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Authenticité des preuves

ment de pro

n'obligeait point les citoyens des État-Unis à inscrire sur le passeport le nom des propriétaires du navire; qu'il était aussi injuste de remonter à la provenance des marchandises pour établir leur caractère neutre que d'appliquer au rôle d'équipage les principes restrictifs consacrés pour les passeports. En présence de l'irrégularité manifeste des papiers de bord et de l'usage frauduleux fait d'un rôle d'équipage périmé, le conseil des prises de Paris, confirmant la sentence de première instance du tribunal consulaire de la Corogne et du tribunal maritime de Nantes, maintint la validité de la prise du Républicain.

S2041 L'acquisition par un neutre de la propriété d'un navire sur le change de provenance ennemie exige pour être reconnue valable des priétaire du preuves authentiques et ne laissant subsister aucun doute sur la sincérité de la vente à une date antérieure à celle de l'ouverture des hostilités.

navire.

Prise

du navire Hoffnung.

Capture de l'Anna Maria et du Buckling.

Irrégularité de pièces

La confiscation du Carl Ludwig fut sanctionnée par le conseil des prises, à cause de l'absence de tout document établissant d'une manière irrécusable que l'achat en avait été fait avant la guerre.

S 2042. La prise du navire des États-Unis Hoffnung par le corsaire l'Anonyme donna naissance à un long débat sur la portée réelle de l'article 7 du réglement de 1778 relatif à l'achat des navires ennemis. Ce navire avait été capturé en premier lieu par la goëlette la Légère, et vendu à la Guadeloupe. L'Anonyme, qui s'en empara en second lieu, basait son droit sur la non-exhibition du contrat de vente que les armateurs de la Légère avaient dû faire dresser. Malgré l'avis contraire du commissaire du gouvernement, le conseil des prises prononça la confiscation, en se fondant sur l'absence à bord d'une expédition du contrat d'acquisition et sur l'irrégularité de l'ensemble des expéditions de la Hoffnung.

S2043. Dans deux autres affaires, celles de l'Anna Maria et du Buckling, le conseil des prises décida, conformément à l'article 10 du réglement de 1744, que le citoyen neutre devenant propriétaire d'un navire ennemi vendu aux enchères sur sentence de confiscation rendue par les tribunaux, français est tenu de prouver par écrit les titres sur lesquels repose son acquisition.

$2044. Lorsque l'irrégularité ou l'absence de certaines pièces imputée aux de bord peut être imputée aux fonctionnaires préposés à la vente du navire capturé, la responsabilité des tiers se trouve dégagée, et il ne saurait y avoir lieu à confiscation. Ainsi jugé à propos de

fonction

naires.

l'Anna O'Neil, navire ennemi acheté par un neutre après condamnation par le conseil des prises.

Affaire de l'Anna O'Neil.

Cargaisons; irrégularités

naissements.

§ 2045. Si, d'après l'article 2 du réglement de 1778 (1), la neutralité du navire se prouve à l'aide du passeport, du rôle d'équi- dans les conpage ou de toute autre pièce de bord, l'irrégularité ou l'absence de ces papiers n'est pas considérée comme une cause déterminante de confiscation du chargement, et les cours de prises ont eu à créer une véritable jurisprudence en matière de validité ou de nullité des connaissements.

2046. Au nombre des règles les plus importantes consacrées à cet égard en France nous citerons les suivantes :

1° Pour faire foi il n'est pas de rigueur que les connaissements trouvés à bord soient revêtus de la signature du capitaine. 2o Le contrat d'affrètement qui n'exprime pas pour compte et risque de qui le chargement est fait doit être complété par les énonciations du connaissement.

3o Un relevé général, détaillé et exact des marchandises chargées, quand il est revêtu des mêmes formalités que le connaissements, peut tenir lieu de celui-ci et avoir la même valeur.

4° Les pacotilles du capitaine et de l'équipage n'ont pas besoin, pour être respectées, d'être accompagnées d'un connaissement. 5o Le connaissement doit prouver le caractère neutre des propriétaires de la marchandise.

Ces différentes règles ont reçu leur application dans les affaires des navires la Luisa Augusta, l'Anna, le Wilhelm, l'Économie et l'Amitié *.

