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Résolutions

de la cham

merce de

New York en 1854.

verraient obligés d'adopter le ruineux et dangereux système d'entretenir une immense marine de guerre et de transformer ainsi leur organisation politique. >>>

Quant à nous, rendant hommage aux idées libérales que nous venons de reproduire, nous croyons que l'inviolabilité de la propriété privée, si elle n'est pas susceptible d'une application immédiate et universelle, constitue en tout cas un principe immuable auquel le développement des idées modernes imprime une impultion remarquable, et dont on peut dès à présent proclamer l'adoption par le droit international*.

S2096. Deux ans avant la déclaration du congrès de Paris bre de com- de 1856, le 6 avril 1854, la chambre de commerce de New York avait décidé 1o que, dans son opinion, l'emploi des corsaires dans la guerre sur mer est contraire à la saine morale, incompatible dans son esprit avec les principes de la justice et de l'humanité, et que le moment était venu où les nations civilisées ne pouvaient plus tolérer un semblable usage; 2° que les déprédations occasionnées par les corsaires n'ont d'autre résultat que de causer la ruine des particuliers sans aucun avantage pour la nation, et que la guerre peut se faire d'une manière efficace sans qu'il soit besoin d'employer de pareils moyens de souffrances privées et de pillage individuel, qui pèsent presque entièrement sur les classes commerçantes; 5° que le gouvernement des États-Unis a pour devoir de coopérer aux efforts tentés par les agents diplomatiques des puissances européennes pour obtenir l'abolition de la course; 4° enfin, que le traité négocié en 1785 (1) entre les États-Unis et la Prusse par les soins du sage et prévoyant Franklin, et en vertu duquel les deux gouvernements s'engageaient à ne pas délivrer de lettres de marque, était une preuve évidente de la politique qui dominait alors et méritait l'appui de la chambre de commerce.

Ces décisions n'étaient pas absolument d'accord avec l'opinion du cabinet de Washington, qui jusque là s'était refusé à la disjonction de la doctrine de l'inviolabilité de la propriété privée sur mer de celle de l'abolition de la course, les deux principes lui semblant tellement connexes qu'il n'admettait pas la possibilité de les ré

Wheaton, Élém., pte. 4, ch. 2, § 17; Riquelme, lib. 1, tit. 2, cap. 13; Ortolan, t. II, liv. 3, ch. 2, p. 49; Cauchy, t. II, p. 503; Gessner, p. 431; Bluntschli, Revue de droit int., 1877, t. IX, p. 552; Torres Caicedo, Mis ideas, t. I, p. 160.

(1) Elliot, v. II, p. 334; State papers, v. XV, p. 885; Martens, 1re édit., t. II, p. 566; 2e édit., p. 37.

soudre séparément (1); mais cette divergence même prouve combien la seconde doctrine gagnait du terrain.

Enfin en l'année 1856 est intervenue la manifestation solennelle du congrès de Paris, qui, on peut le dire, a résolu implicitement le principe de l'inviolabilité (2).

$2097. Le traité de Zurich, signé le 10 novembre 1859 (5), lui a imprimé en quelque sorte un caractère plus positif par la stipulation de l'article III, qui porte que : « pour atténuer les maux de la guerre, et par une dérogation exceptionnelle à la jurisprudence généralement consacrée, les bâtiments autrichiens capturés qui n'ont pas encore été l'objet d'une condamnation de la part du conseil des prises seront restitués. »

Cette décision du gouvernement de Napoléon III fut confirmée par le décret du 29 mars 1865 (4), qui ordonnait que les navires mexicains capturés seraient immédiatement restitués à leurs propriétaires*.

en

§ 2098. A partir de ce moment on ne pouvait plus douter de l'adoption de cette doctrine, que plusieurs faits postérieurs sont venus consacrer. En effet le 13 mai 1866 (5) l'Autriche, alors guerre avec la Prusse, publia une ordonnance dont l'article était ainsi conçu: « Les navires et leurs chargements, pour le seul

(1) Voir Neutralité, part. 3, liv. 1.

Ier

(2) Vidari, justifiant le titre de son excellent livre Du respect de la propriété privée chez les États qui sont en guerre, s'exprime ainsi : « J'ai pensé que si tant de nobles choses ont été écrites pour défendre les droits des peuples neutres, en sorte qu'il

a été donné aux amis de la science de voir ces droits reconnus dans la déclaration du 16 avril 1856, – il me serait bien permis de me lever en faveur des citoyens des États belligérants, et de démontrer le devoir de justice et la convenance politique qui commandent le respect de leur propriété privée. L'une de ces causes serait-elle peut-être moins grave ou moins importante que l'autre? Et si jusqu'à présent, à l'exception de la voix pleine d'autorité et courageuse de Cauchy, à peine quelques voix timides se sont fait entendre pour patronner cette noble cause, y aurait-il présomption excessive de ma part à traiter, à mon tour, la question ex professo? » (Del rispetto della proprietà privata fra gli stati inguerra. Pavia, 1867.) Les doctrines développées par Vidari, avec autant de talent que d'éloquence, à l'appui du principe de l'inviolabilité de la propriété privée sur mer, méritent toutes nos sympathies; aussi recommandons-nous son livre comme une des sources les plus fécondes auxquelles puissent recourir avec fruit tous ceux qui s'intéressent au progrès des idées libérales.

