq.; Bluntschli, liv. 8, ch. 7; Halleck, ch. 19, § 1; Wildman, v. II, p. 9; Manning, pp. 132 et seq.; Riquelme, lib. 1, tit. 1, cap. 12; Bello, pte. 2, cap. 4, § 1; Martens, Précis, §§ 279 et seq.; Klüber, Droit, §§ 250 et seq.; Fiore, t. II, pte. 2, liv. 2, chs. 6, 7; Massé, t. I, §§ 125-152; Hautefeuille, Droits, tit. 7, ch. 1; Ompteda, p. 308; Kamptz, p. 306; Polson, sect. 6, § 12; Pradier-Fodéré, Vattel, t. III, pp. 37, 38.

entraînait comme conséquence immédiate et logique la confiscation de la propriété.

§ 1906. La règle observée dans ce cas voulait que les biens meubles appartinssent à celui qui s'en était emparé, et que les immeubles passassent dans le domaine de l'État. Toutefois cette pratique a subi des modifications analogues à celles que nous avons signalées par rapport aux prisonniers de guerre; le temps en a adouci la rigueur et restreint l'application, soit en séparant les meubles des immeubles, soit en faisant une distinction entre les biens particuliers et la propriété publique*.

$ 1907. Quelques auteurs ont soutenu que les droits d'un belligérant sur la propriété ennemie dans les guerres terrestres ne s'appliquent qu'aux biens faciles à transporter. Nous avons peine à saisir cette distinction subtile, contraire même au but de la guerre, lequel ne peut être autre que de causer à l'ennemi tout le mal, tout le préjudice nécessaire pour le forcer à faire la paix. A nos yeux le belligérant acquiert la même action, les mêmes titres sur tous les biens de l'État ennemi, sauf à modifier le régime qu'il leur applique d'après la nature des choses et en raison des circonstances de temps et de lieu.

Dans les guerres du siècle passé on confondait encore l'invasion d'un territoire avec sa conquête définitive; et, faisant dériver du seul fait de l'envahissement un droit absolu de propriété sur les biens immeubles de la partie adverse, on en arrivait à reconnaître au gouvernement vainqueur la faculté illimitée de confisquer à son profit tout ce que l'occupation faisait tomber en son pouvoir.

$ 1908. C'est en vertu de ces principes qu'en 1719 (1) le roi de Danemark crut pouvoir transférer au roi d'Angleterre la souveraineté des duchés de Bremen, de Verden et de Stade, qu'il n'occupait que militairement**.

* Wheaton, Élém., pte. 4, ch. 2, §5; Grotius, Le droit, liv. 3, ch. 6; Twiss, War, § 64; Heffter, §§ 130 et seq.; Bluntschli, liv. 8, ch. 7; Halleck, ch. 19, § 1; Manning, pp. 132 et seq.; Riquelme, lib. 1, tit. 1, cap. 12; Bello, pte. 2, cap. 4, § 2; Martens, Précis, § 280; Klüber, Droit, §§ 250 et seq.; Fiore, t. II, pte. 2, chs. 6, 7; Vergé, Martens, t. II, pp. 354-256; Polson, sect. 6, § 13.

(1) Dumont, t. VIII, pte. 2, p. 15.

**Vattel, Le droit, liv. 3, ch. 13, § 197; Grotius, Le droit, liv. 3, ch. 6, § 4; Bynkershoek, Quæst., lib. 1, cap. 6; Wheaton, Élém., pte. 4, ch. 2, §§ 5, 11; Heffter, §§ 131133; Twiss, War, § 166; Bluntschli, § 646; Halleck, ch. 19, § 3; Manning, p. 135; Wildman, p. 9; Martens, Précis, § 282a; Riquelme, lib. 1, tit. 1, cap. 12; Bello, pte. 2, cap. 4, § 1; Moser, Versuch, v. IX, pte. 1, p. 296 ; Ompteda, v. II, § 641; Kamptz, § 306; Klüber, Droit, § 255.

Pratique suivie.

Biens immeubles. Domaine

national.

Conduite

observée par le roi de Danemark.

Transfert

de territoire par l'occupant.

Exploitation des domaines

pés.

$ 1909. Les temps modernes ont fait justice d'une pareille pratique. Il est généralement admis aujourd'hui que l'occupant, ainsi que nous l'avons fait observer, n'a qu'un droit imparfait et ne détient qu'à titre précaire le territoire envahi. N'étant pas encore devenu souverain incommutable du territoire dont il s'est emparé, il ne peut donc disposer du sol en faveur de tiers par don, par cession ou autrement. Tout contrat qu'il passerait, tout acte qu'il accomplirait dans ce but serait absolument nul, et le neutre qui aurait été entraîné à s'y prêter encourrait le juste reproche d'avoir manqué à tous les devoirs de la neutralité et de la délicatesse internationale, sans pouvoir alléguer qu'il ait agi de bonne foi.