S 2047. Quelque sérieuses que soient l'importance et la portée des solutions d'espèces émanées des tribunaux de prises de France, d'Angleterre ou des États-Unis, les principes qui leur servent de base, étant avant tout empruntés à la législation intérieure de ces trois pays, n'ont point en réalité de signification internationale. La loi particulière d'un peuple n'est en effet obligatoire pour les autres nations qu'autant que celles-ci consentent librement à l'accepter ou se la sont appropriée par des stipulations conventionnelles. On ne saurait méconnaitre pourtant que si ces mêmes lois et l'application pratique qui en est faite par les cours de prises ne

(1) Martens, 1o édit., t. IV, p. 198; 2a edit., t. III, p. 18.

• Pistoye et Duverdy, Traité, t. II, pp. 1 et seq.; Cussy, Phases, t. II, liv. 2, ch. 13; Massé, t. I, §§ 342 et seq.; Halleck, ch. 20, § 21; Merlin, Rép., v. Prises maritimes; Dalloz, Rép., v. Prises maritimes.

Règles consacrées

en France.

Importance internatio na

le des règles les prises ma

exposées sur

ritimes.

Respect

sur mer de certaines propriétés

peuvent avoir à l'égard des tiers qu'une sorte de valeur théorique, le caractère spécial des guerres maritimes, l'absence d'équilibre entre les grandes puissances et les intérêts commerciaux des peuples mettent forcément les États faibles sous la dépendance morale de ceux qui sont puissants, et donnent ainsi à la jurisprudence en matière de prises une force, une importance qui dépasse les limites du pays dans lequel elle a prévalu. Ce sont ces diverses considérations qui nous ont amené à grouper ici un certain nombre d'espèces particulières propres à servir de précédent pour la solution de ces graves questions du droit maritime.

S 2048. Malgré les rigueurs que les guerres maritimes font peser sur la propriété privée, malgré l'étendue des droits reconnus de l'ennemi. aux belligérants, on exempte généralenent de saisie ou de confiscation les bateaux pêcheurs, les navires affectés à des missions scientifiques, et ceux qui, par suite de naufrage ou dans l'ignorance de l'état de guerre, relâchent sur les côtes ou dans les ports ennemis.

Bateaux pêcheurs.

Lois et réglements français en faveur des pêcheurs.

Invalidation de la prise de

S2049. La France, dans la plupart de ses guerres sur mer, a exempté de capture les barques et les bateaux employés exclusivement à la pêche. Les édits royaux de 1543 et de 1584, et l'article 80 de la Juridiction de la marine imposaient à cet égard une abstention absolue aux commandants de croiseurs et de corsaires. Si l'ordonnance de 1681 ne rappela pas cette défense et si l'ordonnance de 1692 fit disparaître l'exception au profit des bateaux de pêche en les déclarant confiscables, cela tient, comme on sait, à la conduite violente des officiers de la marine britannique, qui, au mépris des stipulations des traités, saisissaient et détruisaient les barques des pêcheurs français.

Pendant la guerre de l'indépendance des États-Unis, le gouvernement de Louis XVI remit en vigueur les anciens édits, et ordonna de ne point molester les pêcheurs anglais, ni en général les navires chargés de poissons frais, à moins cependant qu'ils n'eussent des armes à leur bord, ou qu'on ne pût les soupçonner d'entretenir des intelligences avec des navires de guerre ennemis.

§ 2050. Les annales du conseil des prises de Paris ne nous ont la Nossa Sen- fourni qu'un exemple saillant de l'application à un particulier des principes de législation que nous venons de rappeler c'est celui de la barque de pêche portugaise Nossa Senhora da Piedade, cap

hora da Piedade.

*Hautefeuille, Des droits, t. III, tit. 12, sect. 1, p. 235.

turée par le corsaire la Carmagnole. Le capitaine demanda sa relaxation, en alléguant qu'il était sorti du port de Peniche pour se livrer à la pêche du maquereau avec salaison à bord; que lui et les treize hommes de son équipage avaient employé à cette opération tout le temps qui s'était écoulé entre son départ et sa capture; enfin qu'il avait été saisi à trois ou quatre lieues en pleine mer, à la hauteur de Tavira. Tous ces faits ayant été reconnus exacts, le commissaire du gouvernement requit la nullité de la capture, conformément aux précédents de la législation française et aux usages des nations civilisées. Le conseil des prises, dans les considérants de sa décision, rappela les principes d'humanité et les maximes du droit des gens, et finalement invalida la prise de la Nossa Senhora da Piedade.