(3) De Clercq, t. VII, pp. 643 et seq.; Savoie, t. VIII, p. 703; Archives dipl., 1861, t. I, p. 18; Martens-Samwer, t. III, pte. 2, p. 531; Bulletin des lois, 1859, no 743; Annuaire des Deux Mondes, 1858-1859, p. 998.

(4) De Clercq, t. IX, p. 228; Archives dipl., 1865, t. III, p. 26.

Le Moniteur universel du 2 avril 1865.

(5) Archives dipl., 1866, t. II, p. 436; Moniteur, 1866, p. 586.

1859. Traité

de Zurich.

1866. L'Autriche proclame le principe de

l'inviolabilité

de la proprié

té privée.

Adhésion

de la Prusse

fait d'appartenir à un pays avec lequel l'Autriche est en état d'hostilité, ne peuvent être capturés sur mer par les navires de guerre autrichiens, ni être déclarés de bonne prise par les tribunaux de prises autrichiens, à la condition que la puissance ennemie observera à cet égard la stricte réciprocité.

§ 2099. Les cabinets de Berlin et de Florence acquiescèrent et de l'Italie. complètement au principe en question, qui reçut à cette occasion la sanction de la pratique.

Voici le texte de l'ordonnance du roi de Prusse du 19 mai 1866 concernant la non-saisie par les bâtiments de guerre des navires de commerce ennemis :

<< Sur le rapport du ministère d'État, j'ai décidé qu'en cas de guerre les navires marchands appartenant aux sujets de l'État ennemi ne seront point soumis à la saisie et à la capture par mes bâtiments de guerre, toutes les fois que l'État ennemi accordera la réciprocité.

« La disposition qui précède ne sera toutefois pas appliquée aux navires qui seraient demeurés passibles de saisie et de capture, s'ils avaient été neutres.

« La présente décision sera promulguée et insérée dans la collection des lois. << Berlin, 19 mai 1866.

« GUILLAUME, rex. »

BIBL

Cette ordonnance fut suivie d'une circulaire ministérielle, en date du 21 juin 1866, relative à la manière dont devaient être traités les navires autrichiens. Après avoir rappelé les principes consacrés par la déclaration du congrès de Paris du 16 avril 1856, la circulaire dit:

<<< La décision royale du 19 mai dernier a établi qu'en cas de réciprocité les navires de commerce des sujets d'un État ennemi ne seront point soumis à capture, sauf dans les circonstances où les navires neutres eux-mêmes restent soumis à la saisie. « Le commerce a été informé le 13 du courant que l'exemption de toute capture accordée aux navires comprenait aussi l'affranchissement de toute saisie en faveur de la cargaison.

« Le gouvernement autrichien a pris part à la déclaration du 16 avril 1856, Il a de plus déclaré, sous réserve de réciprocité, vouloir de son côté mettre en pratique le principe consacré par la décision royale du 19 mai. Les dispositions rappelées plus haut deviennent par conséquent applicables à la guerre avec l'Autriche.

<<< Il ne nous reste donc en ce moment qu'à établir ce qui suit relativement à la situation du commerce maritime :

« 1o Les navires marchands autrichiens qui se trouvent présentement dans un port prussien ou y entreront avant que leurs capitaines aient pu être informés de l'état de guerre jouiront d'un délai de six semaines pour débarquer leur cargaison et prendre à leur bord un nouveau chargement, la contrebande de guerre exceptée. A l'expiration du dit délai ils devront quitter le port.

<< 2o Les navires marchands autrichiens dont les capitaines ont pu être instruits de l'état de guerre ne seront point reçus dans les ports prussiens.

La notification officielle du ministère de la marine d'Italie est conçue dans les termes suivants :

« Le gouvernement autrichien ayant par décret impérial du 13 mai dernier sanctionné de son côté l'affranchissement de toute saisie et capture par les bâtiments de guerre des navires marchands ennemis, tel qu'il est consacré par l'article 211 de la loi sur la marine marchande, cette mesure recevra son application durant la présente guerre entre l'Italie et l'Autriche, à l'exception des navires chargés de contrebande de guerre ou qui tenteraient de violer le blocus. »

Extrait du code de la marine marchande d'Italie, du 25 juin 1865 (tome Ier, titre 4, chapitre 2):

«Des prises faites par des bâtiments de guerre.