Un État neutre ne peut légitimement acheter du vainqueur un territoire conquis, tant que la guerre dure encore; car il est incompatible avec la neutralité qu'il fournisse de l'argent au belligérant victorieux pour le mettre en état de prolonger la guerre; et s'il prenait possession du territoire ainsi acheté et le gardait au détriment du propriétaire primitif, il aiderait l'adversaire de celuici. Ainsi le roi de Prusse devint l'allié des ennemis de la Suède en acceptant, par la convention de Schwedt le 6 octobre 1713 (1), des mains du roi de Pologne et du czar de Russie la ville de Stettin, que ces souverains avaient prise sur les Suédois, et en consentant à la garder à titre de séquestre jusqu'à la conclusion de la paix. Cette conduite du roi de Prusse eut pour conséquence de le mettre peu après en hostilité directe avec la Russie.

Pour que le transfert à un tiers soit légitime, incontestable, il faut que le conquérant ait acquis lui-même un titre ayant ce caractère, en vertu d'un traité définitif de paix impliquant une cession de territoire par le vaincu au vainqueur*.

S 1910. L'unique droit que l'occupation confère à l'occupant publics occu- consiste à se substituer provisoirement au souverain dépossédé et à disposer à titre provisoire des fruits et des revenus qu'il a fait saisir; de là le droit de continuer l'exploitation régulière du domaine national situé sur le territoire occupé; mais en aucun cas cette exploitation ne doit dégénérer en des exactions ou des déprédations abusives.

Cas pendant la guerre

S 1911. C'est en vertu de ces considérations qu'a été déclarée franco-alle- non valable la vente, sanctionnée par l'autorité occupante allemande,

mande, 1870.

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Twiss, War, § 66; Duer, v. I, lect. 4, §§ 37, 38; Halleck, ch. 32, § 25; Cushing, Opinions, v. VI, p. 638.

de chênes abattus en dehors des coupes normales de chaque Coupe de bois année dans les Ardennes pendant la guerre de 1870-1871.

Le 24 octobre 1870 le gouvernement allemand, représenté par le comte de Villers, son commissaire civil en Lorraine, vendit à des banquiers de Berlin, à raison de 3 thalers l'un, plus de 15,000 chênes d'au moins 5 mètres de hauteur et de 50 centimètres de diamètre, mesurés à 1m 25 au dessus du sol, à prendre dans les forêts domaniales des départements de la Meuse et de la Meurthe. Le 8 novembre les acquéreurs rétrocédaient le bénéfice de leur marché aux sieurs Mohr et Haas, de Mannheim, qui firent abattre environ 9,000 chênes et transmirent le marché au sieur Hatzfeld, moyennant non plus 3 thalers, mais 40 francs par arbre abattu. Il versa 150,000 francs comptant et pour le surplus souscrivit des traites jusqu'à concurrence de 300,000 francs. Mis en demeure d'exécuter la convention, le sieur Hatzfeld excipa de la nullité du contrat. En fait l'administration forestière française, après la paix, avait fait saisir les arbres non vendus, et le sieur Hatzfeld avait rétrocédé de lui-même son marché à l'administration sans en tirer bénéfice. Les chênes, vendus d'abord 3 thalers, puis 40 fr., en valaient 150.

Le gouvernement allemand a reconnu lui-même qu'il avait excédé les limites de sa puissance. L'ambassadeur d'Allemagne, prié par MM. Mohr et Haas d'intervenir pour la conservation de leurs droits, leur répondit, le 8 septembre 1871, au nom de son gouvernement, que l'affaire devait être jugée suivant le droit civil français. La cour de Nancy, devant qui elle fut portée, s'appuyant non seulement sur le droit civil français, mais surtout sur les principes les plus incontestables du droit des gens moderne, déclara par arrêt du 3 août 1872 la vente contraire aux règles du droit international, attendu que le droit de domaine, conséquence du droit de souveraineté, n'était pas encore né pour les Allemands à l'égard du territoire où étaient situées les forêts indûment dévastées, et par suite nulle comme constituant la vente de la chose d'autrui*.

§ 1912. Pour que le belligérant qui s'empare des biens meubles de l'ennemi puisse acquérir un titre sérieux et réel de propriété sur ces biens, il est indispensable qu'il les retienne en son pouvoir

*Rolin Jaequemyns, Revue de droit int., 1871, p. 337; 1873, p. 252; Clunet, Journal de droit int. privé, 1874, p. 126.

dans les Ardennes.

Biens

meubles.

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