Conduite observée par

S2051. Au commencement des guerres de la Révolution française, l'Angleterre ne suivit pas l'exemple donné par la France, et l'Angleterre. fit saisir et confisquer un grand nombre de bateaux pêcheurs français ou hollandais, dont les équipages furent traités comme prisonniers de guerre. Pourtant en 1799, après l'échange de plusieurs notes diplomatiques, la Grande-Bretagne révoqua son ordonnance de 1798, mais en déclarant que pour elle la liberté de la pêche n'était qu'un acte de pure tolérance, qui ne pourrait s'appliquer ni à la grande pêche ni au commerce des huîtres.

2052. Dans le cours de leur guerre contre le Mexique les États-Unis permirent aux pêcheurs ennemis de continuer librement l'exercice de leur industrie.

La France agit de même lors des guerres d'Orient, d'Italie et d'Allemagne, en interdisant à tous ses croiseurs, par mesure générale, de troubler en rien la pêche côtière, et de saisir aucune barque ou aucun bateau, à moins de nécessités commandées par les opérations militaires et maritimes.

Malgré son alliance avec la France et l'Italie, l'Angleterre ne suivit pas en 1854 la même ligne de conduite, et l'on a vu ses croiseurs dans la mer d'Azoff détruire les pêcheries, les filets, les instruments de pêche, les provisions, les bateaux et jusqu'aux cabanes des riverains.

Pratique des temps modernes. Etats-Unis, France et Angleterre.

Grandes pêches

$ 2053. Le privilége d'exemption de capture, qui est généralement acquis aux bateaux pêcheurs exploitant leur industrie à proxi- maritimes. mité des côtes, n'est dans aucun pays étendu aux navires qui se livrent en haute mer à ce qu'on appelle la grande pêche, telle que celle de la morue, du cachalot, de la baleine, du phoque et du

Cas de naufrage et de

cée.

veau marin. Ces navires sont en effet considérés comme adonnés à des opérations à la fois commerciales et industrielles.

§ 2054. La pratique suivie par les États belligérants dans les cas relache for de naufrage et de relâche forcée d'un navire ennemi n'offre aucune uniformité. Certains pays, dans un sentiment élevé de justice et d'humanité, auquel nous nous rallions de tout point, repoussent toute idée de capture, tandis que d'autres n'hésitent pas à appliquer la confiscation; d'autres font une exception du cas où le navire fait naufrage pendant que l'ennemi le poursuit et considèrent comme de bonne prise ce qu'on peut alors en sauver.

Précédents

historiques.

Expéditions

et missions

§ 2055. Comme précédent en faveur de la doctrine libérale qui, à nos yeux, doit invariablement prévaloir en cette matière, nous mentionnerons la conduite de l'autorité supérieure de la Havane à l'égard du navire de guerre anglais l'Isabelle, qu'une fortune de mer avait poussé à se réfugier dans la capitale de l'île de Cuba.

La pratique contraire, tombée, il est vrai, depuis lors en complète désuétude, est sanctionnée par le réglement français de 1788 et par divers arrêts de l'amirauté britannique, qui admettent la confiscation. On peut citer comme exemple le cas tristement célèbre des naufragés de Calais, et la capture par deux bâtiments de guerre anglais du navire français l'Impétueux, entré en relâche forcée à Bristol.

S 2056. Il n'est pas à notre connaissance qu'aucune nation belliscientifiques. gérante ait refusé d'exempter de capture et de couvrir même de sauf-conduits en règle des bâtiments de guerre ou marchands ennemis chargés de missions pacifiques, telles que voyages d'exploration et de découvertes scientifiques. C'est notamment ce qui a eu lieu sous les règnes de Louis XV et de Louis XVI pour les voyages de Bougainville et de La Pérouse, et, dans des temps plus rapprochés de nous, pour les navires lancés à la recherche de l'illustre Franklin et pour l'expédition autrichienne confiée à la corvette Novarra en 1859.

Il va sans dire seulement que pour conserver intact le privilége qui leur est octoyé, ces sortes de navires sont rigoureusement tenus de s'abstenir de tout acte hostile, et que le gouvernement sous les auspices duquel ils remplissent leur mission scientifique est astreint à notifier d'avance aux belligérants le caractère du bâtiment explorateur, son nom, sa force, son armement, le but de son voyage et les principaux points d'atterrage*.

Ortolan, Règles, t. II, liv. 3, ch. 2, pp. 51-56; Valin, Com., t. II,

p. 690; Haute

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