ART. 211. La saisie et la capture par les navires de guerre des navires marchands ennemis sont abolies, à charge de réciprocité, en faveur de celles des puissances qui consacreront un traitement semblable à l'égard de la marine marchande italienne. Cette réciprocité de traitement aura pour base soit les lois intérieures du pays, soit des conventions diplomatiques, soit des déclarations expresses faites par l'ennemi avant l'ouverture des hostilités.

« ART. 212. Sont exclues des dispositions de l'article précédent la saisie et la confiscation de la contrebande de guerre; et en cas de contravention de ce genre le navire ennemi sera traité comme les navires neutres qui violent la neutralité. Sont également exclues des mêmes dispositions la saisie et la confiscation en cas de violation d'un blocus effectif et notifié.

« ART. 213. Les règles de conduite à imposer aux capitaines de corsaires seront déterminées par décret royal, ou par décision du commandant en chef de la flotte, d'une escadre ou d'une division navale, toutes les fois que les instructions spéciales y relatives n'auront pu être adressées en temps utile (1). »

Résolutions des chambres

$ 2100. Il est vrai que ce fait se préparait déjà depuis longtemps. Les chambres de commerce de Brême, de Hambourg, de plusieurs de commerce. ports de France, de Manchester, de Liverpool, de Newcastle, de Bristol, d'Anvers et de Rotterdam s'étaient jointes à celles des ports de la Baltique pour élever la voix en faveur de la nouvelle doctrine, plus conforme que l'ancienne au progrès de notre époque, aux principes économiques qui y prédominent, à la nécessité de donner au commerce de toutes les nations la sécurité, l'essor et la liberté que réclament son extension et son développement.

pour

l'Angleterre point adhéré

de n'avoir

à la proposition des Etats-Unis.

S 2101. Dans la terrible lutte qu'ils eurent à soutenir de 1860 Conséquences à 1865 les États-Unis reconnurent les graves inconvénients du principe contraire; et la Grande-Bretagne, cette puissance maritime par excellence, se vit forcée de céder au courant irrésistible des idées modernes. Les discussions engagées entre elle et la république nord-américaine au sujet de l'armement de l'Alabama (2) se sont terminées dans le sens de l'inviolabilité de la propriété privée sur mer.

Décision de la diète de

S2102. En dernier lieu la diète de l'Allemagne du Nord, donnant une preuve nouvelle des idées libérales qui l'inspirent, a le la Confédéra

(1) Moniteur universel, no 177, juillet 1866. (2) Voir Neutralité, pte. 3, liv. 1.

tion de l'Allemagne du Nord.

18 avril 1868 sanctionné, à l'unanimité des voix, une loi qui autorise le gouvernement fédéral à négocier, au moyen d'une convention à intervenir entre toutes les nations, l'adoption uniforme du principe de l'inviolabilité de la propriété privée sur mer, en l'élevant au rang des principes reconnus par le droit international.

La motion faite par le docteur Ægidi, avec l'appui de seize autres membres du parti libéral, et adoptée par la diète, est conçue en ces termes : « Le chancelier fédéral est invité à profiter des relations amicales actuellement entretenues avec les puissances étrangères pour provoquer des négociations dont le but soit d'élever, par voie de conventions d'État à État, la liberté de la propriété privée sur mer en temps de guerre à la hauteur d'un principe reconnu de droit international. » Cette résolution a été suivie d'une importante discussion, qui offre un contraste frappant avec la stérilité et la longueur des débats dont le Parlement anglais avait été le théâtre le 14 juillet 1857, le 18 février 1861, le 11 et le 17 mars 1862 et le 2 mars 1866. La discussion soulevée à Berlin a été remarquable sous le double point de vue de l'exposé historique et de la justification rationnelle du principe soutenu.

Voici d'ailleurs un résumé de la séance de la diète fédérale du 18 avril 1868:

M. Lesse, de Dantzig, fit l'historique du mouvement en faveur de l'inviolabilité de la propriété privée sur mer en temps de guerre : 1o depuis l'époque où Franklin en inaugura le principe dans le traité qu'il conclut le 10 septembre 1785 avec Frédéric le Grand, jusqu'à celle des efforts tentés par l'Assemblée nationale française en 1792; 2o depuis l'amendement à la déclaration du congrès de Paris de 1856 réclamé par les États-Unis d'Amérique, jusqu'à la polémique contradictoire soutenue par Lord Palmerston, qui plaida ouvertement le pour le 7 novembre 1856 et le contre le 3 février 1860; 3° depuis les résolutions de Brême adoptées par les chambres de commerce de l'ancien et du nouveau monde, jusqu'à l'initiative des Pays-Bas, à laquelle s'unirent toutes les puissances maritimes de second rang; 4° enfin jusqu'aux lois italienne, autrichienne et prussienne, qui ont sanctionné le principe en question à l'occasion de la guerre de 1866. La proposition Ægidi eut pour défenseurs plusieurs membres influents de la diète, qui firent voir à quel point l'intérêt du commerce et de la navigation se rattache à ce progrès dans les relations internationales. M. Delbruck,

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